Vae Victis et les Oies du Capitole: quand Rome se prend une belle raclée par les Gaulois
Préambule
La porte principale de la forteresse s’ouvrit lentement, provoquant un long couinement qui alerta immédiatement le poste avancé. Les hommes, crispés, sentirent que l’issue finale des sept longs mois de siège était en train de se profiler. À moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau piège de l’ennemi?
Dans la pénombre de ce début de soirée, trois ombres blanches, au loin, claudiquaient sur le chemin. Brennus fit un signe de tête à son meilleur soldat, qui s’éclipsa sans bruit prévenir le reste du camp. Les ombres blanches s’approchaient en silence. Bientôt, on vit qu’il s’agissait de trois hommes décharnés, habillés de simples voiles blancs, sales et déchirés. Les hommes descendaient péniblement le chemin escarpé qui menait au camp ennemi. Des plénipotentiaires romains, sans aucun doute.
– Nous voulons parler à votre chef, Brennus.
La voix était tremblotante. Le visage émacié, le teint blafard, l’homme qui venait de prendre la parole avait la peau sur les os. Personne au camp n’imaginait que l’état de délabrement des Romains était à ce point avancé. La scène semblait irréelle.
– Je suis Brennus, tonna le chef gaulois avant de marquer un silence. Que voulez-vous, Romains? demanda-t-il en employant le ton le plus méprisant possible.
– Le Sénat nous envoie pour négocier avec vous les conditions du retrait de vos troupes.
– Négocier?
Brennus fit éclater un rire gras et puissant. Ses hommes, tout autour de lui, le fixaient avec attention, prêts à dégainer leurs armes.
– Rome ne recouvrera sa liberté qu’au prix d’un lourd tribut! Va dire au Sénat que j’exige 300 kilos d’or pur, 500 kilos de viande pour nourrir mes troupes et assez de légumes pour remplir 15 charrettes!
Les trois émissaires se regardèrent. L’un d’eux voulut prendre la parole mais ne put retenir un sanglot. Caïus Lupus le prit par la manche et lui souffla un mot à l’oreille. Puis, s’adressant au chef vainqueur:
– Qu’il en soit ainsi, Brennus.
Dès le lendemain, les troupes gauloises investirent la cité de Rome. On fixa une énorme balance à une poutre dans laquelle les Romains versèrent les 300 kilos d’or exigés par le vainqueur. Mais la balance restait désespérément penchée du mauvais côté.
– Brennus, tu nous as demandé 300 kilos d’or. Nous te les donnons, mais ta balance semble déréglée. Es-tu sûr que tes poids pèsent bien 300 kilos?
– Tu me traites de tricheur, Romain?
D’un air menaçant, Brennus sortit son épée de son fourreau. Les Romains firent un pas en retrait, impressionnés par la stature impressionnante du chef gaulois.
– Malheur aux vaincus! (*) s’écria-t-il, en jetant son épée sur le plateau de poids. Voilà tout l’or que vous me devez!
(*) « Vae Victis! » en latin.
La première défaite de Rome…
L’histoire relatée ci-dessus se passe le 13 février -389 et marque la fin de plus d’une année de conflit entre le chef gaulois Brennus et le Sénat romain. Comprenez bien: on parle ici d’une époque où Rome ne s’étend pas encore sur l’ensemble de la Méditerranée, et où les Romains sont encore, grosso modo, un peuple comme les autres.
Les Gaulois n’ont pas de raison particulière d’attaquer les Romains. En quête de pillages et de conquêtes, ils ont simplement envie d’aller voir ce qui se passe chez leur voisin… À la tête d’une redoutable armée, Brennus marche donc sur la cité. Le Sénat romain panique un peu et lance un appel aux armes à l’ensemble des citoyens. Constituant ainsi une armée de fortune, l’armée romaine sort de la ville et part à la rencontre de l’envahisseur.
