Le roi d’Athènes, Égée, ne comprend pas pourquoi il n’arrive pas à concevoir un héritier. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer ! Il se rend à Delphes pour demander son avis à l’oracle et, comme d’habitude, le conseil de ce dernier est sibyllin : « Prends garde de ne pas ouvrir ton outre de vin avant d’arriver à Athènes ! », lui dit-il. C’est tout ? Oui, c’est tout. La consigne a beau être claire comme de l’eau de roche, Égée se bourre pourtant la gueule chez un pote à lui, Pitthée, sur le chemin du retour. Et dans l’ivresse du moment, il couche avec la fille de ce dernier, Aethra…

Le lendemain, avant de repartir à Athènes où le devoir l’appelle, Égée cache ses sandales et son épée sous un rocher et demande à Aethra de prêter serment : si un fils devait naître de leur union de la veille, alors elle devra lui révéler cet emplacement lorsqu’il sera adulte. Le jour où l’enfant sera capable de soulever le rocher, et seulement ce jour, il sera prêt pour affronter sa destinée.

Thésée, un enfant à la destinée exceptionnelle

Bien sûr, un fils naîtra effectivement neuf mois plus tard.

Les années passent…

Thésée devenant un adolescent très fort, sa mère lui confie le secret de ses origines. Il soulève sans difficulté le fameux rocher et part à Athènes rejoindre son père. Mythologie oblige, sa route est pleine de dangers !

Il ne tarde pas à faire la rencontre d’un certain Pityocamptès dont la spécialité est de courber les cimes de deux pins, d’y attacher ses victimes et, en relâchant le tout, de les écarteler. En héros digne de ce nom, Thésée parvient à vaincre ce grand malade et, pour venger tous les écartelés de la Terre, lui fait subir le même sort.

Une fois arrivé au palais du roi, Thésée est accueilli par Égée sans que celui-ci ne soupçonne qu’il est son fils. La reine, la terrible magicienne Médée, veille au grain… Elle devine la véritable identité de l’étranger, prend peur qu’il ne s’empare du trône destiné à son propre fils et tente de l’empoisonner. Mais son complot est très vite éventé et c’est elle qui se voit bientôt contrainte de s’exiler.

Les cinquante cousins de Thésée (oui, oui, cinquante ! – on les appelle les Palantides) voient également d’un très mauvais œil l’arrivée de ce nouvel héritier qui passe avant eux dans l’ordre de succession au trône. Un petit massacre arrangera vite le problème ! Thésée, ayant eu vent du complot des Palantides contre lui, en tue une bonne partie d’entre eux lors d’un combat violent. Il sera par la suite jugé innocent par le tribunal athénien qui considérera qu’il a agi en légitime défense…

Minos, un roi de Crète contesté

Embarquons maintenant vers la Crète, à la cour du roi Minos. À la tête d’une immense flotte, ce dernier règne en maître sur les Cyclades et fonde des colonies aux quatre coins de la Grèce. Mais il n’en a pas toujours été ainsi…

Quelques années plus tôt, le roi de Crète était un certain Astérion. ce dernier avait coutume de se lamenter de ne point avoir de descendance. Il élève néanmoins les trois fils qu’Europe, son épouse, a eu lors de son union avec Zeus : Rhadamante, Sarpédon et Minos.

À sa mort, l’ambitieux Minos écarte ses deux frères et s’empare du trône. Mais il n’est pas beaucoup aimé par l’aristocratie crétoise – ni par le peuple, d’ailleurs. Pour gagner leur admiration, Minos assure que les Dieux lui accordent tout ce qu’il souhaite. Après tout, n’est-il pas le fils de Zeus en personne ?

Pour le prouver, il demande à Poséidon de faire surgir un taureau de la mer qu’il lui offrira ensuite en sacrifice. Sous les yeux émerveillés des Crétois, un magnifique taureau d’un blanc immaculé jaillit des flots. « Les Dieux sont avec Minos! », « Gloire à Minos! », « Minos, Président! »… Des voix s’élèvent d’un peu partout dans l’assemblée. Après un tel exploit, le nouveau roi est adulé par tout le monde. Mais l’eupohrie va être de courte durée…

La passion dévorante de Pasiphaé… pour un taureau !

Minos doit maintenant tenir sa promesse à Poséidon et lui sacrifier la bête. Mais le taureau est si beau, si pur qu’il ne peut se résoudre à l’égorger. Il le cache de la vue du Dieu et lui sacrifie un autre taureau.

Poséidon, bien sûr, ne peut se faire berner aussi facilement : il entre dans une colère noire ! En guise de vengeance, il fait en sorte pour que Pasiphaé, l’épouse de Minos, tombe amoureuse du taureau blanc.

Et la ruse fonctionne assez bien : on imagine le trouble de la pauvre Pasiphaé lorqu’elle est submergée par un désir irrépressible envers la bête. Nuit et jour, le taureau obsède ses pensées… Elle va trouver Dédale, ingénieur du roi, pour lui demander de trouver une solution pour rendre une union possible avec la bête sauvage.

