C’est Ovide, dans ses Métamorphoses, qui nous raconte la triste histoire d’Écho, une des nombreuses victimes de la jalousie d’Héra.
A l’origine, Écho est une Nymphe, fille de l’Air et de la Terre. On connaît tous l’appétit sexuel de Zeus qui saute sur tout ce qui bouge! Écho aide le dieu des dieux à dragouiller les autres nymphes: elle retient son épouse Héra en lui parlant des heures et des heures pour détourner son attention. Mais on ne la fait pas à Héra aussi facilement! Cette dernière se rend compte du petit stratagème de Zeus et d’Écho et, bien sûr, sa colère se déverse sur cette dernière!

– Laissez-moi deviner! Euh… elle la déshabille, la pend par les pieds et la fait dévorer par des chiens enragés!
– Euh… non… Mais, où vas-tu chercher tout ça, Kevin?!
– Attendez, attendez, je sais! Elle la découpe en morceau, la fait…
– Non, non, non… je t’arrête tout de suite, tu vas effrayer tous nos lecteurs avec tes idées débiles!

Comme Écho a trompé la déesse en lui parlant à batons rompus, Héra se venge en limitant ses possibilités de parler: la malheureuse nymphe est condamnée à ne plus pouvoir prononcer de mots par elle-même mais à seulement répéter les dernières paroles entendues. Cruel destin pour cette jeune femme d’habitude si prolixe!

Echo et Narcisse – Nicolas Poussin, 1630

Affublée de ce handicap, honteuse, elle erre dans la montagne, s’éloignant du monde civilisé. Jusqu’au jour où elle aperçoit le magnifique Narcisse et tombe immédiatement amoureuse de lui. On imagine aisément leurs premiers échanges…

– Bonjour mademoiselle!
– moiselle… moiselle… moiselle…
– Euh… Vous avez un problème?
– blème… blème… blème…
– Quoi? Mais tu te fous de ma gueule, c’est ça?
– C’est ça… C’est ça… C’est ça…
– Allez, dégage, pétasse!
– tasse… tasse… tasse…

Mouais… Le psittacisme n’a jamais créé de conversations vraiment passionnantes…
Narcisse, qui aurait pu se laisser séduire par la beauté de la jeune Nymphe, est donc excédé par son manque de conversation. Malheureuse et persuadée qu’elle ne trouvera jamais l’amour, Écho s’enfuit en courant et vit en ermite au cœur d’une forêt profonde. Elle mène une vie tellement solitaire que, bientôt, son âme fusionne avec l’esprit de la forêt. Son corps se dissipe dans les airs, seule sa voix se fait parfois entendre. On raconte qu’il est encore possible d’entendre la voix d’Écho, qui, telles les plaintes d’un mourant, se plaît à répéter les dernières paroles de celui qui trouble sa tranquillité…

Narcisse, Le Caravage, 1595

Voilà pour l’histoire d’Écho. L’histoire de Narcisse, elle, ne s’arrête pas là! Les autres Nymphes sont choquées par l’attitude dédaigneuse de ce dernier envers Écho. Elle aurait été si heureuse avec lui! L’une d’entre elles se rend auprès de Némésis, la déesse de la juste colère, et l’implore de donner à Narcisse le châtiment qu’il mérite. C’est ainsi qu’un beau jour, alors qu’il se désaltère à une source, il aperçoit son propre reflet dans l’eau. Immédiatement, il en tombe amoureux, ébahi par sa propre beauté. Mais il n’est pas totalement con, Narcisse, et il sait bien que l’amour d’un reflet ne pourra jamais aboutir à grand chose… Et il se met à pleurer à chaudes larmes! La vie est trop injuste! Ses larmes coulent le long de sa joue, tombent, et troublent du même coup la surface de l’eau. Son image se déforme! Narcisse vit un vrai cauchemar!
Désespéré à l’idée que son reflet puisse l’abandonner, il se donne la mort sur le champ. On raconte qu’une fleur, tantôt jaune safran (selon Ovide dans les Métamorphoses) tantôt rouge (selon Virgile dans Bucoliques), pousse à côté de son cadavre. Une fois passé de l’autre côté, dans le Royaume des Morts, le pauvre Narcisse essaye tant bien que mal d’admirer de nouveau son reflet dans les eaux du Styx. Hélas, les eaux du fleuve sont tellement boueuses que plus jamais le jeune présomptueux ne sera capable de se revoir et d’admirer son reflet…