Vincent Van Gogh, ou le destin tragique d’un fou génial (ou d’un génie fou)
Après Manet, on continue notre exploration de la vie des grands peintres avec Vincent Van Gogh (VVV pour les intimes). Ah! Van Gogh! Ses nuits étoilées tourbillonnantes, ses mangeurs de patates sinistres, ses tournesols étincelants… mais aussi ses frasques amoureuses, son existence fiévreuse et sa folie destructrice!
Ce que vous apprendrez…
- Que Van Gogh, avant d’être peintre, était un évangéliste chevronné qui donnait de sa personne pour convertir ses ouailles!
- Que Van Gogh était un génie illuminé (ou un illuminé génial, c’est selon).
- Qu’il s’est coupé l’oreille en présence de son ami Paul Gauguin, dans des circonstances étranges…
C’est parti!
Vincent Van Gogh naît le 30 mars 1853 aux Pays-Bas. Son père est le pasteur de sa petite paroisse et Vincent reçoit donc une éducation puritaine, en fils aîné d’une fratrie de six enfants. Déjà, son caractère renfermé et taciturne inquiète ses parents. Si encore il était doué pour les études! Mais ses résultats scolaires sont médiocres et on se demande bien ce que l’on pourra faire de lui.
La peinture, c’est un peu une tradition familiale chez les Van Gogh qui sont négociants en art et possèdent de nombreuses galeries depuis plusieurs générations. Mais eux, en bons commerçants, considèrent surtout les tableaux pour leur valeur marchande… Et c’est ainsi qu’à 16 ans, pistonné par un de ses oncles, le jeune Vincent atterrit chez Goupil, une des nombreuses succursales située à La Haye. Pendant cinq ans, il est un employé modèle, prêt à tous les dévouements pour faire tourner la boutique. À tel point qu’on lui propose bientôt de l’avancement en l’envoyant dans la succursale de Londres.
Ah! Londres! La capitale britannique plaît beaucoup à Van Gogh qui s’empresse d’acheter un magnifique chapeau haut-de-forme pour se fondre dans le décor! Il a maintenant 21 ans et est bien parti pour épouser une belle et longue carrière de marchand d’art.
Une étincelle du nom d’Ursula
Hélas, tout au fond de lui bout un feu intérieur. Il suffirait d’une étincelle, d’un rien, d’un geste, pour allumer le feu intérieur du futur peintre. Cette étincelle, c’est la fille de sa logeuse, au doux nom d’Ursula, qui va l’allumer. Vincent en tombe éperdument amoureux… Dans un premier temps, Ursula ne repousse pas les avances du jeune homme, lui laissant même espérer un amour absolu et éternel… Le jeune Vincent s’investit corps et âme dans ce qu’il croit être le grand amour de sa vie. Erreur classique du débutant! L’amour, son bel amour, il ne vaut pas bien cher contre un calendrier… Quand Ursula lui annonce, un sourire narquois aux lèvres, qu’elle est en réalité fiancée avec le locataire précédent, il est ébranlé jusqu’au plus profond de son être et part complètement en vrille…
Plus de travail qui tienne! Puisqu’ Ursula ne veut pas de lui, il abandonne sa carrière pourtant prometteuse et décide de consacrer sa vie entière à… Dieu. Une réaction excessive, certes, mais VVV, on le verra aussi par la suite, est l’homme de tous les excès. Il devient un fervent lecteur de la Bible, assiste à toutes les messes de sa paroisse et engage même les démarches nécessaires pour devenir pasteur, comme papa. Dans une lettre qu’il écrit à son frère Théo, il exprime son désir sans ambiguïté: « Je veux consoler les humbles. Je ne suis pas seul, car Dieu est avec moi. Je veux être pasteur. Pasteur comme mon père… »
Ainsi soit-il… Papa, justement, a la larme à l’œil quand il apprend la nouvelle vocation de son fils.
