Isadora Duncan, ou deux putains de bonnes raisons de ne plus jamais mettre un pied dans une bagnole
– Vous avez vu ça? Ce chauffard du dimanche a bien failli nous rentrer dedans!
Le choc contre le trottoir a été violent et la nourrice se remet à peine de ses émotions. N’écoutant que distraitement le chauffeur qui lui parle, elle se tourne aussitôt vers Deirdre et Patrick, les deux enfants installés à l’arrière de la voiture et s’assure qu’ils vont bien. Heureusement, plus de peur que de mal. Le chauffard incriminé qui obligea leur voiture à faire un embardée sur le bas-côté est déjà loin. Nous sommes en avril 1913 et les véhicules à moteur, aussi rares que dangereux, font régner leur loi sur les routes pavées de la capitale.
– Non mais j’vous jure, on s’demande vraiment comment certains ont eu leur certificat de capacité! Regardez-moi ça, en plus, il m’a fait caler, le con!
D’un geste rageur, le chauffeur sort de son véhicule et s’empare de la manivelle pour faire repartir le moteur. Dans son énervement, il oublie la règle d’or de tout automobiliste: ne jamais quitter son véhicule sans tirer le frein à main! Lorsqu’il reconnaît son erreur, c’est déjà trop tard: la voiture commence à dévaler le boulevard Bourdon, le long du canal Saint Martin.
– Merde!
Courant comme un fou après la voiture, il crie à la nourrice d’actionner le frein. Celle-ci, peu habituée au fonctionnement d’une automobile, cède à la panique la plus totale.
– Le FREIN! Tirez le FREIN A MAIN!!!!
– Aaaaaahhhhhhh!
Canal Saint-Martin à Paris, lieu du tragique accident
Et plouf.
La portière côté chauffeur encore ouverte, la voiture vient de tomber à l’eau. Quelques courageux badauds se jettent aussitôt à l’eau pour tenter de secourir les malheureux prisonniers de leur cercueil de tôle. Mais en quelques secondes, c’est déjà trop tard et la voiture se retrouve au fond du canal. Le bilan est lourd: la nourrice et les deux enfants, âgés de trois et sept ans, ne seront pas sauvés par les secouristes qui tentent de les ranimer.
La nouvelle eut au moins autant de retentissements dans le tout-paris que la mort de Lady Di sous le pont de l’Alma… La raison? La maman des deux enfants n’est autre qu’Isodora Duncan, la célèbre danseuse et star montante de l’époque tout droit venue des States.
La danseuse Isadora Duncan au sommet de sa gloire
Se remettre d’un tel drame n’est pas chose aisée. Isadora met sa carrière en stand-by quelques mois avant de se jeter à corps perdu dans le travail et d’enchaîner les conquêtes amoureuses des deux sexes (parmi lesquelles on retrouve l’aviateur Roland Garros, la poétesse Mercedes de Acosta ou le poète russe Sergueï Essenine). La vie continue!
Alors qu’elle se ballade à Nice en 1927 en compagnie de quelques amis, le petit groupe s’arrête devant une magnifique voiture décapotable Amilcar GS et chacun y va de son petit commentaire sur ce bijou mécanique. Tant et si bien que le propriétaire de la voiture, un certain Benoît Falchetto, accourt et entame la conversation.
– Avec un bolide pareil, on monte à près de 120 km/h!
– Sans blague? C’est énorme!
– Puisque je vous le dis! D’ailleurs, vous voulez l’essayer?
– C’est que je…
– Mais si, mais si, ne m’obligez pas à insister. On remonte la promenade des Anglais et on revient. Ca prendra pas plus de quelques minutes!
– Bon ben… Si vous insistez…
Voiture Amilcar GS de 1927 (J’ai pas trouvé de photo du modèle exact de celle de Benoît Falchetto, mais l’esprit y est)
Isodora est habillée en tenue très légère avec une longue écharpe de soie autour du cou. Elle s’installe côté passager et cale son écharpe dans son dos. Tout fier d’avoir une star internationale à ses côtés, Benoît Falchetto fait vrombir son moteur et part pied au plancher. Seul petit problème, la longue écharpe d’Isadora Duncan se met aussitôt à flotter au vent. La voiture n’a pas fait vingt mètres que la voilà qui se coince dans les rayons de la roue arrière… Sans même avoir le temps de crier, Isadora meurt étranglée sur le champ.
Y’a des jours comme ça, on ferait mieux de rester au lit…
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Histoire horrible, mais qui donne quand même envie de se marrer! 😆
Je connaissais le pourquoi du comment de sa mort, mais la pauvre quand même…
Génial ce site!
Rien à redire, continuez juste à nous faire rêver!
Grand merci pour cet article très clair et précis, mon point de recherche étant dans un livre de Shane Stevens « l’heure des loups » où l’on peut lire: dans les années 1930 la Luftwaffe avait adopté l’écharpe de soie d’Isadora Duncan
Cordiallement
Merci à vous! Intéressant, cette histoire avec la Luftwaffe… à approfondir! 😉
L’écharpe en soie des aviateurs sert tout simplement à ne pas irriter le cou des aviateurs lors des manœuvres! en effet, à cette époque, on ne pilotait pas aux instruments, mais à vue… donc cela nécessitait de nombreuses contorsions pour regarder autour de soi.
Les aviateurs s’usaient vite la peau du cou sur les cols en cuir de leurs combinaisons/manteaux, et ils adoptèrent donc l’écharpe en soie blanche pour se protéger!
Belle et émouvante histoire d’Isadora DUNCAN.