Tandis que le christianisme semble régner en maître sur l’Europe du XIIe siècle, des dissidents parviennent à structurer un nouveau mouvement religieux inspiré de la pensée sectaire des Bogomiles. Ces derniers, les « amis de Dieu » comme ils se plaisent à s’appeler, apparaissent en Bulgarie dans les années 900 après notre ère. Même si, comme les Chrétiens, ils croient en un Dieu unique et bon, les ressemblances s’arrêtent là… Car pour eux, le monde tangible a été créé par le Diable en personne, seul le domaine de l’Esprit a été créé par Dieu! S’ensuit un embrouillamini de croyances tarabiscotées et confuses…

Au contact avec les régions plus occidentales, la pensée bogomile se transforme quelque peu et porte maintenant un nouveau nom: le catharisme. Comme les Bogomiles, les Cathares font s’affronter deux principes essentiels: le Bien (c’est à dire le monde des Esprit) et le Mal (comprendre le monde matériel, tangible). Pour les Cathares, un arbre, un caillou, une chaussure, un hamburger acheté au MacDo ou la vieille Clio de votre grand-mère, c’est le Mal! Seule l’âme mérite que l’on se batte pour elle mais la pauvre est prisonnière de son enveloppe corporelle et doit à tout prix s’en libérer. Elle ne peut même pas se faire tatouer les plans de sa prison dans le dos pour s’évader! Non, pour elle, une seule voie possible: s’armer de patience et attendre que son cycle de réincarnation l’amène jusqu’à un état de perfection absolue.

Avec un tel raisonnement, on comprend que l’Église catholique ne soit pas tout à fait sur la même longueur d’onde que les Cathares! Car l’âme, prisonnière de son maudit corps, les Cathares ne doivent pas attendre passivement qu’elle se libère toute seule. Non, non, non! Les Cathares c’est des mecs, des vrais et ils ne veulent pas faire les choses dans la demi-mesure. Pour devenir un Pur, un Parfait, il faut en avoir dans le pantalon: interdiction de tout lien familial, abstinence sexuelle totale, ascétisme le plus extrême… Certains extrémistes n’hésitent d’ailleurs pas à pratiquer l’endura, c’est à dire le suicide par la faim et le froid. Les Cathares sont persuadés que leur corps – créé par Satan en personne, rappelez-vous – mérite d’être anéanti et il n’est pas rare d’en voir certains qui se jettent volontairement dans des bûchers pour libérer leur âme.

L’expulsion des Cathares de la ville de Carcassonne en 1209

Contrairement à toutes les imbécillités que l’on peut parfois entendre sur le sujet, les Cathares ne sont donc pas des tendres persécutés par une méchante Inquisition arbitraire et autoritaire. Qu’on se le dise, un tel mouvement de pensée dans la France d’aujourd’hui serait sur le champ qualifié de secte ultra-dangereuse par les autorités qui n’hésiteraient pas à les pourchasser jusqu’au dernier! C’est exactement la même chose qui se produit au XIIe siècle: les Cathares parvenant à convertir de plus en plus de fidèles (localisés principalement dans le Sud-Ouest de la France), ils deviennent une menace importante pour les fondements mêmes de la société féodale basée, rappelons-le, sur la notion de famille et de propriété. L’Église catholique prend ses responsabilités et lance un vaste mouvement d’Inquisition pour éradiquer cette hérésie arriérée. Rétrospectivement, faut-il l’en blâmer?

Certes, l’Inquisition connaîtra des débordements scandaleux sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Mais que les Cathares aient été transformés en pauvres victimes innocentes dans l’imagerie populaire actuelle est la preuve de l’amnésie collective sur cette période sombre de l’Histoire…