Les 10 vies de Pablo Picasso
Rares sont les artistes à avoir autant influencé l’Histoire de l’Art que Pablo Picasso. Période bleue, période rose, cubisme, surréalisme… il est possible de classer l’ensemble des œuvres de ce touche-à-tout génial en 10 grandes périodes, largement influencées par son état d’esprit du moment.
Retour sur la carrière d’un génie du XXe siècle!
Et vous, quel Picasso êtes-vous?
Première Communion, 1896, 118 x 166 cm
Tout petit déjà, Pablo suit des cours de dessin et de peinture « traditionnels ». Il faut dire qu’avoir un Papa artiste, ça aide à développer sa fibre créatrice! Ses premières toiles, alors qu’il n’a pas encore 10 ans, font preuve d’une maturité insolente. Il entre aux Beaux-arts très jeune, mais n’a déjà plus grand chose à y apprendre… Au contraire, il prend un soin particulier à « désapprendre » des techniques et des normes qu’il estime trop rigides. Que le lecteur juge par lui-même: entre Première Communion (ci-dessus) qu’il compose alors qu’il a à peine 15 ans et Corrida (ci-dessous) qu’il peint 4 ans plus tard, la différence de style est flagrante!
Corrida, 1900
La Vie, 1903, 197 x 129 cm
Le mal-être du jeune peintre transpire maintenant dans ses tableaux. Le suicide de son ami Carlos Casagemas l’affecte profondément. Nostalgique du bon vieux temps où il faisait les 400 coups avec lui, il navigue au gré du vent entre Paris et Barcelone à la recherche du bonheur passé. Faut-il être malheureux pour être un grand artiste? Ce n’est pas Picasso qui nous dira le contraire… D’une pauvreté extrême, il se pose finalement à Paris et vit dans les bas-fonds de la capitale où il passe ses journées à peindre, puisant l’inspiration dans le monde misérable qui l’entoure. La teinte bleutée qu’il donne à ses modèles glace le sang du spectateur. Les personnages qu’il dessine semblent sortir d’outre-tombe et personnifie à la perfection la solitude et la mort.
Deux femmes au bar, 1902, 80 x 91 cm
Famille de saltimbanques, 1905, 213 x 230 cm
Les prostituées, les mendiants, les suicidaires, ça va bien cinq minutes! Picasso semble reprendre du poil de la bête et redonne un peu de couleur à ses compositions. Mais que l’on ne s’y trompe pas! Sous l’apparente légèreté des modèles choisis (saltimbanques, personnages de la Comedia del Arte,…) se cache une nouvelle fois un désenchantement du monde pour reprendre une expression chère à Max Weber! Les saltimbanques sont en habits de scène mais ne sont pas en représentation pour autant. Les regards sont vides, les expressions mélancoliques. On se dit qu’une petite cure de Prozac ne ferait pas de mal à l’ami Picasso.
Fillette à la balle, 1905, 106 x 76 cm
Tête d’Homme, 1908, 16 x 18 cm, l’art « nègre » dans toute sa splendeur
1907: retenez bien cette date, vous assistez en direct à la naissance de l’art moderne! Et son géniteur est bien sûr notre Pablo adoré avec Les Demoiselles d’Avignon qui rompt radicalement avec les traditions artistiques. Dans le même temps, il s’intéresse à l’art « nègre » (ainsi qualifié à l’époque, j’invente rien!) inspiré des arts tribaux africains: les expressions sont figées, les arcades sourcilières épaisses, le nez épaté, etc. Inutile de vous dire que Picasso ne fait alors pas vraiment l’unanimité et ne s’attire que le mépris de la plupart de ses contemporains.
Les Demoiselles d’Avignon, 1907, 243 x 233 cm
Le pigeon au petit pois, 1912, 65 x 54 cm
Ça y est, Picasso, à force de persévérance, finit enfin par être reconnu comme un grand artiste dans le tout-Paris. Quel soulagement! Comment va-t-il réagir? Va-t-il persévérer dans le style qui l’a fait connaître ou, au contraire, en profiter pour aller à la découverte de nouveaux terrains d’expérimentations? Vous commencez maintenant à connaître un peu l’artiste et vous vous doutez bien que c’est cette deuxième option qu’il va prendre!
