[Une œuvre à la loupe] À la découverte du grand Masturbateur
Quiconque s’intéressant de près ou de loin à l’œuvre de Salvador Dalí a déjà croisé le Grand Masturbateur au détour d’une de ses toiles. La figure est reconnaissable entre toutes: un visage étrange aux cils démesurés et au nez énorme évoquant bien évidemment l’artiste lui-même. La forme est d’ailleurs inspirée de celle d’un rocher existant réellement dans la région natale de l’artiste, près du Cap Creus en Espagne.
« Le Grand Masturbateur »… Pourquoi donc ce nom? Serait-ce à cause de la forme du nez qui pourrait aisément servir de sex-toy aux plus imaginatifs d’entre nous? (Ne riez pas, c’est la première chose qui me soit venue à l’esprit la première fois que j’ai vu l’œuvre!) Non, vous vous en doutez, la vraie raison est loin d’être aussi triviale. Le peintre avait peur des femmes et disait à qui voulait l’entendre qu’il avait régulièrement recours à la masturbation (du moins, avant sa rencontre avec Gala, le grand amour de sa vie).
La tête est donc en train de rêver, d’imaginer une scène pour alimenter son plaisir autosuffisant. Les yeux fermés, elle imagine une scène de sexe torride faisant fantasmer l’artiste, matérialisée derrière le crâne dans le coin supérieur droit de l’œuvre. La bouche féminine se prépare, gourmande, à pratiquer une fellation à son partenaire qui reste pourtant désespérément au repos… contrairement au pistil de l’arum qui se dresse fièrement entre les seins de l’amante!
La sensualité de la scène contraste fortement avec d’autres éléments du tableau autrement moins excitants! Les cuisses de l’homme sont meurtries et pleines de sang, le visage féminin lui-même possède des veines inquiétantes et surtout une immense sauterelle, apparemment en putréfaction si on se réfère à la multitude de fourmis qui couvre son abdomen, a élu domicile juste sous le nez du Grand Masturbateur.
Le Grand Masturbateur, Salvador Dali, 1929, Huile sur toile, 110 cm x 150 cm. Madrid, Museo nacional centro de arte Reina Sofia.
Au sol, les personnages évoquent la jeunesse compliquée de Salvador Dalí et ses relations conflictuelles avec son père. Un homme tient le corps d’une femme morte en putréfaction, référence à la mort douloureuse de sa mère. Plus loin, un homme marche seul vers l’horizon, sans doute un moyen allégorique d’évoquer le remariage du père de l’artiste avec sa tante, la sœur de la propre mère de Salvador Dalí, qui ne sera jamais accepté par l’artiste. Un remariage qui fait d’ailleurs directement référence à un épisode de la Bible durant lequel Onan est obligé par les lois ancestrales de se remarier à la femme de son défunt frère. Refusant de donner un enfant à sa nouvelle épouse, il se retire au dernier moment lors de leurs étreintes « laissant sa semence se perdre dans la terre » (Genèse, 38,9). De là viendra le terme « onanisme » synonyme de plaisir solitaire.
Désir sexuel, angoisse, pourrissement, peur de la mort, souvenirs douloureux,… Tout est là. Pas étonnant que la figure du Grand Masturbateur soit un leitmotiv omniprésent dans l’œuvre de Dalí!
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Djinnzz
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Vous avez disséqué ce tableau de Dali comme un médecin légiste de grande renommée l’aurait fait sur sa table de travail ! Bravo !
En ce qui me concerne, je ne suis pas très fort en peintures. Je savais tout de même que Dali avait désigné la Gare de Perpignan comme le centre du monde !! Peut-être voyait-il là, non pas un centre mais un point de départ ? C’est sans garantie ! Bravo pour votre travail toujours passionnant et merci !
« Serait-ce à cause de la forme du nez qui pourrait aisément servir de sex-toy aux plus imaginatifs d’entre nous? »
Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre! Il faut vraiment avoir l’esprit tordu pour avoir envie de s’enfoncer le nez de Dali dans le c**! 😆 Mais je vous l’accorde, Salvador Dali fait partie de ces artistes qu’il faut connaître en profondeur pour pouvoir commencer à apprécier la qualité des œuvres.
