La bataille des Thermopyles, ou quand 300 hommes font vaciller l’Empire le plus puissant du monde
Après avoir construit successivement deux chefs d’œuvre d’architecture aussi prestigieux qu’inutiles (voir l’épisode précédent), voilà l’armée perse forte de ses plusieurs centaines de milliers d’hommes prête à se ruer sur Athènes.
Cette fois, hors de question pour les Grecs de se passer de la puissance des soldats spartiates comme ce fut le cas quelques années plus tôt pour la bataille de Marathon. Sparte accepte d’envoyer 300 de ses ses hommes les plus valeureux aux Thermopyles, étroit défilé d’une dizaine de mètres de large et point de passage obligé de l’armée ennemie. Soutenus par quelques milliers d’hommes envoyés par différentes cités-États grecques (Thèbes, Corinthe, Athènes,…), la mission de ce corps expéditionnaire est on ne peut plus claire: ralentir au maximum le rouleau compresseur perse et laisser le temps aux Grecs d’organiser à l’arrière du front une défense digne de ce nom.
Quand il voit cette poignée d’hommes qui s’apprête à s’opposer à lui, Xerxès croit d’abord à une blague. Il ne réagit pas tout de suite et se laisse le temps de la réflexion quatre jours durant. À la réflexion, même si l’ennemi ne paye pas de mine, engager une bataille dans un étroit défilé n’est pas sans risque et Xerxès a le secret espoir que, devant le déploiement de ses forces militaires, les soldats du camp d’en face s’enfuient la peur au ventre.
Mais non.
À l’aube du cinquième jour, il faut se rendre à l’évidence. Le combat est inévitable.
18 août -480. Premier assaut.
« L’empereur perse possède dans son armée beaucoup d’hommes, mais bien peu de soldats… »
Léonidas choisit les hoplites thespiens pour commencer les hostilités. Sous un soleil de plomb, 700 hommes répartis sur 18 rangs attendent le premier assaut. Face à eux, l’armée perse déploie les Mèdes. Des milliers d’hommes se ruent vers les hoplites bien décidés à absorber le choc… À quelques centaines de mètres de là, confortablement installé sur une estrade, Xerxès ne rate pas une miette des combats, un petit sourire aux lèvres… Qu’il est doux de voir couler le sang!
Le choc entre les deux armées est terrible et tourne rapidement à l’avantage des Grecs. Mieux armés, mieux équipés et mieux préparés, les hoplites mettent rapidement les Mèdes en déroute. Furieux, Xerxès ordonne aux archers de lancer plusieurs volées de flèches qui tombent indifféremment sur les deux camps… à la différence que les Grecs, eux, possèdent de lourds boucliers en bronze qui les protègent de façon efficace! Les boucliers en osier tressé des Mèdes ne font pas long feu et, le déluge de flèches passé, les hoplites thespiens n’ont plus qu’à se relever pour achever les Mèdes… Xerxès a beau ordonné aussitôt aux Scythes de prendre le relais, ceux-ci ne font pas mieux que leurs prédécesseurs… Ce qui fera dire à Hérodote que l’empereur perse possède dans son armée beaucoup d’hommes, mais bien peu de soldats!
18 août -480, fin d’après-midi. Les 10.000 contre les 300.
Les Thespiens ont combattu tout le jour avec honneur et efficacité. Épuisés, ce sont maintenant aux 300 Spartiates de rentrer dans la danse. Face à eux, Xerxès abat sa carte maîtresse: il leur oppose les dix mille membres de sa garde personnelle, les fameux Immortels. L’élite des deux nations se font face alors que le soleil éclaire le champ de bataille de ses derniers rayons de soleil.
Mais fort est de constater que les Immortels ont usurpé leur réputation… Suivant la même stratégie que les Mèdes ou les Scythes quelques heures avant eux, les 10.000 foncent dans le tas et viennent littéralement s’embrocher sur le fer de leurs ennemis. Il faut dire que les Spartaites sont particulièrement efficaces: disposés en seulement huit rangées, ce sont les trois premières qui fauchent littéralement l’ennemi.