Avec son ami George Braque, ils vont mener de véritables expériences artistiques. Leur but? Casser les codes, détricoter la réalité, aller loin, toujours plus loin!
Il faut bien admettre que les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances des deux artistes… Picasso nous perd un peu en cours de route, mais rassurez-vous, le génie a plus d’un tour dans sac…
Deux femmes courant sur la plage, 1922, 32 x 41 cm
♪ Qu’il est long, qu’il est loin, ton chemin Papa, C’est vraiment fatigant d’aller où tu vas ♫
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Picasso est dur à suivre! Après avoir passé des années à casser tous les codes artistiques existants, il revient aux sources, l’air de rien…
Depuis quelques temps, Pablo s’est quelque peu embourgeoisé… Reconnu par le tout-Paris, la star brasse maintenant des millions et est courtisé par les plus belles femmes d’Europe. Il se met à la colle avec une certaine Olga, une danseuse des ballets russes et nos deux tourtereaux passent du bon temps pendant plusieurs mois à Rome. Domestiques, chauffeur privé,… Picasso est maintenant à des années-lumière du train de vie misérable de sa jeunesse!
Que cette vie heureuse et épanouie ait modifiée sa perception des choses, cela ne fait aucun doute. Il semble rentrer dans le rang, police son style, devient plus « mainstream »… Et voilà notre artiste qui se met à rendre hommage aux modèles utilisés lors de la Renaissance. Bien sûr, il y ajoute toujours sa touche personnelle… Faut pas déconner quand même!
Le baiser, 1925, 130 x 98 cm
Peindre des baigneuses courant le long de la plage, c’est très récréatif, bien sûr, mais ça ne suffit bientôt plus à l’artiste pour combler son besoin d’expression. Il se rend très vite compte que le succès lui est monté à la tête et que ces dernières œuvres manquent cruellement de créativité. Pablo nous fait maintenant une crise existentielle… Ajoutez à cela que tout va mal avec son épouse Olga, que sa maîtresse Marie-Thérèse trouve le moyen de tomber enceinte et qu’une autre de ses maîtresses lui met la pression pour qu’il divorce d’Olga! Y’en a qui craqueraient pour moins que ça, c’est sûr!
Heureusement, il reste une chose avec laquelle Picasso n’est pas en crise: son amour pour la peinture. Il décide de changer radicalement de registre et verse cette fois dans le surréalisme. Ses nouvelles toiles sont chargées d’une violence et d’une sexualité bestiales.
On retrouve enfin le Picasso qu’on aime.
Allelujah!
Guernica
1936: la guerre civile fait rage en Espagne. Picasso ne s’arme pas de fusils pour lutter contre l’oppresseur, mais de pinceaux et de seaux de peinture. Son Guernica, une fresque débordant d’horreur et de violences, devient le symbole de la lutte contre le fascisme et l’oppression des faibles. Alors même que les Allemands envahissent la France et s’installent dans la capitale, lui reste à Paris. Il fait l’objet d’un surveillance accrue par les Nazis qui voient en lui un artiste subversif.
Côtoyant la mort à longueur de journée, il se livre à une sorte de catharsis dans ses œuvres où s’amoncellent chair déchiquetée, ossements abandonnés et visages marqués par l’angoisse.
Chat saisissant un oiseau, 1939, 81 x 100 cm
Le déjeuner, 1953, 98 x 130 cm
Finies les turpitudes de la guerre! Le soleil et la joie de vivre brillent de nouveau sur l’Europe. Picasso s’installe sur la Côte d’Azur avec une petite jeunette d’une vingtaine d’années (lui en a 65!). Riche à millions, courtisé à outrance, il préfère prendre du recul par rapport au show-biz et profite de la vie avec sa famille.
Cette joie de vivre transpire dans les œuvres qu’il compose durant cette période. Son style se rapproche de plus en plus de celui des dessins enfantins, éclatants de couleur. Enfin, les traits de ses personnages sont apaisés, tranquilles.
