[Enquête] L’origine du sapin de Noël
Quelle étrange tradition, quand on y pense, que de poser et décorer un arbre mort au milieu de son salon! Encore un coup du lobby des bûcherons qui a fait de ses pieds et de ses mains pour imposer la tradition du sapin de Noël et s’en mettre plein les fouilles, j’en suis sûr!
…
Ah, non, mince, on me dit dans l’oreillette que c’est pas du tout ça.
(j’aurais parié, pourtant)
Alors c’est parti pour la réponse à la grande question que tout le monde se pose en cette période de Noël: par quel prodige la tradition nous impose-t-elle des sapins dans nos foyers?
En fait, même les plus grands spécialistes sur la question (oui, ça existe) ne sont pas d’accord entre eux. Les uns pensent que cette tradition remonte aux temps obscurs du paganisme scandinave, d’autres aux Gaulois, d’autres encore y voient une origine bien plus récente datant « seulement » de la Renaissance.
Bon, en fait, tout ça, on s’en fout.
Parce que des belles histoires, ça vaut parfois carrément mieux que de fades réalités, on va se pencher aujourd’hui sur les deux légendes les plus connues qui expliquent à leur façon la symbolique du sapin de Noël…
La légende de Saint Colomban
Saint Colomban (543 – 615) est un missionnaire chrétien qui parcourt l’Europe pour prêcher la bonne parole aux mécréants. Un soir de Noël, lassé – que dis-je, écœuré! – de constater à quel point la population est indifférente à l’anniversaire de la naissance de Jésus-Christ, il a une idée de génie.
Déterminé à marquer définitivement les esprits, il grimpe au sommet d’une colline qui surplombe le village de Luxeuil, dans les Vosges. Là, trône un sapin séculaire, immense et majestueux, que les habitants vénèrent au cours d’obscurs rites païens, ce qui énerve notre Saint homme au plus haut point.
Pris d’une pulsion frénétique, Saint Colomban accroche de nombreuses torches aux branches de l’arbre et parvient même à faire tenir une immense croix à son sommet.
Magnifique! Les torches brûlent dans la nuit et créent un spectacle magnifique. Les villageois, en contre-bas, ne s’y trompent pas. Attirés par ces étranges illuminations, ils arrivent par dizaines au pied du sapin. Là, ils sont accueillis par un Saint Colomban tout sourire qui se fait un plaisir de leur prêcher une énième fois l’enseignement de Jésus-Christ.
Et ce coup-ci, ça marche !
(ce que ça peut être con un villageois, des fois)
(foutez-lui deux-trois illuminations et il gobe tout ce que vous lui dites)
Et c’est ainsi que, d’années en années, la tradition perdurera jusqu’à aujourd’hui!
Belle histoire, n’est-ce pas?
…
Vous n’y croyez pas ? Mouais, moi non plus, en fait… Mais bon, elle est jolie et mérite qu’on en parle.
(et puis, si vous habitez Luxeuil et que vous faites une balade en forêt, vous aurez l’occasion d’étaler votre culture à moindre frais)
(ne me remerciez pas)
Pour les plus sceptiques d’entre vous, on va tenter une deuxième explication beaucoup plus crédible.
(enfin presque)
Sapin vs. Chêne: La légende du chêne de Thor
VIIe siècle après Jésus-Christ. Dans le petit village de Fritzlar situé au cœur de ce qui deviendra plus tard l’Allemagne, un chêne gigantesque est élevé au rang de divinités par les tribus germaniques. Ben oui, on connaît le respect qu’ont les Germains envers toutes les merveilles de la Nature, et particulièrement des arbres: qu’on se rappelle d’Yggdrasil, l’arbre gigantesque qui soutient les neuf Mondes au bout de ses énormes branches dans la mythologie scandinave!
C’est donc sans surprise que la population locale voit en ce chêne séculaire l’arbre de Thor, le célèbre fils d’Odin qui contrôle la foudre à l’aide de son gros marteau. Qu’on abîme le moindre centimètre carré de son écorce, que l’on arrache la moindre de ses branches, et on s’attire à coup sûr la malédiction du Dieu du Tonnerre!
