[Expérience sociale] Le surprenant effet Asch
Aujourd’hui, on va tenter de répondre à une question toute bête.
Quand je dis une question toute bête, c’est VRAIMENT une question toute bête.
Du genre : « Voici un segment, parmi les trois propositions suivantes, quel segment a la même longueur que lui? »
Vous avez trouvé la bonne réponse? Bravo!
…mais sachez que c’est fait pour! En gros, le taux de bonne réponse à une telle question avoisine les 95%.
C’est plutôt rassurant.
(et on va dire que les 5% restants sont des trolls ou qu’ils ont de sérieux problèmes de vue)
Oui, mais voilà. Comme on est un peu tordus dans notre tête, on va mener une petite expérience sociale…
Prenons neuf complices et mélangeons-les avec une dixième personne. C’est le comportement de ce seul sujet qui sera étudié et, évidemment, le pauvre ne se doute de rien. Appelons-le Carapuce, parce que ça en jette un max comme prénom.
(si j’ai un fils, un jour, je l’appellerai comme ça)
Posons maintenant la fameuse question au groupe et arrangeons-nous pour que Carapuce fasse partie des derniers à prendre la parole.
À cette question dont la réponse semble évidente, nos compères vont pourtant tous donner des mauvaises réponses. Quand vient le tour de Carapuce de parler, le voilà bien embêté! Il était pourtant sûr que la bonne réponse était la A… Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à dire que c’est la C ?!
Notre sujet est ici confronté à un vrai dilemme: doit-il aller contre l’opinion de tous et donner la bonne réponse, au risque de passer pour un fou auprès de tout le reste de l’assemblée? Ou, au contraire, doit-il se conformer à la réponse donnée par le plus grand nombre, quitte à renier sa propre opinion sur le sujet?
C’est cette expérience que Solomon Asch (1907 – 1996) , un psychologue polonais, a mis sur pied pour démontrer l’influence du groupe sur les décisions d’un individu.
Afin d’obtenir des résultats scientifiquement recevables, il mena ainsi, entre 1951 et 1955, des dizaines de mises en situation similaires, en faisant simplement varier certains facteurs: le nombre de participants dans le groupe, le nombre de mauvaises réponses données avant que le sujet testé soit interrogé, la difficulté de la question posée, etc.
Les résultats de Asch sont sans appel: 31,8 % des sujets ont accepté la mauvaise réponse. 31.8 % !!! Ce résultat dépasse les prévisions du psychologue et met en évidence le principe du conformisme, cette pression sociale qui influe le comportement et la pensée des individus.
Pire ! Lorsque, à la fin de l’expérience, on informe les sujets qu’ils ont été dupés, la plupart d’entre eux maintiennent que non, non, ils ne voient pas où est le problème, qu’ils étaient VRAIMENT persuadés que la bonne réponse était la C. Ou bien, ils donnent l’excuse d’une mauvaise vue, ou d’une inattention passagère… Ce déni se retrouve souvent dans ce genre d’expériences sociales, comme celle de Milgram par exemple… Difficile d’avouer notre propre faiblesse!
(ou, dit dans un langage plus « sociologique », résoudre sa dissonance cognitive n’est pas si aisé…)
L’enseignement de cette expérience est fondamental. Une personne sur trois est prête à renier sa propre opinion pour se rallier à l’opinion la plus répandue.
On est en présence ici de deux types de dépendance :
– la dépendance informationnelle, celle qui conduit au conflit cognitif du sujet. L’importance numérique de la majorité, le fait que cette majorité soit unanime ou non, sont autant de facteurs qui influent plus ou moins le sujet et qui remet en question ses propres convictions.
– la dépendance normative, celle qui conduit au conflit motivationnel. Ici, le sujet prend conscience que, s’il maintient la bonne réponse en dépit de l’avis contraire de la majorité, il devra faire face à un possible rejet social. Eh oui… l’adhésion à un groupe est subordonné à l’adhésion aux normes de ce groupe…
Et encore, les expériences menées par Asch confrontent un sujet avec des inconnus… Imaginez un peu qu’on le confronte plutôt à des personnes faisant figure d’autorité (un leader politique, un patron d’une entreprise, un intellectuel, un chef de famille,…) ou ayant une étendue d’action supérieure (les médias de masse), et vous aurez une petite idée de l’impact d’autrui sur notre façon de penser.