L’Enlèvement des Sabines, 1962
Pablo est maintenant un vieillard et vit comme un reclus dans sa villa de la Côte d’Azur. Jacqueline, sa nouvelle épouse, l’incite à s’enfermer seul dans son atelier et à refuser le contact avec le monde extérieur. Totalement ego-centré, abandonnant enfants et petits-enfants, il se consacre tout entier à son art. Rendant hommage à sa propre carrière et à celles de ses illustres prédécesseurs (Velazquez, Delacroix,…), il compose des toiles dans tous les styles qu’il a lui-même développés. Il meurt à l’âge de 92 ans, laissant derrière lui un héritage fort de plusieurs centaines d’œuvres qui marqueront l’histoire de l’art à tout jamais.
L’atelier de Cannes, 1956, 114 x 146 cm : Picasso prend pour sujet son propre atelier où il s’enferme des jours durant.
Et vous, quel est votre Picasso préféré? Le rebelle de ses débuts? Le nostalgique? Le torturé? Le conventionnel? Personnellement, j’ai bien du mal à me décider!
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Superbe et facile à lire!
Je vote pour ce genre d’articles pour tous les artistes!
tu as raison
Bizarrement, ce sont les oeuvres les plus connues de Picasso (Les demoiselles d’Avignon et Guernica) qui me plaisent le moins.
J’ai parlé de ça à un ami et il me disait que, concernant Guernica, il fallait vraiment le voir « en vrai » pour l’apprécier. Le gigantisme de la fresque est une vraie claque visuelle selon lui qu’on ne peut pas avoir quand on regarde une copie sur un livre ou sur internet.
J’ai passé une demi-heure à chercher où était le pigeon dans le tableau « Le pigeon aux petits pois »… Sans résultat! Par contre, j’ai trouvé les petits pois lol.
Les tableaux de sa période « bleue » sont incontestablement ceux qui me parlent le plus. Je ne suis pas trop fan du surréalisme.
Son tableau La Vie (période bleue) est splendide, mais je n’arrive pas à analyser pourquoi…
Picasso est géniallissime, tout comme votre site!!!!!
Paradoxalement, Picasso est un de ces artistes que tout le monde connaît (de nom) mais que personne ne connaît vraiment.
J’ai personnellement un petit faible pour sa période bleue et celle où il peint un monde « désenchanté ».
Super article 😀
Je ne connaissais pas du tout toutes les phases de la peinture de Picasso, je n’en avait retenu que le tout début classique, les demoiselles d’Avignon et Guarnica (surtout parce que ces 2 oeuvres là se sont retrouvés sur mon chemin en cours d’art plastique x) )et je l’avais rangé dans la case des peintres que je n’aime pas trop mais en fait il est fort intéressant 😀
Et l’article est simple, complet et porte même une touche d’humour: j’adore 😀
Super! J’ai adoré! J’aurais dû vous avoir comme prof quand j’étais au lycée, je serai peut-être devenue une bonne élève… 😎
Marre de tous ces profs à la noix qui se contentent de lire et dicter leur cours sans aucune passion! (sans rire, j’ai eu un seul prof passionnant dans toute ma scolarité… c’est peu…)
😉 Une belle rétrospective des différents styles artistiques de Picasso et une belle incitation a visiter le musée.
En réalité, Picasso laisse derrière lui plus de 1885 peintures, 11748 dessins, 1228 sculptures, 2800 céramiques, 18000 gravures et enfin 6000 lithographies !
ça fait quand même réfléchir…
C’est clair que ça force le respect!
Depuis quand la quantité est synonyme de qualité.Combien de dessins, de gravures, de lithographies ne sont que des brouillons, voir des gribouillis et certaines peintures que des traces d’humeur sans génie.
Vermeer n’a laissé que 37 peintures toutes géniales .Picasso n’aurait certainement jamais eu le talent de les réaliser. Une petite partie de l’œuvre de Picasso est remarquable, c’est tout. Ce fut un artiste original mais pas un génie artistique. Son véritable génie fut de faire croire à son génie. La preuve c’est que vous y croyez encore !