« Plus loin, un homme marche seul vers l’horizon, sans doute un moyen allégorique d’évoquer le remariage du père de l’artiste avec sa tante »
Oui, enfin bon… D’un simple gars qui marche dans le désert, je ne vois pas bien comment vous arrivez à cette conclusion.
Une oeuvre envoutante, onirique.
Je ne connais pas du tout les tableaux de Dali, hormis les plus connus du genre la pendule qui fond. Il va falloir que je rattrape le temps perdu, moi 😈
Je rajouterais que je n’imaginais même pas que l’on puisse représenter un acte profondément obscène et pornographique comme la fellation d’une manière aussi subtile, si poétique, si… excitante!
comme toujours: tout n’est que question d’interprétation …….
tout d’abord je dois préciser que etc est pour moi de loin ce qu’il y a de plus divertissant dans l’ensemble, cela dit, globalement les articles de djinnzz sont d’un grand intérêt, mais là …..
prenons l’exemple (pour la question d' »interprétation ») sigmund freud, de qui on sait qu’il prenait quotidiennement des doses de cocaïne à tuer un cheval, ne faisait en fait qu’extérioriser ses propres pathologies. (personnellement je préfère de loin gustav jung (plus pragmatique)).
autre exemple: les allemands ont pour coutume de désigner chaque année une ville qui célèbrera ce qu’ils appellent « die bundesgartenschau » (la revue fédérale des jardins). une ville (pforzheim pour ne pas la nommer) fit placer à l’entrée 2 tubes de 15 mètres de hauteur plantés dans le sol, ce qui a valu la modique somme de 200.000€ (honoraire de l’artiste). pour ainsi dire de la m**de en boîte. or un journaliste (article affiché au pied de « l’œuvre d’art ») a interprété cette sculpture comme des aiguilles d’acupuncture pour guérir la terre!
là je me suis dis que la sculpture est certes à ch**r, mais que la VRAIE œuvre est en fait l’article ……
et je pourrais vous citer moultes exemples de cette sorte, mais je ne veux pas ennuyer la galerie.
quoi qu’il en soit, il suffit d’une bonne rhétorique, d’un peu d’éloquence et personne n’ose contredire, d’après le modus vivendi:
« people! eat shit! ’cause 100 billion flies can’t be wrong! »
(peuple! bouffe de la m**de! car 100 milliard de mouches ne peuvent pas se tromper!)
autant pour l’interprétation. dali que je considère de loin comme le meilleur peintre de tous les temps, à surtout souvent provoqué …. (je vous assure que je sais de quoi je parle pour lui avoir parlé une fois lors d’un vernissage à paris). si l’anecdote vous intéresse:
je me baladais et j’ai vu une table où était posé un chaudron plein de goudron et de la vaisselle blanche. je n’y ai pas prêté trop d’attention et continuée ma promenade. une 1/2heure plus tard je repasse et je vois dali comme un hurleur de marché gueuler à la foule: « messieurs, dames, vous pensez de la m**de, vous faites de la m**de, et maintenant vous allez en bouffer! » et il trempa les pièces de vaisselle une par une dans le goudron et hurla: « c’est 100 Francs la pièce! » et ce fut vendu plus rapidement qu’il n’en faut pour le dire (et cela sans aucune signature). cependant je lui ai lancé un regard qu’il a soutenu, et croyez-moi, il s’est passé quelque-chose.
30 minutes plus tard, j’entends derrière moi quelqu’un hurler: « 100 Francs pour celui qui me dit où sont les chiottes! » je me retourne et qui vois-je? eh oui! salvatore en personne. je lui ai indiqué le chemin mais ai renoncé au 100 balles, résultant d’une arnaque! il m’a fait promettre de l’attendre pour parler. cet hurluberlu était doté d’une intelligence très fine et analytique et il m’a appris à bien tailler mes pinceaux, ce qui a nettement amélioré mes œuvres par la suite.
Vous oubliez l’ennui
j’aime bien cette art aspres
Lisez « Le grand M », de Richard Texier aux éditions Gallimard.