Le soir venu, on compte ses morts dans les deux camps. Malgré leur écrasante supériorité, les Grecs accusent dans leur rang des pertes qui éclaircissent encore un peu plus leur rang: une petite centaine de Thespiens et une vingtaine de Spartiates sont morts au combat. Mais ils ont vendu chèrement leur peau: en face, ce sont plusieurs milliers de soldats qui sont passés de vie à trépas!
Une odeur de pisse, de sang et de charogne à soulever le cœur des hommes les plus aguerris s’élèvent du champ de bataille. Les milliers de cadavres jonchant le sol forment un véritable mur de protection qui leur sera bien utile le lendemain. En attendant, les Grecs chantent à la gloire de leurs morts et se reposent avant la reprise des combats.
19 août -480. Le petit jour se lève à peine que les hommes sont déjà sur le pied de guerre. Xerxès a rassemblé pendant la nuit les meilleurs éléments de chacune de ses troupes. Léonidas, de son côté, aligne les unités qui n’ont pas combattu la veille. Thébains, Corinthiens et Mycéniens se succèdent toute la journée face aux assauts répétés des Perses et, vague après vague, les troupes perses s’écrasent contre le mur de fer grec.
Du haut de son trône, Xerxès assiste une nouvelle fois, impuissant, à la débâcle de sa chère armée… Et, le soir venu, les comptes sont encore une fois largement en faveur des Grecs: alors qu’ils n’ont à déplorer qu’un petit millier de pertes, on en dénombre au moins dix fois plus dans le camp adverse!
Léonidas aux Thermopyles, Jacques-Louis David, 1814
L’espoir commence à poindre dans le cœur de Léonidas. Alors que son but initial était simplement de freiner l’avancée irrésistible des Perses, se pourrait-il qu’il parvienne, à lui seul, à gagner la guerre? Il le sait, le désespoir commence à gagner le camp adverse. Sans compter que l’armée impériale commence à avoir de sérieux problèmes d’intendance. Les soldats ont maintenant faim et soif. Xerxès fulmine. Après des années de préparation, va-t-il vraiment devoir faire demi-tour à cause d’une poignée d’hommes?
On n’est jamais trahis que par les siens.
Mais au milieu de la nuit, Xerxès va bénéficier d’une aide inattendue. Un certain Ephialtès, pour d’obscures raisons, décide de trahir les siens et livre à l’Empereur une information primordiale: il existe un petit sentier qui contourne le défilé et permettrait de prendre les hommes de Léonidas à revers! Xerxès n’en croit pas ses oreilles. Les Dieux ont finalement décidé de se tourner enfin de son côté!
Sans perdre un instant, plusieurs centaines de ses meilleurs hommes suivent Ephialtès à travers la montagne. Alerté par des sentinelles, Leonidas est très vite au courant de la position de l’ennemi et il sait maintenant que la partie est perdue. Il ne reste plus qu’une option: mourir avec honneur en inscrivant son nom dans la légende. Il congédie toutes les troupes grecques à l’exception de ses compagnons d’armes spartiates. À l’aube du 20 août, le combat final se prépare.
« Spartiates! Mangez bien car ce soir, nous dînerons en Enfer! »
Épilogue
Sans surprise, les Spartiates se font encercler et écraser par les Perses. Pas de quartier. Pas de pitié. Pas de survivants. Une fois le carnage fini, Xerxès défile fièrement à côté des corps de ses ennemis. Sans aucun respect, sans honneur, il ordonne de décapiter les corps et de planter les têtes sur des piques placées à l’entrée du défilé afin que chacun de ses soldats voient ce qu’il en coûte de s’opposer à la gloire de l’empereur. En habile politicien, il parvient à transformer cet humiliant camouflet en fait de guerre glorieux.
