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Si Lorenzo da Ponte (1749-1838) est resté dans l’Histoire, c’est surtout pour avoir été le librettiste des plus grands opéras de Mozart. Mais le reste de sa vie est tout aussi passionnant et nous vous proposons donc de commencer par le commencement…

Le commencement donc. Lorenzo da Ponte naît en 1749 sous le nom d’Emanuele Conegliano dans une famille modeste d’une ville de la République de Venise. D’origine juive, il se convertit au catholicisme à l’âge de 14 ans et prend alors le nom de l’évêque du coin, un certain da Ponte (et oui, ça se passait comme ça à l’époque).

Wolfgang Amadeus Mozart

Le jeune Lorenzo entre alors au Séminaire et est ordonné prêtre à l’âge de 24 ans. Et c’est là que les choses commencent à se gâter. Venise est à cette époque en plein déclin politique et économique, mais reste fidèle à sa tradition festive! Et notre abbé a bien du mal à résister à la tentation: aventures féminines, parties de jeu endiablées au casino, abus de plaisirs en tous genres, il mène une vie de vrai Don Juan (ce dont il saura se souvenir en composant pour Mozart !). C’en est trop, si bien qu’il finit par être banni de la Sérénissime.

Mais l’aventure repart de plus belle! Da Ponte se retrouve à Vienne, alors capitale mondiale de la musique, où ses talents lui permettent d’être rapidement bien vu du milieu artistique et notamment de l’empereur Joseph II, modèle de souverain éclairé et protecteur des arts. C’est là qu’il commence sa carrière de librettiste, notamment pour Salieri (mais si, vous savez, le grand rival de Mozart, même si le film Amadeus de Milos Forman caricature énormément les choses) et Mozart.

Et la rencontre des deux hommes est particulièrement féconde, tant le sens du théâtre de l’un semble fait à la mesure du génie musical de l’autre. En l’espace de quatre ans à peine, les trois plus grands opéras de Mozart (et donc de tout l’univers) naissent de leurs efforts conjoints:

• Les Noces de Figaro (1786), (très) librement adapté du Mariage de Figaro de Beaumarchais;
• Don Giovanni (1787), Don Juan en bon français (ou plutôt en bon espagnol) sujet déjà abondamment traité de Tirso de Molina à notre Molière national;
• Cosi fan tutte (1790), où cette fois-ci il invente lui-même comme un grand une histoire abracadabrantesque sur l’infidélité féminine.

Première de Don Giovanni à Vienne

Mais c’était trop beau pour durer. En 1790, soit un an avant la mort prématurée de Mozart, da Ponte doit quitter Vienne car il n’est pas en très bons termes avec le nouvel empereur. Il se retrouve alors à Londres, où il devient librettiste au King’s Theatre (oui, l’endroit où on joue aujourd’hui des comédies musicales pas loin de Covent Garden). Ca se passe pas trop mal, mais da Ponte contracte de nombreuses dettes et doit fuir la ville pour échapper à ses créanciers.

Poussant toujours plus loin, il décide de s’établir à New York en 1805. Les temps sont durs et da Ponte commence par ouvrir … une épicerie! Désireux de faire connaître sa culture d’origine, il crée ensuite une librairie italienne, devient professeur à l’université (désormais prestigieuse) de Columbia, puis, à l’âge de 84 ans (!) décide d’ouvrir le premier opéra des Etats-Unis, qui sera l’ancêtre de l’actuel (désormais très prestigieux aussi) Metropolitan Opera de New York. Pas décidé à profiter d’une retraite pourtant bien méritée, il rédige ses Mémoires, où il fait d’ailleurs preuve de pas mal de mauvaise foi (voulant tirer toute la couverture à lui, il prétend en gros que Mozart lui doit sa renommée, alors qu’on serait plutôt tenté de dire l’inverse!). Il meurt à l’âge vénérable de 89 ans, après avoir vécu un demi-siècle de plus que Mozart, dans la même pauvreté qui l’avait vu naître. Mais il paraît que ses obsèques furent grandioses et très suivies; enfin une bonne nouvelle!

Et pour terminer, un extrait de Don Giovanni: l’air du « Catalogue » dans lequel le valet de Don Giovanni, dresse, devant une ex dépitée, la liste des conquêtes de son maître.

Extrait de Don Giovanni