Put***, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai le nombre 1984 qui me vient immédiatement en tête…
Au final, on peut se poser légitimement la question: un individu peut-il avoir ses propres convictions ? Ce qu’il croit être des convictions, n’est-ce pas tout simplement la résultante d’une certaine forme de manipulation sociale? Du coup, la démocratie est-elle légitime?
Que de questions, que de questions…
…
Vous avez 4 heures !
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Cela me conforte dans mes convictions.
Je suis convaincu, et cela est à contre-courant, que la démocratie n’est pas le meilleur système politique qui soit.
Le peuple :
– est influençable,
– ne sait pas forcément ce qui est bon pour lui
Non aux referendum à tout bout de champ, érigés comme parangon de vertu.
Je sais, en disant ça, ma dépendance normative en prend un coup, lol. Mais je suis persuadé d’avoir raison…
Euh… en même temps, on doit avoir un référendum tous les 10 ans en France. Et encore, leur résultat n’est pas pris en compte (cf. référendum sur la constitution Européenne où le peuple a clairement voté NON).
Oui au RIC, seule voie vraiment démocratique pour que le peuple puisse déterminer son propre destin.
Car je crois en l’intelligence collective, contrairement à vous !
Pour ma part, la démocratie est un systéme sous-optimal car elle ne permet pas de respecter les opinions de tous, la fameuse « volonté générale » de Rousseau. Ainsi, quelle que soit l’issue d’un vote, il y aura toujours une part de la population qui y sera opposée.
Mais attention, ce n’est pas une raison pour laisser des « élites » décider à notre place, et ce même s’ils sauraient ce qui est bon pour nous. Le principe de Liberté qui nous est tant précieux ne nous le permettrait pas…
C’est justement ça qui m’interroge…
Pourquoi ne pourrions-nous pas faire confiance à une élite pour nous gouverner?
C’est tout le paradoxe français : on vénère des hommes providentiels (Napoléon, Charles de Gaulle), tout en refusant de de leur céder notre pouvoir de décision…
C’est justement parce que les élites dépendent des élections qu’elles ne peuvent pas gouverner correctement: leur choix sont sans cesse dictés par l’opinion du peuple (les sondages).
Ainsi, prendre des décisions impopulaires devient impossible !
Pourtant, il y a pleins de décisions impopulaires qui pourraient être prises… J’ai en tête les Etats-Unis et la suppression de la peine de mort ou l’interdiction du port d’armes… Ce seraient des bonnes décisions, pourtant trèèèès impopulaires !
Vous opposez volonté générale et démocratie ? Quelle est votre définition de la Démocratie ?
Pour pouvoir exprimer la volonté générale, dont la souveraineté du peuple est l’exercice (J.-J. Rousseau) il est nécessaire d’utiliser un protocole bannissant les assemblées physiques, comme l’explique très bien les travaux de Asch. L’utilisation d’internet devient incontournable.
Pierre Neimault : pas mal; je n’avais pas pensé à ça… Se servir d’internet pour éliminer toute tentative d’influence sur les votes.
Mais cela pose d’autres problèmes (Fake news, infos virales,…) qui perturbent également la prise de décision. A réfléchir…
Il faudrait toujours s’obéir avant d’obéir…
Moi, je me zob’éis toujours…
OK, je sors.
Extraordinaire expérience d’ASH, c’est une réalité visible au quotidien, il faut être conscient que l’humain est un mouton, vous, nous, moi, on l’a tous été ou l’on sera par des moyens directes ou détournés.
Pendant les élections, nous avons pu voir les médias, les people, la tv nous bassiner à grand renfort de spot, n’oubliez pas de voter et bien oui c’est un droit acquis, mais voter pour qui, la peste, le choléra, la rage, c’est une fausse démocratie et tout le monde plonge.
Bien entendu le niveau de vie de chacun est tellement élevé qu’il n’y a aucune raison de se rebeller, le plus important c’est que chacun parte en vacance et puisse se payer ses petits bien matériels. C’est bien les politiques et les médias qui détiennent le pouvoir et non pas le peuple.
quoi qu’il en soit, je vais aller m’acheter mon Galaxy S6 pour Noel et préparer mes vacances au sport d’hiver, on fera la révolution un autre jour. 😉
Dormez sur vos deux oreilles mes amis
Exceptionnellement bien écrit, j’adore !
Les conclusions de l’expérience sont effrayantes.