Un jour, Tarquin le Superbe, le septième (et dernier!) roi de Rome, reçoit la visite d’une étrange vieille dame. Elle lui présente neuf livres, des oracles divins selon elle, et lui propose de les acheter. Tarquin n’en croit pas ses yeux. Qui est cette vieille dame que personne ne connaît qui ose se présenter à lui et lui vendre des vieux bouquins sans valeur? Mais tout de même, le culot de son interlocutrice attise sa curiosité… et il lui demande le prix qu’elle veut pour ses vieilleries. La vieille dame s’exécute, et lui annonce un prix exorbitant!

Et quand je dis exorbitant, c’est VRAIMENT exorbitant. Pas 50 malheureux euros, ni même 500… Certes les textes anciens ne mentionnent pas le prix exact, mais j’opterais pour l’équivalent de 50 millions d’euros, oui!

Tarquin ne peut s’empêcher de rire! La vieille ne manque définitivement pas de toupet! Qu’à cela ne tienne… la marchande ne se démonte pas. Elle allume un petit foyer et jette trois des livres précieux dans les flammes. Elle réitère son offre. Tarquin est hilare… La marchande veut maintenant lui vendre 6 livres pour le prix de 9. Non mais ça va pas bien la tête!!!?

Qu’à cela ne tienne! La vieille marchande jette de nouveau trois autres livres dans le foyer. Fixant Tarquin le Superbe droit dans les yeux, elle réitère son offre: celui-ci est-il vraiment sûr de ne pas vouloir acheter les trois derniers livres pour le même prix?

L’hilarité fait place au doute dans le cœur de Tarquin. La détermination de cette vieille femme énigmatique l’intrigue au plus haut point. Se pourrait-il que celle-ci dise vrai? Que les livres qu’elle propose soient réellement des œuvres divines? Dans le doute, effrayé à l’idée de déshonorer les dieux, le roi cède et achète les trois derniers livres au prix demandé. A peine donne-t-il l’argent à la vieille dame que celle-ci disparaît et personne ne la reverra plus jamais. Cette disparition mystérieuse fait travailler l’imagination de tous. Bientôt, tout le monde s’accorde à dire que la femme est la sibylle de Cumes. Une sibylle, c’est tout simplement une prophétesse capable de transmettre aux hommes la volonté des dieux. La plus célèbre d’entre elle était la sibylle de Cumes, justement: c’est elle, notamment, qui ouvre les portes de des Enfers à Énée!

La Sibylle de Tibur, Antoine Caron, 1580

Les trois Livres sacrés chèrement payés sont placés dans un endroit sûr. Ils portent un nom: les Livres Sibyllins et sont consultés sous la République puis sous l’Empire à chaque fois que les représentants de l’État veulent connaître la volonté des dieux.

L’achat des Livres Sibyllins par Tarquin le Superbe a lieu aux environs de 500 avant Jésus-Christ. Ils seront détruits près d’un millénaire plus tard (en 405 après Jésus-Christ) par Stilicon, successeur à l’Empereur Théodose, privant l’humanité d’un véritable trésor!

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L’adjectif « sibyllin » est un mot encore largement employé dans la langue française et est employé pour désigner des propos mystérieux, dont le sens est difficile à comprendre.