Après plusieurs jours de travail, Dédale présente sa trouvaille à la reine : une vache en bois, creuse et montée sur des roulettes. Pasiphaé s’y glisse tandis que Dédale amène le taureau blanc de Poséidon. Il quitte enfin les lieux pour laisser un peu d’intimité aux deux tourtereaux…

Naissance d’un monstre : le Minotaure

Neuf mois après l’étrange scène d’amour, Pasiphaé met au monde le fruit de son union avec l’animal divin. Elle découvre avec stupeur que l’enfant est un monstre, avec un corps humain et une tête de taureau. Quand il découvre ce fils effrayant, Minos est partagé par mille sentiments, allant de la colère à la honte. Pasiphaé est contrainte de lui avouer son infidélité.

Pour tenter d’oublier cet épisode douloureux et cacher le fruit de l’infidélité de son épouse aux yeux de ses sujets, il charge Dédale, encore lui, de concevoir un vaste labyrinthe destiné à accueillir le Minotaure.

Un problème se pose bientôt : le monstre semble ne vouloir se nourrir qu’avec de la chair humaine. Que faire ? Minos trouve une solution : il vient de gagner la guerre contre la cité d’Athènes et lui impose un lourd tribut : la cité vaincue devra envoyer sur l’île de Crète, tous les sept ans, sept garçons et sept filles qui seront donnés en pâture au Minotaure.

L’exploit de Thésée

Et nous voilà de retour avec Thésée ! Jugeant qu’il n’est pas possible de faire endurer cette infamie à son peuple, le fier Thésée se porte volontaire pour être parmi les quatorze sacrificiés… avec la ferme intention d’en découdre avec le Minotaure !

À peine a-t-il posé le pied en terre crétoise, Ariane, la fille de Minos, tombe instantanément amoureuse de lui. Le coup de foudre est réciproque. Thésée explique à sa douce son projet de tuer le Minotaure et Ariane lui propose de l’aider à une condition : qu’il l’emmène avec lui à Athènes pour l’épouser.

Thésée accepte et Ariane lui donne une pelote de fil qu’il attache à l’entrée du labyrinthe pour pouvoir retrouver facilement son chemin. Que le lecteur qui se demande comment Thésée n’a pas été foutu d’avoir cette idée tout seul retiendra que les héros de la mythologie grecque ont souvent beaucoup de muscles et très peu de cervelle… Qu’on se rappelle d’Ulysse!

La suite s’enchaîne très rapidement : Thésée tue le Minotaure, ressort du labyrinthe, vole un bateau, sabote le reste de la flotte crétoise et rentre chez lui avec Ariane.

Vécurent-ils heureux et eurent-ils beaucoup d’enfants ? Non, pas vraiment ! En réalité, sur le chemin du retour, Thésée fait une escale sur l’île de Naxos. Ariane en profite pour faire une sieste sur le rivage. À son retour, le bateau, son mant et tout l’équipage sont partis… Elle voit, impuissante, sa frêle silhouette disparaître peu à peu à l’horizon.

Ah ! Funeste destin ! Après avoir trahi son père et sa patrie, voilà Ariane abandonnée par l’homme à qui elle a donné son cœur.

Deux versions existent : Plutarque nous apprend que, désespérée, Ariane se pend. C’est ce dénouement que retient Racine quand il écrit ces deux magnifiques vers :

Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !

Jean Racine, Phèdre, acte I, scène 3

Dans d’autres récits, moins pessimistes, elle est emmenée par Dionysos sur l’île de Lemnos où elle finit paisiblement sa vie.

Le retour triomphal de Thésée (et la boulette qui coûte cher!)

C’est ainsi que Thésée rentre triomphalement à Athènes. Avant de partir, son père lui avait fait les recommandations suivantes : il devra hisser des voiles blanches à son bateau en cas de succès ou faire attacher par son équipage des voiles noires au cas où il ne reviendrait pas vivant de son voyage en Crète.

Dans l’euphorie du moment, Thésée oublie ces consignes et navigue avec des voiles noires… Son père, voyant depuis l’Acropole un bateau à voiles noires s’approcher des côtes athéniennes, pense logiquement que son fils est mort. Désespéré, il se jette dans la mer du haut d’une falaise… Une mer qui porte d’ailleurs aujourd’hui son nom : la mer Égée.

Thésée, roi d’Athènes

Son père mort, Thésée monte donc sur le trône athénien. Il sera un très bon roi, dont le but ultime est de réunifier toute la Grèce et stopper les guerres fratricides entre cités.

Il épousera Phèdre, une autre fille du roi Minos. Les histoires d’amour finissent en général mal, paraît-il, et l’histoire de Phèdre ne déroge pas à la règle. Quand elle voit pour la première fois Hippolyte, le fils de son nouvel époux, Phèdre en tombe immédiatement amoureuse… Elle lui écrit une lettre d’amour enflammée mais Hippolyte est choqué par cette déclaration ! Loin d’être amoureux d’elle, il repousse les avances de sa belle-mère et s’empresse d’en faire part à son père. Phèdre se rend compte de l’horreur de la situation… La seule issue possible est la mort. AVant de se suicider, elle rédige une longue lettre où elle explique qu’Hippolyte lui a fait des propositions indécentes.

Fou de chagrin, Thésée bannit son fils de la cité. Le pauvre homme, victime de la manipulation de Phèdre, trouvera la mort peu de temps après, sur le chemin de l’exil.