L’étonnante histoire du mot « boycott »
Vous est-il déjà arrivé de boycotter certains produits? Personnellement, oui! Je me rappelle avec nostalgie de cette époque où Denis Olivennes, le PDG de la FNAC avait été nommé pour rédiger un rapport sur la lutte contre le téléchargement illégal. À l’époque, devant les décisions grotesques qui en avaient découlé, mon sang n’avait fait qu’un tour: je répétais alors à l’envi un seul mot d’ordre auprès de mes amis (je n’avais pas encore ce blog à l’époque): boycottez la FNAC! Avais-je conscience alors d’avoir ouvert une boite de Pandore qui me me ferait bientôt perdre la tête? Car bientôt, la fièvre du boycott tous azimuts s’empara de moi…
Quoi?! Obligé de passer par un logiciel à la con pour transférer de la musique sur mon baladeur Sony acheté hors de prix? Boycottez Sony! Quoi?! Sony (encore eux) qui attaquent en justice Geohot, un bidouilleur de génie qui a eu le malheur de hacker la Playstation 3?! Re-boycottez-les!
Et j’en passe et des meilleurs. Boycottez Apple! Même pas foutu de mettre un port USB sur leur i-bidule! Boycottez Samsung, pas foutu de créer un smartphone sans copier Apple. Et puis tant qu’on y est, boycottez Google et Facebook qui se croient tout permis avec nos données personnelles! Et Microsoft, avec leur Vista tout pourri. Et c’est quoi ces hamburgers de merde? Boycottez-moi MacDo et compagnie, et qu’on ne vous y reprenne plus! Et la pluie, et le beau temps, et l’hiver, et le printemps! Boycottez, boycottons tout le temps!
…
Bref, vous l’avez compris, il fut un temps où j’aimais ça, boycotter (heureusement, je me suis bien soigné depuis).
Mais au fait, il vient d’où ce terme?
Le mot boycott trouve son origine dans l’Histoire de la lutte des classes. Un certain Charles Cunningham Boycott naît en 1832 en Angleterre. Après une brillante carrière militaire, il devient l’intendant d’un propriétaire terrien riche comme Crésus, et le bougre prend sa tâche un peu trop à cœur. Dur, oppressant, tyrannique: encore un qui confond allègrement les notions de chef et de dirigeant… Trop, c’est trop. Les centaines de fermiers qui travaillent pour lui ne le supportent plus: ils se concertent, s’unissent et affrontent l’homme d’affaires en 1879. Leur revendication est simple, il souhaitent de meilleures conditions de travail et, surtout, l’abattement de fermage – ou pour parler plus clairement, veulent qu’on arrête de les prendre pour des vaches à lait.
Pour mener leur combat à bien, la technique qu’ils emploient est particulièrement efficace: point d’effusion de sang ou d’affrontement direct mais une mise en quarantaine en bonne et due forme: la Ligue de fermiers empêchent Charles Boycott de travailler en interceptant tous ses courriers et en court-circuitant toutes ses démarches. Assigné à résidence, un véritable blocus est installé autour de la demeure du tyran!
Tant et si bien que Boycott est obligé de céder… Les fermiers sont en liesse. Ils viennent de gagner leur combat. Youpi Tralala.
La démarche a fait si grand bruit que bientôt le terme « boycottage » fait son apparition dans le dictionnaire, d’abord en Angleterre en 1880 (soit seulement 1 an après le conflit social) puis en France un an plus tard. Et parce que boycottage ne sonne pas très bien à l’oreille, il se simplifie avec le temps en boycott, tout simplement. Quant à l’orgueilleux intendant, il meurt en 1897 sans jamais plus faire parler de lui.
J’espère que cet article vous a plus et, surtout, qu’il ne vous viendra jamais à l’esprit de boycotter EtaleTaCulture!
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Djinnzz
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S’il devait y avoir UNE seule entreprise à boycotter, pour moi, ce serait Monsanto, la marque la plus impopulaire du monde (c’est eux qui ont produit l’agent orange déversé par hectolitres sur le Vietnam et qui continuent à polluer la planète avec leurs produits pourris)
C’est pas juste! Alors que c’était un abruti de premiére, il est quand meme rentrer dans le dictionnaire!
Tres instructif
C’est bien d’avoir l’esprit « révolutionnaire » dont vous faites allusion au début de l’article. Le boycott est en effet une arme redoutable, encore faut-il que la majorité le pratique spontanément.
Il ne faut pas non plus se tromper de combat: à quoi sert de boycotter un produit si c’est pour acheter un autre produit équivalent?
« La fièvre du boycott » comme vous dites n’est pas productive. A mener une action politique (oui, le simple fait de ne pas acheter une marque pour conviction est un acte politique) sans discernement, on tombe facilement dans la branche des « réactionnaires ». On ne s’oppose plus à quelque chose par conviction, mais uniquement par réaction à un changement, même minime, de notre société.
Vous dites que vous vous êtes soignés depuis, et c’est tant mieux. Je vous préfère comme vous êtes maintenant (du moins, je préfère l’image que vous donnez de vous-même à travers vos textes).