Un affront à laver

490 avant Jésus-Christ. La première guerre médique opposant l’empereur perse Darius aux Athéniens s’est soldée par un échec cinglant lors de la célèbre bataille de Marathon. Lorsque Darius meurt quatre ans plus tard, son fils Xerxès reprend le flambeau à la tête de l’immense empire perse. Et le fiston est bien décidé à venger l’humiliation de son père!

À peine monté sur le trône, le « Roi des rois » commence déjà les préparatifs de guerre et il ne lésine pas sur les moyens. Des centaines de milliers de troupes d’élite (des millions selon Homère! – mais ce dernier avait la fâcheuse tendance de s’emballer un peu trop rapidement…) affluent de tout l’empire et se pressent aux portes du monde hellène.

Éthiopiens aux corps barbouillés de peintures de guerre, Assyriens armés de massues à pointes, Caspiens vêtus de peaux de bêtes, Mèdes, Paphlagoniens, Bactriens, Indiens, Thraces,… les hommes prêtant allégeance au Roi des Rois affluent des quatre coins de l’Orient! L’armée de Xerxès est composée d’au moins une centaine de nations différentes, aux dialectes et aux mœurs toutes plus étranges les unes que les autres. Mais de toute cette chair à canon, Xerxès n’en a cure. Toute sa confiance, il la place en sa garde personnelle composée de 10.000 Immortels, une unité d’élite qui lui est dévouée corps et âme.

La plus grande armée jamais rassemblée depuis le commencement du Monde est bientôt prête à déferler sur la Grèce.

Xerxès Ier, le vrai, à gauche vs. Xerxès Ier façon Zack Snyder, à droite…

En Grèce, justement, c’est le branle-bas de combat. Non seulement les Grecs s’apprêtent à se faire écrabouiller par le rouleau compresseur perse, mais ils ne sont même pas foutus de collaborer! Car le pays est en réalité composé d’une multitude de cités-États indépendantes qui passent son temps à comploter et à se taper dessus. Les deux ennemis de toujours, Athènes et Sparte, trouveront-ils la force de s’allier pour repousser l’ennemi?

En fin stratège, Xerxès profite de ce pessimisme ambiant chez les Grecs en envoyant des émissaires aux quatre coins du pays. Une à une, il tente de faire céder chaque cité-État en les priant de se rendre sans combattre. De toute façon, quelles alternatives ont-elles?

***

Quand même les Dieux s’y mettent…

Ce n’est pas gagné d’avance! Car même les oracles, ces prêtres en contact direct avec les Dieux, sont unanimes: il n’existe aucun moyen de repousser l’armée de Xerxès. Et ils s’empressent de le faire savoir à toute la population! Pourquoi restez-vous là, infortunés? Fuyez, fuyez au bout du monde en quittant vos demeures!

Face à l’urgence, un congrès réunissant les têtes pensantes de l’ensemble des cités grecques est organisé à Corinthe en octobre -481. La méfiance envers ses voisins est de mise et les avis divergent.

– Battons-nous et faisons mordre la poussière à ce Xerxès de mes deux!

– C’est facile de dire ça, pour toi! On voit que toi tu n’as pas d’enfants! À quoi sert de combattre un ennemi invincible? Ne dit-on pas de sa garde personnelle qu’elle est immortelle?

– Foutaises que tout cela!

– Les oracles eux-mêmes disent que tout est foutu! Rendons-nous tant qu’il est encore temps et peut-être aurons-nous la vie sauve!

– Plutôt perses que morts! enchaînent les uns.

– Plutôt morts que perses! répondent les autres en chœur…

Et chacun d’y aller de son petit commentaire, de sa petite opinion personnelle. Bientôt les débats deviennent inaudibles et c’est le moment que choisit Thémistocle pour prendre la parole.

– Mes amis, l’heure est grave! Les Dieux ont décidé de nous éprouver au travers d’une terrible épreuve. La terre de nos ancêtres est sur le point d’être foulée par une horde d’ennemis sanguinaires, des sauvages venus des contrées les plus lointaines du Monde et vous êtes là, assis en train de de vous demander s’il faut se rendre ou pas avant même de combattre?

L’éloquence du futur stratège athénien suffit à calmer la foule.

– Rappelez-vous Marathon! Oublions nos querelles intestines! Aujourd’hui, nous ne sommes ni Spartiates, ni Athéniens. Aujourd’hui, nous sommes le peuple hellène et nous nous battrons tous ensemble pour faire payer à Xerxès le prix de son insolence!

