N’allez surtout pas à Canossa!
An de grâce 1003.
L’Église, pourtant immensément riche et possédant une énorme influence en Europe, reste sous la domination des Empereurs d’Allemagne (ou Saint Empire romain germanique) qui désignent eux-mêmes les évêques et les abbés. Bien sûr, on s’en doute, ces « nominations » sont loin d’être désintéressées. Ainsi, les prélats sont choisis uniquement pour leur fidélité et leur loyauté au pouvoir politique et sont loin d’être des modèles de vertu. Fornication, complots, meurtres, corruption… On est très loin des enseignements de Jésus Christ! L’apothéose vient en 1046, quand le Pape Clément II accepte tout simplement d’abandonner aux Empereurs le droit d’élire… les Papes!
– T’as pas un peu l’impression de baisser ta culotte, là, Clément?
An de grâce 1074.
Le Pape Grégoire VII, fraîchement élu par acclamation, prend la situation en main et commence le ménage au Vatican. Sa première action est de s’attaquer à la simonie. La simonie, c’est l’acte d’acheter et/ou de vendre des biens spirituels (bénédiction, absolution, dignités ecclésiastiques,…) contre des biens temporels (somme d’argent, protection,…). Ce « trafic » fut de tout temps condamné par l’Eglise. Pour la petite histoire, la simonie tient son nom de Simon le Magicien qui voulait acheter à Saint Pierre son pouvoir de faire des miracles. Le fou!
– Salut Pierrot. Dis-moi, tes petits tours de magie, là, tu me les vends combien?
– Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s’acquérait à prix d’argent!
– Nan, mais faut pas le prendre comme ça, non plus…
Grégoire VII réforme donc l’Église en profondeur et redevient l’unique chef de la chrétienté. Il affirme sa supériorité sur les Rois et les Empereurs et affaiblit l’autorité des conciles provinciaux. Forcément, ces changements radicaux ne font pas que des heureux: ainsi éclate la célèbre Querelle des Investitures, opposant le pouvoir temporel au pouvoir spirituel.
– C’est bien beau tout ça, mais ça ne nous dit pas où c’est, Canossa!
– J’y arrive, Kevin, j’y arrive!
Carte du trajet de l’empereur Henri IV pour se rendre auprès du Pape Grégoire VII
Henri IV, empereur du Saint-Empire (à ne pas confondre avec celui de la poule-au-pot et du Jarnicoton qui ne naîtra que 5 siècles plus tard), ne l’entend pas de cette oreille. Ni une, ni deux, il commence son bras de fer avec Grégoire VII en proclamant la déchéance du Pape, rien que ça. En retour, ce dernier l’excommunie! L’épreuve de force entre les deux hommes prend un tour inattendu: excommunié, Henri IV n’a plus aucune crédibilité auprès de ses sujets. C’est un désastre pour lui! Ses vassaux le désavouent les uns après les autres.
An de grâce 1077.
Face à la révolte de l’ensemble de ses sujets, l’empereur n’a guère d’autre choix que d’aller à la rencontre de Grégoire VII pour tenter de trouver une solution diplomatique au conflit. Le Pape ayant pris ses quartiers d’hiver à Canossa, dans le Nord de l’Italie actuelle, Henri IV doit traverser les Alpes. Bon, lui, au moins, il n’avait pas d’éléphants à se trimbaler!
Épuisé par ce voyage très difficile, l’empereur arrive enfin au château où séjourne Grégoire VII et s’attend à se faire accueillir. Grossière erreur! Le Pape, profitant de la situation pour renforcer encore plus son autorité sur les souverains européens, le fait poireauter longuement aux portes du château! Dehors, sous la neige, en habits de pénitent, l’empereur du Saint-Empire est totalement humilié! Au bout de 3 longues journées, le Pape accepte enfin de le recevoir et considère que la leçon est suffisante pour le monarque: il lève son excommunication et renoue des relations diplomatiques.
Vous l’aurez compris, l’expression est restée jusqu’à aujourd’hui. On « va à Canossa »lorsque l’on s’humilie totalement devant quelqu’un, que l’on cède devant son pire ennemi.
Henri IV à Canossa, par Eduard Schwoiser (1826 — 1902)
– Chérie, tu devrais aller t’excuser auprès de ma mère.
– Tu rigoles? Je n’ai rien fait! C’est elle qui passe son temps à m’insulter!
– Mais enfin, c’est quand même pas de sa faute si elle ne t’aime pas…
– Non, non et non! Je n’irai pas à Canossa!
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Merci pour cet article
« Au XIXème siècle, le chancelier Bismarck, alors en conflit avec l’Eglise catholique s’écria : «Je n’irai pas à Canossa !». Depuis, l’expression « aller à Canossa » est rentrée dans le langage courant et signifie que l’on se rend aux injonctions de l’adversaire. »
est-ce bien l’origine de l’expression ???
@Zaratoustra: Je ne savais pas que Bismarck avait employé cette expression.
J’imagine que le rappel de ce fait historique par une personnalité politique telle que lui a dû largement contribuer à faire rentrer l’expression dans le langage courant!
Hâte que la trêve de Noel se termine et que le site reprenne son rythme de publication normal… 😉
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