An de grâce 723. Un missionnaire chrétien nommé Saint Boniface arrive dans la région pour convertir cette bande de « Barbares » au christianisme. Le bougre a pas mal de boulot! Difficile pour lui de faire entendre la bonne parole et de prêcher l’existence d’un Dieu unique dans une population qui croit dur comme fer aux légendes mythologiques…
Comme Saint Colomban, il lui faut marquer les esprits une bonne fois pour toute… C’est ainsi qu’il décide de s’attaquer à un symbole fort… le chêne de Thor!
Sous les yeux effrayés des villageois réunis autour de l’arbre, Saint Boniface s’arme d’une hache et commence minutieusement la coupe du tronc sacré.
– Nooooon! Ne fais pas ça, étranger! Tu vas tous nous faire foudroyer sur place!
– Peuh, bande de crétins ignares, votre Dieu Thor n’existe pas! Je m’en vais vous le prouver sur le champ!
Déjà les rangs des spectateurs se sont éclaircis, la plupart d’entre eux ayant pris leurs jambes à leur cou pour ne pas être mêlé à cet odieux sacrilège. Mais bon, un pécore, ça reste un pécore et il y a peu d’animations, en général, dans le coin. Du coup, ils observent quand même la scène de loin, histoire de pas rater le moment qui s’annonce très rigolo où Saint Boniface se prendra un éclair divin dans la tronche.
Ils attendent, ils attendent…
Saint Boniface, au bout d’une demi-heure, a enfin terminé le boulot, et l’arbre tombe lourdement dans la neige.
Et les pécores attendent, attendent…
Mais Thor ne manifeste toujours pas son courroux.
Aussi étrange que cela puisse paraître, la colère de Thor et le coup de tonnerre tant attendu n’eurent en fait jamais lieu…
(ah ben ça alors, tu ne t’y attendais pas à celle-là, je suis sûr)
C’est ainsi que Saint Boniface parvint à faire abandonner leurs anciennes idoles aux peuples germaniques et à leur faire épouser la religion chrétienne… Comme le respect est mort et enterré depuis longtemps, il ordonne même dans la foulée que le bois du chêne sacré serve à l’édification d’une chapelle dédiée au culte de Saint Pierre!
(y’a des baffes qui se perdent)
Et le sapin, dans tout ça? Ben, au fil des siècles, le chêne a été lentement remplacé par le sapin, parce que ça coûte moins cher.
(ou un truc du genre)
(mais bon, je vous rappelle que c’est une LÉGENDE, hein, faut pas chercher de la logique partout)
Et en vrai ?
Bon, allez, faisons un petit tour du côté de l’Histoire, la vraie, pour clore cet article en beauté.
Il semblerait qu’en Alsace, au début du XVIe siècle, la tradition voulait que l’on coupe des branches de sapin quelques jours avant Noël pour décorer la table de fête.
Pourquoi?
On n’en sait rien, mais c’est comme ça.
(commence pas à m’embêter avec tes questions à la noix, toi)
Puis, cette tradition évolue avec le temps et, en 1605, on trouve dans un document d’époque le passage suivant:
Pour Noël, il est d’usage, à Strasbourg, d’élever des sapins dans les maisons ; on y attache des roses en papier de diverses couleurs, des pommes, des hosties coloriées, du sucre, etc.
(ah, enfin un document HIS-TO-RI-QUE sur lequel se raccrocher, ça fait plaisir!)
Ainsi naquit, apparemment, la tradition de l’arbre de Noël… Puis, en 1738, Marie Leszczynska, l’épouse de Louis XV, en aurait fait installer un dans le château de Versailles. La nouvelle fait le tour de tous les magazines people de l’époque et tout le monde veut bientôt son sapin chez soi pour être dans le coup.
(sur ce dernier point, vous n’êtes pas obligés de me croire)
Conclusion
Tout comme la fête des mères, la tradition du sapin de Noël est ancestrale et n’est donc pas un coup de comm’ de GAMM’VERT pour nous refiler des vieux arbres tout moches à prix d’or.
On pourra donc déposer tous nos cadeaux au pied de notre magnifique sapin sans se poser de cas de conscience!
(et Joyeux Noël à tous, bien sûr !)