Et la foule de se lever et d’applaudir le discours de Thémistocle! Ce dernier vient de gagner son pari. Il vient de mettre d’accord les représentants des 31 cités-États qui prêtent maintenant le serment de défendre ensemble la péninsule. En toute logique, le commandement des troupes terrestres est confié à la cité la plus puissante militairement, j’ai nommé Sparte, et c’est un certain Léonidas Ier qui prend la tête de l’armée terrestre de coalition.

La seconde guerre médique peut maintenant commencer.

***

La folie des grandeurs de Xerxès

Xerxès sait-il que l’ennemi qu’il s’apprête à affronter vient de s’unir? Sans aucun doute ses espions lui auront-ils rapporté. Mais qu’importe. Un simple coup d’œil sur son immense armée qui s’étend à perte de vue suffit à lui ôter le moindre doute sur l’issue heureuse des combats.

Le roi perse est maintenant confronté à un premier défi de taille. Comment faire traverser la mer qui sépare l’Orient de l’Occident à des centaines de milliers d’hommes et presque autant de bestiaux? Tout simple, me répondrez-vous. On charge le maximum de soldats sur le maximum de bateaux et on fait autant d’allers-retours que nécessaires. Mais cette solution manque de panache aux yeux de Xerxès! Pour affirmer la supériorité du peuple Perse, il entreprend deux chantiers pharaoniques. Pharaoniques? Que dis-je! Titanesques!

Carte de la seconde guerre médique (source)

Le premier chantier est sans doute le plus fou… Le but est de construire un pont de plus de 3000 mètres au niveau du Détroit des Dardanelles en reliant des milliers de bateaux les uns aux autres par des énormes câbles faits de papyrus et de lin tressé! Et puisqu’un pont n’est pas suffisant, Xerxès en veut deux côte à côte. Alors, c’est qui le patron?!

Hélas pour l’orgueilleux roi, après des mois et des mois de dur labeur, une tempête a tôt fait de déchiqueter l’ensemble de l’ouvrage. La colère de Xerxès est sans limite! Il fait décapiter touts les ingénieurs ayant travaillé sur le projet et, surtout, il tient à punir la mer elle-même… en la faisant fouetter de 300 coups de fouet! C’est Hérodote en personne qui nous raconte cette étrange punition: « Onde amère, ton maître t’inflige cette punition parce que tu l’as offensé‚ sans avoir souffert de lui aucune offense. Et le Roi Xerxès te franchira, que tu le veuilles ou non! »

On peut difficilement faire plus mégalo… Mais il faut croire que la technique est plutôt bonne: une deuxième équipe est montée pour faire aboutir le projet et, cette fois, ça marche! En juin -480, Xerxès fait fièrement traverser son armée sur les deux ponts gigantesques. Et cette traversée n’a rien d’une promenade de santé: le défilé des hommes aurait duré, selon la légende, sept jours et sept nuits…

Mais Xerxès a en tête un deuxième projet, au moins aussi fou que le premier! Le percement d’un immense canal au pied du mont Athos afin d’éviter à sa flotte de contourner la péninsule de l’Aktè (allez voir sur la carte, vous comprendrez mieux). Le but est ici louable, admettons-le. Douze ans plus tôt, en -480, une tempête au large de cette péninsule avait en effet décimé toute la flotte de son père Darius et le roi des Rois ne veut pas commettre la même imprudence. Mais il ne se contentera pas de n’importe quel canal, ah ça non! Il veut que son passage puisse permettre le passage de deux navires de guerre de front. Au final, c’est un canal de 2400 mètres de long sur 30 mètres de large qui sera creusé sous le commandement d’un certain Artachaies, l’homme le plus grand de tous les Perses: 2.29 mètres!

En moins d’un an, le chantier titanesque est terminé. L’indestructible rouleau compresseur perse peut continuer son avancée en territoire ennemi. Après une marche forcée de plus de deux mois, Xerxès et ses 300.000 hommes s’apprêtent à pénétrer dans la péninsule grecque. En guise d’accueil, 7.000 soldats grecs les attendent à l’entrée d’un étroit défilé, les Thermopyles.

Le comité d’accueil de Xerxès aux Thermopyles… (source: 300, de Zack Snyder)

Parmi eux, 300 Spartiates. 300 hommes qui, à eux seuls, feront bientôt basculer la destinée de tout un peuple.

Mais ça, c’est une autre histoire…

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