Ainsi s’achève la bataille des Thermopyles. On pourrait croire que le combat de Léonidas fut vain. Même s’il parvint à tuer plusieurs dizaines de milliers d’ennemis, c’est une goutte d’eau dans la marée humaine qui s’apprête à déferler sur la Grèce. Mais le sacrifice des Spartiates est suffisant pour redonner espoir aux Grecs. Maintenant, ils le savent, l’armée de Xerxès n’est pas invincible. Le stratège athénien Thémistocle l’a bien compris: s’il veut vaincre, l’heure n’est plus au doute mais à la stratégie. Trouvera-t-il le moyen de repousser définitivement l’Empereur perse? On aura l’occasion d’en reparler, rassurez-vous!
Et si la bataille des Thermopyles vous passionne autant que moi, je ne saurai que vous conseiller de lire les Murailles de feu de Steven Pressfield dont je vous avais déjà parlé il y a quelque temps. Dans un tout autre registre, il y a également, bien entendu, le comic book de Franck Miller sobrement intitulé 300 à la narration passionnante. Bonne lecture!
L’info du jour pour briller en société
Pourquoi les guerriers Spartiates sont-ils considérés à ce point plus forts que leurs voisins? La raison tient en deux mots: entraînement et honneur! Là où toutes les autres nations se contentent de faire appel à la population civile pour former les rangs en cas de besoin militaire, Sparte, elle, fait de l’art de la guerre sa raison de vivre. Surtout, Sparte a une vision moderne de la guerre, en avance sur son temps de plusieurs siècles. Là où les autres armées appliquent la doctrine: « On fonce dans le tas, on bourrine, et on verra bien ce qui se passe », les Spartiates, eux, ont bien compris qu’il ne suffit pas de s’armer d’une lance, d’un casque et d’une jupette en cuir pour faire un bon soldat!
Rester dans le rang à tout prix, protéger son voisin, ne pas offrir la moindre faille entre les boucliers qui se chevauchent, obéir aveuglément aux ordres de son commandant, préférer la cohésion du groupe à l’exploit individuel: tels sont les clefs du succès des hommes de Léonidas… et ça change absolument tout!
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Les Spartaites portaient les cheveux longs (qu’ils ne nettoyaient et ne peignaient qu’avant la bataille) et une tunique rouge pour masquer la couleur du sang.
J’étale ma culture ^^
« une tunique rouge pour masquer la couleur du sang … »
je crois qu’il en était de même pour certains corps d’armée napoléonienne, pour les même raisons.
Toutefois cela explique peut-être pourquoi les armées allemande et américaine ont préférée la couleur marron ….
Le pire, c’était les Français pendant la première guerre mondiale! Avec la couleur criarde de leurs uniformes, ils servaient de cibles au tir aux pigeons pour les Allemands!
Heureusement, l’état-major a vite remédié au problème…
Long comme mes cheveux
Un aspect qui n’est pas développé dans l’article c’est la croyance en la prophétie de l’oracle de Delphes.
Elle dit que lors de la guerre contre les Perses, soit la cité de Sparte sera rasée, soit un grand roi mourra au combat.
Dès lors, il est inconcevable pour Léonidas d’abandonner la bataille: s’il sort vivant du conflit, sa ville chérie sera détruite.
Si Xerxès avait connu la prophétie, il lui aurait certainement laissé la vie sauve histoire de plomber le moral des Grecs.
On néglige trop souvent le poids de la religion sur les décisions des personnages historiques!!
La BD 300 dont vous parlez a été adaptée au cinéma par Zack Snyder. Un film hollywoodien mais bon c’est pas mal.
Oui, en effet!
Un film hollywoodien, certes.
Les Perses sont remplacés par des Trolls, des orcs et des machins bizarres avec des pinces, certes.
Y’a des éléphants et des rhinocéros géants, certes.
