Rome outragée, Rome brisée, Rome martyrisée, mais Rome libérée! (enfin, presque)
Résumé des épisodes précédents
Nous avons vu la fois dernière comment le chef barbare Odoacre a réussi à faire tomber l’empire romain en 476 après Jésus-Christ. L’empire byzantin ne réagit pas tout de suite, le Basileus Zénon étant lui-même en proie à quelques difficultés politiques sur son propre territoire…
Six ans plus tard, ce n’est plus la même histoire. Zénon s’est ressaisi et lorgne sur les immenses territoires qui appartenaient jadis à son homologue occidental… Surtout, il vit très mal la provocation d’Odoacre qui vient d’envahir la Dalmatie. Cette fois, la coupe est pleine et il est temps pour lui de montrer de quel bois il se chauffe! Son objectif? Faire renaître de ses cendres le Grand Empire romain et devenir le maître incontesté de toute l’Europe, à l’instar d’Auguste quelques siècles avant lui.
Pour cela, il entame une négociation avec le roi des Ostrogoths Théodoric. Il confie une mission on ne peut plus claire au chef barbare: chasser Odoacre du pouvoir et rendre l’Italie à l’Empire.
L’épisode du jour
Nous sommes en l’an 488 de notre ère. Appâté par la fortune colossale que lui promet Zénon, Théodoric accepte bien sûr la proposition du Basileus. À la tête d’une armée de plus de 20.000 hommes, il se dirige vers l’Ouest et compte bien en découdre avec Odoacre.
Mais la tâche va s’avérer un peu plus ardue que prévu… Cela fait maintenant cinq longues années qu’il joue au chat et à la souris avec les troupes du nouveau roi d’Italie, mais il commence à tenir le bon bout! Ses victoires à Aquilée (située à l’extrême nord-ouest de l’Italie actuelle) et à Vérone (entre Milan et Venise) lui donne bon espoir sur l’issue finale des combats…
En mars 493, Odoacre est maintenant acculé derrière les remparts de Ravenne (à une centaine de kilomètres au sud de Venise). Son baroud d’honneur ne sera pas suffisant pour renverser la vapeur… Lui qui déposa le dernier empereur romain d’Occident il y a douze ans doit capituler à son tour.
Les Noces pourpres
Théodoric la joue plutôt ouvert d’esprit… Pour fêter sa victoire, il invite son ennemi à un somptueux banquet. Après tout, la fin de cinq années de campagne militaire, ça s’arrose, non? Mieux, pour sceller l’alliance future entre leur deux peuples, il propose d’alterner les convives à table: ses hommes et ceux d’Odoacre seront placés côte à côte. Selon la légende, le banquet réunit ainsi 10.000 Hérules et 10.000 Ostrogoths… Si vous voulez mon avis, les chiffres sont légèrement gonflés, mais on saisit l’idée.
Odoacre ne boude pas son plaisir. À vrai dire, il s’imaginait déjà pieds et poings liés au fin fond d’une geôle sordide de la cité… Il en regretterait presque de ne pas s’être rendu plus tôt, le con! Alors que l’alcool coule à flots, Théodoric lance un signal. Ses dix mille hommes savent ce qu’ils doivent faire. Ils se saisissent de leur poignard et le plante en plein cœur de leur voisin. Le roi ostrogoth lui-même plonge son couteau dans la gorge d’Odoacre…
Cette scène macabre fera sans doute écho à certains lecteurs qui y reconnaîtront un épisode tragique du Trône de Fer… Rien d’étonnant à cela, l’Univers inventé par George R.R. Martin étant construit à partir de dizaines de clins d’œil de ce type pour le plus grand plaisir des passionnés d’Histoire!
La désillusion de Zénon
Zénon se frotte les mains! Son mercenaire vient de lui offrir Rome sur un plateau! Il envoie ses émissaires rappeler au chef ostrogoth les termes de leur accord: le pognon pour toi, l’Italie pour moi! Mais le Basileus obtient une fin de non recevoir… Théodoric vient de conquérir un territoire immense, et il compte bien le garder! Étonnamment, il sera d’ailleurs un excellent souverain, tentant de romaniser le territoire ruiné par des années de guerres incessantes. Écoles, thermes, palais, monuments splendides… il rend hommage à ses illustres prédécesseurs et donne un nouveau souffle à la Roman way of life, et fait de Ravenne la nouvelle capitale de son royaume.
Zénon envoie ses émissaires rappeler au chef ostrogoth les termes de leur accord: le pognon pour toi, l’Italie pour moi!
Et l’empire byzantin dans tout ça? Dans un premier temps, il coupe tout contact avec lui. Quatre ans plus tard, les relations diplomatiques avec le nouvel empereur Anastase reprennent et ce dernier reconnaît – du bout des lèvres, mais il reconnaît – le nouveau royaume conquis par les Ostrogoths et donne à Théodoric le titre de Patrice des Romains. Well done, Théo, t’es le meilleur.
Une cohabitation pacifique… ou presque
La paix qui s’installe sur la péninsule italienne est néanmoins de courte durée… C’est maintenant la propre fille de Théodoric, une certaine Amalasonthe (si vous arrivez à retenir ce nom, je vous tire mon chapeau), qui tient les reines du pouvoir et elle s’évertue à entretenir d’excellentes relations avec Constantinople, comprenant que la diplomatie est le seul moyen d’éviter une guerre qui ne tournerait pas forcément à son avantage. Un beau jour, son époux – qui est aussi son cousin germain, passons… – la fait étrangler. Peut-être en avait-il marre de ne pas réussir à prononcer le nom de sa belle? Quoi qu’il en soit, cet assassinat est le prétexte parfait pour l’empereur byzantin Justinien pour se mêler des affaires ostrogothiques. En 535, ses troupes débarquent en Italie dirigées par le général Bélisaire, un eunuque en qui il place toute sa confiance. Et c’est reparti pour une bonne guerre d’une petite vingtaine d’années au cours de laquelle, ô sacrilège!, Rome sera réduite en cendres.
Finalement, les Byzantins parviennent à s’imposer (mais à quel prix!) et Justinien règne enfin sur la partie occidentale de l’ancien Empire romain…
…mais pas pour longtemps! Quelques mois plus tard, il doit céder de nouveau face à l’invasion de nouveaux Barbares: les Lombards. Et merde… C’est reparti pour un tour!
Note:Le moins qu’on puisse dire, c’est que vous n’avez pas eu droit à beaucoup de nouveaux articles cette semaine… Mea culpa, des imprévus m’ont empêché de me saisir de ma plume numérique. Veuillez m’en excuser, chers lecteurs!
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Article intéressant sur un sujet peu connu.
Par contre, Théodoric n’était-il pas Wizigoth et non Ostrogoth?
Kantii, je pense que vous confondez Théodoric le Grand (543 – 526), Ostrogoth, dont on parle ici;
AVEC
Théodoric Ier, roi des Wizigoths de 418 à 451, considéré comme le fondateur de la monarchie wizigothique.
Les Goths étaient un peuple germanique qui s’établi au cours du IIIe siècle (Ukraine, Russie) divisés en deux factions, les Wizigoths et les Ostrogoths qui migrent dans des directions différentes en Europe.
Ces deux factions prennent une place de plus en plus importante, et s’éteignent (ou plutôt s’assimilent à d’autres peuples) au cours du VIIIe siècle.
Encore un grand merci pour toutes ces informations