Vincent Van Gogh l’homme d’église
Et c’est ainsi que, soutenu par sa famille, le jeune Van Gogh assiste durant plus d’un an à des cours de théologie. Durant quelques semaines, il se passionne pour la lecture des textes sacrés, mais l’ennui pointe rapidement le bout de son nez… Il se rend compte qu’il est un homme d’action et rester assis pendant des heures à potasser des bouquins est à des années-lumière de la façon dont il veut vivre sa foi! Sans surprise, il rate l’examen final, persiste encore un peu mais, en début de deuxième année, plaque tout et abandonne l’idée de devenir pasteur. Pasteur? Non, c’est pour les fainéants. Lui sera missionnaire.
Vincent Van Gogh le missionnaire
Et c’est parti pour un stage pratique de trois mois dans une école évangéliste de Bruxelles. Là, enfin, il a l’impression d’avoir trouvé sa voie. À peine sorti du centre de formation, il commence une mission d’évangélisation, non pas en Afrique mais… en plein cœur de la Belgique! Il va à la rencontre des ouvriers à la sortie des mines et initie patiemment un long travail de persuasion.
– L’entends-tu, mon frère, la parole de Dieu?
– J’entends surtout mon ventre qui gargouille et mes gamins qui chialent parce qu’ils crèvent de faim, conn**!
Les débuts sont difficiles… Mais, Vincent Van Gogh gagne peu à peu le respect du milieu ouvrier. C’est qu’il ne ressemble pas à tous les autres prédicateurs et ne se contente pas de faire de beaux discours! Il descend dans la mine, à plus de 500 mètres de profondeur, pour mieux comprendre les conditions de travail abominables. On raconte même qu’il aurait sauvé un mineur d’un coup de grisou… quel héros, ce Van Gogh!
Mais cet excès de zèle n’est pas du goût du comité d’évangélisation, qui considère que ce drôle de prédicateur est légèrement perturbé… et on lui retire sa mission six mois plus tard. « On le prenait pour un fou, et c’était peut-être un saint… », aurait déclaré un pasteur qui le connaissait bien.
Missionnaire? Ah bah non, en fait
Nouvel échec pour Vincent, nouvelle remise en question. Il sent bien au plus profond de lui qu’il n’est pas comme les autres hommes. Peut-être même est-il promis à un destin exceptionnel? Mais comment trouver sa voie? Et, en attendant, que faire? Sans un sou, sa famille lui ayant tourné le dos, il traîne ses loques à travers les routes de Belgique et vit comme un vagabond.
Depuis l’enfance, Vincent aimait dessiner. Et il dessinait plutôt bien. Se pourrait-il…
En 1880, âgé de 27 ans, il prend une décision qui changera sa vie à tout jamais: il sera artiste. Et Van Gogh, on l’a vu, n’est pas homme à faire les choses à moitié! Il déménage aux Pays-Bas et se lance dans l’apprentissage des techniques picturales avec la même ferveur que durant sa vie d’homme religieux. En témoigne un courrier qu’il envoie en 1883 à son frère Théo, d’une lucidité terrifiante:
« Considérant le temps que j’ai devant moi pour travailler, je pense pouvoir admettre que mon corps supportera encore un certain nombre d’années, mettons six à dix. »
… il mourra sept ans plus tard (mais n’anticipons pas).
Naissance d’un génie
En 1885, presque en même temps que la sortie de Germinal d’Emile Zola, il produit le plus grand chef d’œuvre de sa période dite hollandaise: Les Mangeurs de pomme de terre. Il considère maintenant qu’il n’a plus rien à apprendre. Il quitte les terres froides et sombres des Pays-Bas pour le soleil et les couleurs éclatantes de la Provence.
« La marche de Van Gogh vers le sud est une marche vers la lumière, vers le Dieu-Soleil » écrit justement Henri Perruchot. La noirceur des tableaux de la période hollandaise fait place aux jeux de lumière et à la liberté de ton de l’impressionnisme. Même son caractère, d’habitude si sombre et renfermé, s’éclaircit.
Après un bref séjour à Paris durant lequel il côtoie tous les artistes du moment (Pissarro, Monet, Toulouse-Lautrec et, bien sûr, Paul Gauguin auquel il se lie d’une vraie amitié), il s’établit en Arles. Il a alors 35 ans. Il ne le sait pas encore, mais il ne lui reste plus que deux années à vivre. Deux ans qui révolutionneront le monde de l’art à tout jamais…
Vincent Van Gogh peint continuellement. Du matin au soir, il peint. Il étale les couleurs sur sa toile avec une frénésie maladive. Champs de blé, cerisiers en fleur, mer Méditerranée,… la nature lui offre un terrain d’expérimentations infinies.