Xerxès ressemble à un membre de la techno-parade sous ecstasy, re-certes…
… Mais j’ai quand même bien aimé!
Le style graphique est léché (c’est sûr qu’un film tourné 100% sur fond vert, ça ne plait pas à tout le monde, mais bon) et certaines séquences ressemblent plan par plan au roman graphique de Miller (et ça, c’est plutôt classe).
Bien sûr, c’est loin d’être un récit historique, mais certains points importants y sont: le style de combat des Spartiates est fidèlement respecté (autant que je sache), le rapport aux oracles est bien présent, les tentatives de corruption de Xerxès envers certaines personnes clefs et cités-Etats sont également présentes,…
Bref, un film pas si idiot qu’il n’en a l’air.
Leonidas: You bring the crowns and heads of conquered kings to my city steps. You insult my queen. You threaten my people with slavery and death. Oh, I’ve chosen my words carefully, Persian. Perhaps you should have done the same.
Persian Messenger: This is Blasphemy! This is Madness!
Leonidas: Madness? This is Sparta!
Y’a pas plus badass que ça! 😎
Ce film, c’est de la testostérone en barre!
La scène complète en question:
😉
ouais il est trop genial ce film mais ils ont fait un 2 la il y a eu un petit probleme…
Anecdote liée au film 300:
300 n’a pas manqué d’attirer les foudres de certains Iraniens, mécontents de la représentation des Perses dans le film. Alors que le journal réformateur Ayandeh-No affirmait qu’Hollywood déclarait la guerre aux Iraniens, trois députés ont officiellement dénoncé le film comme étant anti-iranien. Une pétition a également été lancée par des internautes indignés de ce que, selon eux, le roi Xerxès soit dépeint comme un « homosexuel » et l’armée perse comme des « monstres déshumanisés ».
(vu sur http://www.allocine.fr/film/fichefilm-57529/secrets-tournage/)
C’est fou comme certains s’acharnent à voir le mal partout…
« Sparte fait de »l’art de la guerre » sa raison de vivre »…
Les 300 Spartiates sont morts car pris entre deux feux à cause d’une trahison. Y avait-il suffisamment « d’artistes » pour gagner cette bataille ou Léonidas a-t-il commis une erreur stratégique importante en ne positionnant pas d’arrière garde ?
À cette époque, la guerre pouvait être un « art » contrairement à celles de nos jours où l’on peut attaquer son ennemi « de loin » !
De toutes façons, il serait vain de le lui reprocher car il a laissé sa vie dans cette bataille. Mais pouvait-il faire autrement, pris en tenaille comme il l’était ?
Bonne histoire qui m’a passionné. Mais ce n’est pas le dernière « guerre médique ».
Y aura-t-il une suite ?
SI je me rappelle bien, la suite se passe lors d’une bataille navale à Salamine… Un épisode qui serait très intéressant, en effet!
À propos de grand guerriers et compagnie, y-a-t-il un article sur Alexandre le Grand ici SVP? Il m’intrigue beaucoup pourtant j’ai si peu d’infos sur lui, et surtout de manière à ce que je comprenne comme ici! Merci!
Excellent article, comme bien d’autres sur ce site. Bravo !
Est-ce que je peux par contre vous demander vos sources lorsque vous mentionnez le nombre de soldats de telle ou telle cité qui ont combattu tel ou tel jour ? Par exemple pour le fait que ce sont les Thespiens qui ont ouvert les hostilités le début du premier jour ? J’ai vu bien des documentaires et lu plusieurs documents historiques mais je n’ai jamais trouvé des affirmations précises et certaines là-dessus. Cela me ferait très plaisir de pouvoir approfondir mes connaissances sur ce point précis qui me fait défaut 😉
Merci infiniment !
pourquoi dans la bd et certaines peintures, les spartes combattent nus, et pas dans le film ou les reportages? qq’un sait?