[Coup de gueule] Pour une utilisation raisonnée des expressions françaises…
Les proverbes et autres expressions imagées ont fleuri dans notre langue tout au long des siècles, ornements superflus pour les uns, expression d’une pensée claire et concise pour les autres. Reconnaissons tout de même qu’avec leur caractère lapidaire nos expressions toutes faites sont séduisantes, qu’elles frappent l’esprit et font saisir l’idée qu’elles habillent avec une certaine facilité. Mais là où le bât blesse (pardonnez l’expression) c’est qu’elles semblent parfois s’autosuffire et vous contemplent pleine de morgue, devenant à l’occasion un argument massue que le premier quidam venu vous déclarera d’un ton péremptoire. Que pourrons-nous répondre alors, triste et éploré, à celui qui nous dira que pour une de perdue, il y en a dix de retrouvées? Rien. Nous nous contenterons d’acquiescer cette sage parole…
Et si nos expressions étaient en fait un signe de paresse intellectuelle, voire de malhonnêteté? Parfois, faute de pouvoir étayer convenablement notre discours, on choisira de piocher dans le sac (large et profond) des expressions, gage d’une légitimité sans pareil pour notre argumentaire. Qui oserait remettre en cause ce que le français a mis des siècles à bâtir? Il existe une profusion d’expressions, mais force est de constater qu’on revient toujours à picorer au même endroit et nos expressions deviennent alors les poncifs de notre langue: à force d’être mâchées et remâchées, elles perdent toute leur saveur…
Parfois, faute de pouvoir étayer convenablement notre discours, on choisira de piocher dans le sac (large et profond) des expressions, gage d’une légitimité sans pareil pour notre argumentaire.
Fort comme un bœuf, blanc comme neige, l’habit ne fait pas le moine… Il est inutile à présent de se croire original en disant cela, cela deviendrait presque insipide et pourrait contribuer finalement et paradoxalement à appauvrir la langue en devenant d’une banalité effrayante. Il arrivera bien sûr qu’un esprit plus aventureux qu’un autre tente d’exhumer des tréfonds du français une expression plus originale mais gare aux dérapages et aux à-peu-près! Il n’y a rien de pire qu’une expression mal maîtrisée ou utilisée à mauvais escient. Ainsi, si on parle du pied qu’on nous a coupé sous l’herbe, de nos journées marquées au fer rouge, ou des choses qu’on a faites en bon uniforme, cela pourrait bien se retourner contre nous! Et si tant est que le pédant que nous sommes réussisse son coup et lâche une jolie expression pour l’esbroufe, il faut encore se méfier des expressions surannées arrachées aux temps jadis qui laisseront votre auditoire pantois et un peu moqueur. Pourquoi employer des expressions dont l’origine est devenue obscure aux yeux du monde moderne? Adieux alors, vessies et lanternes, boissons prises à tire-larigot, cochons qui s’en dédisent et vie de patachon…
Hey, le zèbre, arrête donc de peigner la girafe!
D’ailleurs, je vous vois déjà me regarder avec des yeux ronds comme des soucoupes (oups). Rappelons-nous que nos expressions viennent aux origines du monde rural et n’étaient anciennement que de jolis dictons, des sagesses pratiques pour la vie de tous les jours qui ne semblent plus convenir à notre monde actuel. Nous ne manquerons pas d’ailleurs de souligner ô combien nos aïeux avaient l’esprit pratique, peut-être trop pratique, tant leur morale passait pour accommodante et qu’ils n’hésitaient pas à se servir d’un proverbe pour justifier une conduite que d’autres jugeraient contestable. Ainsi nous apprirent-ils que la charité bien ordonnée commence par soi-même (égoïsme), que la fin justifie les moyens (machiavélisme) et que c’est l’occasion qui fait le larron (opportunisme). Pas bien beau tout ça…
Ainsi nos aïeux nous apprirent-ils que la charité bien ordonnée commence par soi-même (égoïsme), que la fin justifie les moyens (machiavélisme) et que c’est l’occasion qui fait le larron (opportunisme).
Mais là où ça devient vraiment ridicule et montre à quel point nos expressions sont de véritable fourre-tout, c’est qu’elles viennent parfois à dire tout et son contraire! On nous enseigne qu’il vaut mieux tard que jamais, mais qu’il ne faut pas remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même. Étrange… et ça continue! Après la pluie vient le beau temps, mais un malheur n’arrive jamais seul; pierre qui roule n’amasse pas mousse, mais les voyages forment la jeunesse; abondance de biens ne nuit pas, mais peu c’est déjà beaucoup; à cœur vaillant rien d’impossible, mais à l’impossible nul n’est tenu…
Enfin, ne crachons pas dans la soupe non plus! Puisque l’abondance ne nuit pas, voyons cette collection pléthorique comme une richesse singulière, témoignage et héritage de notre langue. Alors, même si nous n’en utilisons plus certaines, pourquoi ne pas voir nos vieilles expressions avec les yeux d’un collectionneur: on les nettoie, on en utilise quelques-unes, comme pour voir si elles fonctionnent encore mais, la plupart du temps, on se contente de les contempler car elles sont tout simplement belles.
