L’Histoire de France en 10 minutes chrono 3
Précédemment, sur ETC:
[Partie 1 : des Celtes à Charlemagne]
[Partie 2 : De Charlemagne à Philippe Auguste]
L’épisode du jour:
Comme le temps passe vite! Nous sommes déjà en l’an de grâce 1223. Philippe Auguste vient de mourir et son fils Louis VIII ne tardera pas à le rejoindre dans la tombe: à peine ce dernier a-t-il le temps de terminer sa Croisade des Albigeois contre l’hérésie cathare qu’il meurt d’une mauvaise colique sur le chemin du retour…
Et une nouvelle star de l’Histoire de France monte maintenant sur le trône, j’ai nommé Louis IX, alias « Saint » Louis!
Saint Louis imaginé par le Greco, 1592, huile sur toile (extrait), musée du Louvre
Alors, ce Louis était-il vraiment un Saint? Oui, assurément, si on se réfère aux standards de l’époque… Modèle de vertu, sens aigu de la Justice qu’il aimait à rendre sous un chêne, roi pacificateur qui tenta par tous les moyens de s’allier les bonnes grâces des monarques voisins… C’est sûr, Saint Louis ne manque pas de qualités… mais il possède également une part sombre. Que penser du port de la rouelle qu’il impose aux Juifs du Royaume et des énormes bûchers de livres jugés offensants envers le Christ qu’il organise? Deux actions qui ne sont pas sans rappeler « les heures les plus nauséabondes de notre histoire », selon l’expression consacrée, ancêtres en quelque sorte de l’étoile jaune et des autodafés. Comment dire… sur le CV d’un Saint, cela fait plutôt tache.
Saint Louis est également un des tout derniers rois à partir en Croisade. Les deux expéditions qu’il mène, la septième et la huitième Croisade, tournent toutes deux au fiasco… Il y trouvera d’ailleurs la mort, non pas sur le champ de bataille, mais d’une bonne grosse dysenterie. Anecdote amusante, on découpe alors son corps en morceaux et on fait cuire le tout à court-bouillon dans une grande marmite afin de récupérer ses os et les ramener en France…
L’Europe en aura fini avec les Croisades. Jérusalem est décidément trop loin et les Infidèles bien trop nombreux! Surtout, il y a bien suffisamment à faire sur le territoire de France…
Philippe le Bel, extrait de la couverture d’une bande dessinée éponyme de Mathieu Gabella
Du travail, Philippe le Bel (1285-1314) n’en manquera pas. Nous avons déjà eu l’occasion de nous demander si ce roi-là était le plus « méchant » de l’Histoire de France. La question est légitime quand on connaît la légende noire qui entoure le bonhomme, fortement inspirée du best-seller de Maurice Druon, Les Rois Maudits. Et un de ses contemporains, un évêque que le roi a pris en grippe, enfonce le clou: « Ni un homme, ni une bête, c’est une statue ». Qu’a donc bien pu faire cette « statue » pour mériter pareille réputation?
En premier lieu, Philippe le Bel se met beaucoup de monde à dos… à commencer par le Pape en personne! Quand Boniface VIII déclare, par la bulle Unam Sanctam de 1302, que le pouvoir spirituel est au-dessus du pouvoir temporel, son sang ne fait qu’un tour! Il envoie ses hommes d’armes dans le palais de Boniface pour donner une bonne leçon au souverain pontife. Croyant sa dernière heure venue, ce dernier fait sa prière et tend le cou pour mourir dignement. Que nenni, les Français ne lui font pas cet honneur et se contentent de lui donner une gifle magistrale. Notre pauvre Boniface en mourra de honte, dit-on, quelques semaines plus tard…
Fort de ce succès, Philippe le Bel réorganise à sa sauce le pouvoir papal. Rome est bien trop loin pour qu’il puisse avoir la main-mise sur le souverain pontife: il fait donc installer le Saint-Siège en Avignon, où il restera un siècle. Roi de France 1 – Papauté 0
Dans son élan, Philippe s’attaque à l’Ordre des Templiers. Les Soldats du Christ ont amassé une petite fortune depuis deux siècles alors que les caisses de l’Etat restent désespérément vides… La suite, on la connaît: il fait arrêter tous les Templiers, les torture, et leur fait avouer à peu près tout et n’importe quoi: hérésie, blasphème, sodomie et j’en passe. C’est quand même très pratique, la torture. Après un procès inique, le grand maître de l’Ordre Jacques de Molay est condamné à mort. Selon Maurice Druon, alors qu’il brûlait sur le bûcher, Jacques de Molay se serait écrié:
« Pape Clément, chevalier Guillaume de Nogaret, roi Philippe, avant un an, je vous cite à comparaître au tribunal de Dieu. Maudits, vous serez tous maudits, jusqu’à la treizième génération de vos races!«
Mouais… Un peu trop romancé pour être vrai si vous voulez mon avis! En attendant, Philippe le Bel marque un point. Philippe le Bel 1 – les Templiers 0.
Mais quand éclate le scandale de la Tour de Nesle un mois plus tard, on ne peut s’empêcher de penser que la malédiction a déjà commencé…
La TOur de Nesle et le Pont Neuf
L’affaire de la Tour de Nesle a de quoi faire parler dans les chaumières et enflammer les imaginations de générations successives d’écrivains. Imaginez un peu la scène: les trois belle-filles du roi qui sont convaincues d’adultère! Voilà de quoi faire les choux-gras de la presse people de l’époque. Seule Jeanne parvient à s’en tirer sans trop de dégâts, elle qui n’a finalement fait que couvrir les écarts amoureux de ses belle-sœurs. Elle sera envoyée au couvent. Blanche et Marguerite n’auront pas cette chance et finiront leur vie au fin fond d’une geôle sordide de Château-Gaillard. Le sort des deux amants, les frères d’Aunay, n’est guère plus enviable: émasculés, torturés, écorchés et jetés aux chiens. Circulez, y’a rien à voir. Philippe le Bel 1 – les brus infidèles 0
Les conséquences de ce « fait divers » sont très lourdes: privés d’épouses, les trois fils de Philippe le Bel, qui règneront chacun leur tour, (Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel) n’auront pas de descendance. La voie est ouverte à des querelles familiales sans fin pour l’héritage du trône… c’est le début de la Guerre de 100 ans.