Ce n’était qu’un charmeur égocentrique , un manipulateur pervers et paranoïaque il savait séduire, il savait faire souffrir, il savait détruire, dominer et embobiner. Combien de personnes dans son entourage se sont suicidées ? Quand il a compris qu’il pouvait vendre un brouillon au prix d’un chef d’œuvre il n’ a eu aucun scrupule à en faire des tonnes.
Les marchands d’art devenus complices de son bluff l’ont toujours su mais puisque il y avait assez de cons pour acheter pourquoi ne pas en profiter. Si l’on prend les différents axes de l’expression pictural Picasso était nul sur bien des points. Incapable de exprimer son art en perspective, en jouant sur la profondeur de champ en modifiant le point de vue : dessus, dessous, devant, derrière, pas de reflets , pas de miroirs, pas de raccourcis, pas d’écorchés…Non, une vision à plat sans arrière plan. En modelage ou sculpture c’est un pauvre tâcheron de l’art brut, une toute petite grenouille veut qu’on le prenne pour un bœuf. Non, Picasso n’est pas un génie sur le plan artistique.
Mais…mais maintenant que ses œuvres mêmes les plus nulles valent une fortune le mythe va tenir bon et aussi longtemps que possible comme les bulles spéculatrices de wall-street pleines de vide…mais chut !
Excellent article très didactique
j,aime bien
sa ma appris beaucoup de chose sur picasso
Moi j’aime sa période cubiste de toute façon les peintres sont la plupart tourmentés je peins et je suis tourmentée !!
« Spinoza », peut-tu nous montrer tes nombreuses et merveilleuses créations, oui oui, celles qui te permettent de dire bien stupidement « la quantité n’est pas la qualité »?….Pourquoi ne pas dire tout simplement « Je ne comprends rien », ou encore plus simplement « Je n’aime pas » ? Sans doute du haut de tes six ans n’as-tu pas encore cette profondeur d’esprit……… »Tâcheron de l’art brut »…..Je suis désolé, mais la seule réflexions qui me monte aux lèvres en te lisant, c’est « pauv’con »! (Dit sur le même ton que Sarko….)!
D’après moi (mais je me trompe peut-être); PICASSO pourrait être défini comme (avant leurs prolixes heures) de Beatles de la peinture.1)les Beatles chantaient à leurs début d’assez simples mélodies plus souvent non »violentes » (musicalement ,évidemment);puis ils sont passés à une production d’oeuvres où s’y trouvaient des sons (où notes) plus »révolutionnaires » bouleversant »l’ordre habituel du rock » où l’on y percoit l’influence de Jimmy Hendrix voire du psychédélisme (musical).Lors de ses périodes »du début » PICASSO a commencé par peindre des tableaux monochromes , où proches »du classique où les formes et couleurs étaient…(et le sont encore puisque ses tableaux sont conservés..) ……. …….non en très grands nombres et où donc »le sujet peint » se »comprenait » rapidement et simplement par »le spectateur ».Tandis que plus PICASSO continue sa vie »en son Temps »…..(au 20 ième siècle où là aussi sont apparus »les BEATLES »)…..plus ses œuvres se détachent de la réalité simple et sont même remplies de formes et couleurs non »réelles » où du moins très très éloignées de la réalité , où c’est d’une certaine façon comme dans »les rêves » (« belles incohérences des traits et passages d’images colorées »violentes » ,ceci lorsque la personne » rêve en couleurs quoique dans un rêve agité);et là ça ferait un écho au psychédélisme.Comme pour des musiciens qui ont oeuvrés aussi au 20 ième siècle dont les BEATLES, voire HENDRIX (qui »brise » toutes les »normes »).L’expression que je mets »PICASSO , Beatles de la peinture » est anachronique ,mais cela se comprends car PICASSO »brisa les normes » et c’était bien dans cela qu’était »L’Avant Garde du 20 ième siecle ».Les BEATLES étaient perçus aussi comme de »l’Avant Garde musicale » en leurs siècle.(voire encore plus HENDRIX).