« Cette semaine, je n’ai absolument rien fait que peindre et dormir et prendre mes repas. Cela veut dire des séances de douze heures, et puis des sommeils de douze heures, d’un seul trait aussi», écrit-il une nouvelle fois à son frère Théo. Simple passion pour la peinture, ou plutôt compulsion obsessionnelle nécessaire pour faire taire ce mal aussi sournois que malfaisant qui le ronge de l’intérieur…
Une folie destructrice
En cette fin d’année 1888, il demande à son ami Gauguin de venir le rejoindre. Le travail en solitaire lui pèse sur le moral, et il voit en Gauguin un soutien inespéré, une manière de partager ses expériences et sa passion.
Mais, à peine Gauguin rejoint-il Van Gogh que les deux hommes vont de dispute en dispute. Deux mois après son arrivée, le 23 décembre 1888, une dispute plus violente que les autres tourne mal. Gauguin s’enfuit. Van Gogh est retrouvé le lendemain matin dans son lit baignant dans son sang. Que s’est-il passé? La thèse qui sera défendue par Van Gogh est qu’il s’est emparé d’un rasoir et en a menacé Gauguin. Ce dernier s’est enfui et, dans un accès de folie, Van Gogh retourna l’arme contre lui, en se sectionnant le lobe gauche.
Plausible? Peut-être… mais certains historiens de l’art penchent plutôt vers une autre théorie: c’est Gauguin lui-même qui se serait emparé de l’arme et aurait mutilé Vincent. Van Gogh n’aurait plaidé la folie que pour protéger son ami…
Difficile de démêler le vrai du faux dans cette affaire sordide, mais toujours est-il que l’équilibre nerveux du peintre est dès lors définitivement ruiné… Van Gogh multiplie les crises de démence: il mange les couleurs sur sa palette, menace le docteur Gachet de son revolver, est victime d’hallucinations auditives et visuelles… mais le plus étrange reste qu’il est incroyablement lucide entre deux crises, luttant désespérément contre lui-même et tâchant de garder la raison. Cette période de lutte contre sa propre folie est aussi celle où il produit ses plus belles œuvres. Volutes colorées, spirales majestueuses… la nature se disloque sous son pinceau en des convulsions tourbillonnantes.
Mais petit à petit la palette du peintre s’assombrit. Sent-il sa fin proche? Le jaune solaire dont il sait si bien saisir l’éclat laisse place à des couleurs plus sombres, plus mélancoliques. C’est le moment qu’il choisit pour entamer sa remontée dans le nord de la France. « Dans une effusion mystique de tout l’être, il adhérait au cosmos, qu’il cherchait, avec violence, à exprimer dans sa redoutable et inhumaine nudité », dixit Henri Perruchot. Une « adhésion au cosmos »… Ça paraît un peu too much, mais l’idée est là…
Dans cette période de souffrance intérieure intense, Van Gogh continue à peindre comme un diable. Pour fuir ses angoisses, pour combler un vide.
Le 27 juillet 1889, à 37 ans, il se suicide d’une balle dans la poitrine. Son agonie durera 36 heures. À son cher frère Theo venu le rejoindre en urgence, il murmure:
– C’est inutile, la tristesse durera toute la vie.
Puis après, souffre et meurt sans parler.
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Il y a quelques semaines, l’Express avait publié une photo où apparaissait sur la même photo Van Gogh et Gauguin.
Pour ceux que ça intéresse: http://www.lexpress.fr/culture/art/inedit-van-gogh-et-gauguin-reunis-sur-une-photo_1676304.html
Je vous en prie 🙂
La « folie » de Van Gogh était en réalité une simple forme d’épilepsie, maladie que les médecins ne savaient pas maitrisée à l’époque.
Ca explique tout: son comportement étrange, le fait qu’entre deux crises il était sain, et les questions existentielles qu’il se posait (il devait vivre ça comme une malédiction).