Nous sommes en 1328, Charles IV le Bel vient de mourir sans descendance: la magnifique lignée commencée par Hugues Capet 350 ans plus tôt prend fin subitement. Le « miracle capétien » appartient au passé. La couronne de France ayant besoin d’être sur la tête de quelqu’un, les Seigneurs se réunissent et se mettent d’accord pour propulser sur le trône Philippe VI, cousin germain de Charles IV. Il inaugure par la même occasion une nouvelle branche dynastique: les Valois.
Mais un autre candidat compte bien faire entendre sa voix… En effet, Philippe le Bel avait une fille, Isabelle, qui s’est mariée au roi d’Angleterre Édouard II. Le fils qu’elle a de lui, Édouard III, est non seulement l’héritier du trône anglais, mais également le petit-fils de Philippe le Bel! À ce titre, il considère avoir une bien plus grande légitimité que Philippe VI… ce qui, pour des raisons dynastique complexes que nous n’exposerons pas ici, est fortement discutable…
Sus à l’Anglais!!!
Depuis 1152 et le mariage d’Henri Plantagenêt avec Aliénor d’Aquitaine qui apporta à l’Angleterre la Guyenne (immense région formée grosso modo par tout le sud-ouest de la France), on sent que le conflit est inévitable. Aujourd’hui, nous y voilà… L’affrontement entre Philippe VI et Edouard inaugure plus d’un siècle de batailles épiques, de roi fou, de trahisons, de guerre civile, de bergère s’improvisant chef de guerre… cette Guerre de Cent ans nous réservera bien des surprises!
Lire la suite: [partie 4, la Guerre de Cent ans]
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Soyons sérieux, l’histoire de la Tour de Nesle est une fable qu’il faut être très naïf pour croire. Qu’une future reine de France entretienne une liaison extra-conjugale n’est pas crédible une seule seconde. Une dame de cette condition est en permanence entourée de dames d’honneur, de dames de chambre, d’espions et j’en passe. Elle ne pourrait pas aller pisser sans que des dizaines de personnes en soient aussitôt au courant.
Cette histoire d’adultère a été montée de toutes pièces.
Marguerite: 25 ans, n’a eu qu’une seule fille en 10 ans de mariage avec le dauphin.
Blanche, 18 ans, pas d’enfants depuis 6 ans qu’elle est mariée avec Charles.
Jeanne, 23 ans, mariée depuis 8 ans à Philippe avec qui elle a eu 4 filles.
Aucun garçon mâle ne se profile à l’horizon! L’affaire à de quoi inquiéter en plus haut lieu, d’autant que Philippe le Bel est en mauvaise santé. Il attend un petit-fils depuis plus de 10 ans et aucune de ses 3 brus n’a été capable de lui en offrir un.
Leur destin est scellé… L’affaire des amants est montée de toutes pièces pour les discréditer et éviter une procédure de répudiation longue et incertaine.
Une théorie fort intéressante.
La théorie du complot ne date donc pas d’hier! 🙂
C’est plus court que d’habitude, ce n’est pas pour me déplaire…
🙂
Cette histoire de France est à mettre entre toutes les mains.
Pour info, Isabelle, la fille de Philippe le Bel, jouissait d’une réputation détestable.
Elle s’est liguée contre son mari Édouard II avec des nobles anglais et le fait mettre à mort. Elle s’affiche ensuite tranquillement aux bras de son amant Roger Mortimer.
Quand Edouard III arrive au pouvoir, il en a assez des frasques de sa mère. Il fait arrêter Isabelle et Mortimer. Malgré l’intercession de la reine (« Beau fils, grâce pour le gentil Mortimer! »), Mortimer est condamné sans procès et ignominieusement pendu à Tyburn – où sont exécutés la plupart des condamnés de droit commun – le 29 novembre 1330 ; ses vastes possessions reviennent à la couronne. Son corps reste suspendu au gibet deux jours et deux nuits entiers, à la vue de tout le peuple.
Il est admis que la chute d’Isabelle ait 5 raisons principales:
– usurpation
– dilapidation des revenus de la couronne
– liens avec Mortimer
– exécution de son beau-frère le comte de Kent
– paix honteuse avec l’Écosse.
Retirée de la vie publique, elle meurt en 1358 à l’age de 50 ans.
A votre service 🙂
Je déteste les histoires de France! C’est toujours trop succinct, on survole les époques sans jamais vraiment rentrer dedans.
Ca serait un peu comme regarder le Trone de Fer en version accélérée: on y perdrait tout le charme de ce qui fait la série!
Là, c’est pareil.
C’est vrai que balayer les époques à la vitesse de la lumière peut parfois être frustrant. On est obligés de faire l’impasse sur énormément de détails intéressants…
Mais l’intérêt de l’exercice est ailleurs. Il permet d’avoir une vision macroscopique sur les événements et de voir l’évolution des mentalités à travers les siècles.
C’est la 1ere fois que je lis l’histoire de France de A à Z, et j’ai carrément envie de connaître la suite!!