____________________________________
Vous avez aimé cet article ? Alors j'ai besoin de vous ! Vous pouvez soutenir le blog sur Tipeee. Un beau geste, facile à faire, et qui permettra à EtaleTaCulture de garder son indépendance et d'assurer sa survie...
Objectif: 50 donateurs
Récompense: du contenu exclusif et/ou en avant-première
Je vous remercie pour tout le soutien que vous m'apportez depuis maintenant 5 ans, amis lecteurs!
Djinnzz
PS: ça marche aussi en cliquant sur l'image juste en dessous ↓↓↓↓
Bien vu! 😉
« Charité bien ordonnée commence par soi-même » n’est pas à mon sens une expression faisant l’apologie de l’égoïsme comme beaucoup de gens le croient. Elle signifie que si on n’est pas charitable avec soi-même, si on ne se pardonne pas nos erreurs et nos fautes, si on ne s’accepte pas tel qu’on est, etc., il y a fort peu de chances qu’on le soit avec les autres.
En outre, la sagesse ne varie pas avec les époques. Il serait plus exact de dire que notre époque ne s’accommode plus des valeurs véhiculées par les proverbes et dictons. A une époque où l’argent est roi, sert d’impératif catégorique et d’ultime critère séparant le bien du mal, il est tout à fait naturel qu’on se gausse du célèbre « L’argent ne fait pas le bonheur ». Dans une société où on confond l’argent avec le bonheur, on ne peut pas comprendre que le bonheur est un état intérieur et que l’accumulation de richesses ne peut à elle seule créer cet état. Ce qui n’empêche pas pour autant de dire : « Abondance de biens ne nuit pas », car l’argent n’est pas mauvais en soi.
Moi, j’interprétais plus la chose ainsi: ce n’est pas tant le côté surranné des proverbes qu’on leur reproche, mais plus leur façon très énervante de pouvoir expliquer tout et son contraire.
Pour « Charité bien ordonnée commence par soi-même », vous avez sans doute raison, mais justement, les proverbes sont souvent utilisés à mauvais escient et deviennent fades, insipides.
L’article m’a fait sourire en tout cas, et c’est déjà pas mal 🙂
Alphonse Allais s’était déjà rendu compte de ces bizarreries et avait eu ce trait d’esprit:
Un proverbe dit : “Tel père, tel fils.” Un autre : “A père avare, enfant prodigue.” Lequel croire?
😉
« Tel père, tel fils » et « A père avare, enfant prodigue » ne sont pas contradictoires à mon sens. Ces proverbes reflètent deux réalités différentes, et je les trouve justes l’un et l’autre, il n’y a pas besoin de choisir.
La vie ne se laisse pas enfermer dans des formules, ce serait trop simple !
Si c’est l’emploi des proverbes en tant que formules sentencieuses que vous critiquez, je suis tout à fait d’accord avec vous, mais ce travers ne s’applique pas qu’aux proverbes. Il y a aussi ceux qui abusent des citations de personnages célèbres, les formules toutes faites de la bien-pensance officielle, le langage journalistique, etc. etc…
Bonjour,
J’aime beaucoup l’illustration de votre article.
Si vous prônez l’utilisation raisonnée des expressions françaises…
n’omettez point, mon cher, d’insister aussi sur la juste utilisation des citations.
Vous eussiez pu en contre exemple mettre comme référence pour l’illustration de l’article: « Le Zèbre qui se voulait plus haut que la Girafe » – Fable de Jean de la Fontaine. 😕
Cordialement
Vous avez pas bien compris je pense! 😉
Peigner la girafe, c’est faire un travail inutile et très long, ne rien faire d’efficace.
Ici, c’est le décalage entre la signification de l’expression et la photo qui crée le levier comique.
Votre proposition de La Fontaine est pas assez second degré, trop descriptive, pour qu’elle soit vraiment rigolote.
Et le ton que vous employez est tellement hautain, ça décrédibilise le reste de votre commentaire…
Declendia asinum fadis, parere colicorum est…
Mais ce n’est que mon avis! 😛
ce qui me fait sauter à chaque fois c’est entendre un présentateur de JT parler de coupes sombres pour illustrer un licenciement massif alors que c’est une coupe CLAIRE !!
eh oui en sylviculture d’où vient l’expression une coupe sombre laisse des arbres d’ou le terme « sombre »
alors qu’une coupe claire éclaircie la forêt par une coupe totale