Cette épilpsie était certainement couplé avec une forme d’hyper-activité.
Je confirme, Van Gogh était bien atteint d’épilepsie temporale. C’est le médecin Henri GASTAUT qui le découvrit au terme d’une longue recherche dans son livre La maladie de Vincent van Gogh envisagée à la lumière des conceptions nouvelles sur l’épilepsie psychomotrice Ann. Méd. Psychol., Paris, 114, 196-238, 1956.
La caractéristique de cette forme d’épilepsie est la succession de période d’euphorie et de dépression. Pour le reste, je ne suis pas médecin et n’oserai pas m’aventurer dans des explications médicales!
Merci pour la « confirmation ».
Etrange que l’article ne le mentionne pas…
Attention, FUN FACT ç replacer en société:
Van Gogh n’a vendu qu’une seule toile de son vivant!
C’est seulement après sa mort qu’il a joui d’une notoriété posthume (c’te belle jambe)
Ca s’explique sans doute par le fait qu’il est mort très jeune, et qu’il apeint la majeure partie de ses tableaux durant les deux dernières années de sa vie.
Quand il n’y a pas d’internet ni de réseaux sociaux, il faut du temps pour devenir célèbre!
Pour résumer, on distingue 6 périodes dans la vie d’artiste de Van Gogh:
L’AUTODIDACTE: Il copie des oeuvres connues, comme le semeur de Jean-François Millet par exemple. Il vit d’abord à Bruxelles puis à La Haye
Conflit avec sa famille
NUENEN (Hollande):
Il aborde une certaine forme de « naturalisme » que Zola n’aurait pas renié. Paysans et mineurs sont ses principales sources d’inspirations.
Ca va mieux avec sa famille, mais son père meurt en mars 1885. Il quitte donc la Hollande et s’installe à Anvers pendant 4 mois, avant de partir à Paris.
PARIS: il y arrive en 1886. Il se lie d’amitié avec plein d ‘artistes (beaucoup d’impressionnistes, même si lui-même ne l’était pas). Sa palette devient plus colorée. Ne pouvant payer ses modèles, il effectue de nombreux autoportraits (il ne faut donc pas voir cela comme du narcissisme!)
Il se prend de passion pour les estampes japonaises, et cherche encore son style.
ARLES: Arrivée le 20 février 1888 et départ pour l’asile de Saint-Rémy le 8 mai 1889. Il s’installe dans sa célèbre « maison jaune ». Le jaune est d’ailleurs sa couleur fétiche que l’on retrouve dans nombre de ses tableaux.
En 15 mois, il peint plus de 200 toiles!
Il fait un bref séjour à Saintes-Maries-de-la-Mer pour peindre… la mer!
Gauguin arrive le 23 octobre 1888, et repart le 23 décembre après le drame que ‘on connaît (cf. l’article ci-dessus)
SAINT-REMY: interné à l’asile du 8 mai 1889 à mai 1890, il est autorisé à peindre 1 semaine après son arrivée. Nuit étoilée, Omliveraie, Les blés jaunes,… datent de cette époque.
AUVERS SUR OISE: Il quitte l’asile en mai 1890 et remonte dans le nord à Auvers-sur-Oise (environ 40 kilomètres au nord de Paris) Il continue de peindre sans cesse: en moins de 2 mois, il peint 70 toiles!
27 juillet 1890: suicide de l’artiste…
J’espère que ce petit résumé sera utile à certains…
En fait, c’est exactement 37 auto-portraits qu’il peint 😉
Je suis tombé sur votre site après qu’un ami m’en ait dit beaucoup de bien.
Je suis déjà fan…
Je vous laisse, j’ai du pain sur la planche pour rattraper tout mon retard!
Cool j’aime bien Van Gogh
Vous évoquez le docteur Gachet dans la période arlésienne de Vincent, or Gachet vivait à Auvers sur Oise…
Vous mélangez les périodes : Vincent ne peut pas avoir menacé le docteur Gachet pendant qu’il etait à Arles, puisque Gachet vivait à Auvers sur Oise… et que Vincent n’a donc fait sa connaissance qu’en 1890…