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Plus précisément, la tradition de faire entrer de la verdure permanente dans les maisons en hiver était liée au désir de vite revoir le printemps (le gui et le houx remplissaient aussi cette fonction). Les romains ornaient leur maisons de branches cueillies dans les bois de la déesse Strennia (d’où le nom d’étrennes) aux alentours du premier de l’an et c’est sûrement cette tradition qui a poussé les alsaciens à la perpétrer.
Le sapin de Marie Leszczynska, puis d’Hélène de Mecklembourg (bru de Louis-Philippe) n’ont guère convaincu à l’époque. Après la guerre de 1870, les réfugiés de l’Alsace -Lorraine annexée étaient nombreux en France et ils avaient gardé l’habitude d’orner leur maisons à Noël. Les autres français les imitèrent par solidarité envers les provinces perdues.
L’habitude du sapin de Noël était aussi très répandue en Allemagne, et le prince germanique Albert l’importa en Grande-Bretagne (et par extension, dans les pays anglo-saxons) après son mariage avec la reine Victoria.
Merci pour les compléments. Je suis tjrs sidéré par la culture de certains…
Ahah, j’adore !
qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son, mais quand toutes les cloches sonnent à la fois, qu’est-ce qu’on se marre !!!
Le plus ancien texte parlant d’un sapin à Noël se trouve dans un livre de comptes de la ville de Sélestat (Bas-Rhin) en 1521. Cinq autres mentions existent aussi dans ce même registres et sur d’autres supports ou chroniques, en particulier une chronique de Balthazar BECK, témoin de premier ordre puisqu’il était l’échanson de la ville. Voici cette mention, extraite d’un de mes articles :
Un témoin de premier plan.
Balthazar BECK (1580-1641).
Pour des raisons ignorées Balthazar, né à Heroldingen (Bavière), arrive à 17 ans chez son oncle Leonhart Hassenmeyer et son épouse Appolonie qui tiennent alors l’auberge Au Bouc à Sélestat, l’adoptent et veulent l’envoyer en France pour apprendre la langue.
Mais il n’alla pas plus loin que Ribeauvillé où il travaille à l’auberge de La Fleur tenue par Jean Eberhard de la Noël 1599 jusqu’à la Saint-Jean de 1600. Retour à Sélestat, il obtient le poste d’échanson (maître d’hôtel) à la Herrenstübe qu’il gardera jusqu’en 1609.
Cette année-là, il épouse Ursule Reichart, achète une maison et le droit de bourgeoisie, devient Unterkäufer (acheteur) à la douane et ensuite receveur de l’Hôpital des Pauvres jusqu’à sa mort.
Il eut 5 enfants avec Ursule et encore 4 de deux autres unions.
Il laissera à la postérité une très intéressante chronique en allemand conservée aux Archives de la ville, sorte d’éphéméride où il nous parle de cette période troublée par les procès de sorcellerie, les débuts de la Guerre de Trente Ans, l’occupation Suédoise et l’entrée des troupes françaises en 1634, et nous détaille les divers menus de banquets officiels auxquels il a assisté ou participé.
C’est dans ce document qu’il nous livre la mention plus importante concernant la décoration du sapin de Noël. Témoin de premier plan, comme maître d’hôtel du Magistrat, il décrit comment il était alors décoré en 1600. Voici le texte :
« Comment on dresse les mais (sapins) – De même le soir de Noël les gardes forestiers apportent les mais. La nuit les messagers, les courriers et les sergents aident l’échanson à le dresser et à le décorer avec des pommes et des hosties. Ce que l’échanson dépense pour l’achat de pommes et autres, on le lui rembourse à la douane. Le cuisinier lui donnera une bouteille de vin, six livres de pain et des lumières. Jusqu’au début de la messe, ils se rendent aux domiciles des membres du Magistrat munis de lampes à poix et de torches et ils les accompagnent pour l’aller et le retour de la messe. »
Un sapin, dressé et décoré, restera dans la salle de la Herrenstübe jusqu’à la fête de l’Épiphanie où est consommée une galette contenant une fève servant à désigner le roi de la fête. Après cela les enfants des magistrats, des conseillers de la ville et des employés sont convoqués pour secouer les arbres de Noël et les dépouiller de leurs décorations et gourmandises. C’est le premier texte où la décoration du sapin est ainsi évoquée.
Jean-Pierre BERNARD – Sélestat – Correspondant de presse DNA.