La bataille entre les deux armées, dont l’Histoire se rappellera sous le nom de Bataille d’Allia, du nom d’un ruisseau à proximité, a lieu le 18 juillet -390 et marque la victoire écrasante de Brennus. Ce dernier n’a maintenant plus aucun obstacle pour mettre à sac la ville de Rome qui n’est plus protégée par aucune armée! La poignée de Romains restés dans la ville n’a pas d’autres choix que de se barricader sur le Capitole, la partie la plus défendable de la cité, et prier les Dieux qu’on leur laisse la vie sauve. Sans surprise, les Gaulois déboulent sur Rome, et pillent toute la ville. Mais bientôt, voici le Capitole, ils y arrêtent leur pas.
C’est alors qu’a lieu l’étonnant épisode des oies du Capitole – probablement inventé par les Romains pour rendre moins humiliante la défaite infligée! Alertées par les bruits du pillage en contre-bas, les oies se seraient mis à faire un boucan de mille diables qui auraient réveillé les défenseurs du Capitole qui s’étaient endormis. Mouais, si tu crois pas celle-là, je peux t’en raconter une autre…
La stratégie des Romains marche plutôt pas mal, étant donné que l’ennemi est dans l’incapacité de franchir les barricades du Capitole. S’ensuit alors un long siège (plus de 7 mois!) à l’issue duquel les Romains, épuisés et affamés, sont bien contraints d’accepter les conditions désastreuses de Brennus: 100 livres d’or pur (soit environ 300 kilos) et presque autant de nourriture.
Mais ces fourbes de Gaulois (qui, je le rappelle, ne sont pas nos ancêtres!) utilisent des poids truqués lors de la pesée. Devant les protestations romaines, le fier Brennus jette alors sa lourde épée sur la balance en criant une phrase qui traversera les siècles : « Vae Victis! » (« Malheur aux vaincus! »).
Ayant obtenu ce qu’ils désiraient, les Gaulois repartent ensuite dans leur pays natal. Cet épisode traumatisera les Romains pour les siècles à venir, qui auront un esprit de revanche bien marqué durant des décennies…
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500 kilos de viande et 15 charrettes de légumes: à croire que les Gaulois préfèrent la ratatouille aux côtes de bœuf…
Euh… Vous en aviez pas déjà parlé là de cet épisode: http://www.etaletaculture.fr/culture-generale/vae-victis-brennus-a-un-beau-bouclier/
???
C’est pas grave, hein, c’est traité avec deux styles vraiments différents!
Mince, je l’avais complètement zappé celui-là!
Bon ben c’est pas grave, ça fait deux articles pour le prix d’un.
LOL
C’est marrant comment le style a changé en 3 ans… (moi je vous connais depuis 1 an seulement environ mais j’aime bien relire les archives du site)
Je me suis laissé dire qu’en revenant en Gaule, Brennus tomba dans une embuscade tendue par les Romains et prit une »branlée » à ne plus pouvoir parler… Le Chef des Romains serait revenu à Rome en triomphateur et en brandissant le bouclier de Brennus, d’où…
Mais non ! Le »Bouclier de Brennus » gagné par le champion de France du Rugby n’est pas celui de Brennus le Gaulois. Il s’agirait du nom de l’artiste qui a dessiné et sculpté le vrai bouclier à la demande du Baron de Coubertin… Mais tout cela est sans garantie. Qu’en est-il … ???
C’est bien ça, Brennus n’a rien à voir avec le bouclier de Brennus.
…
…
(elle est bizarre ma phrase)
« Depuis un siècle, Rome étendait lentement mais sûrement son influence sur le Latium. Elle venait à peine, grâce au dictateur Camille, de soumettre Véies, où se concentrait la résistance étrusque, quand se présentèrent à ses portes les hordes gauloises de Brennus.
Établi dans la plaine du Pô depuis environ 400 av. J.-C., le chef gaulois connu sous le nom de Brennus lance un raid contre Rome. La résistance est inexistante et, le 16 juillet 390 av. J.-C., les barbares sont dans la ville, où ils ne rencontrent que quelques patriciens chenus…
Finalement, après avoir mis à sac le Capitole, Brennus et ses Gaulois quitteront Rome au prix d’un lourd tribut, versé dans le bouclier de Brennus. Rome se relèvera cependant rapidement de cet épisode et mettra moins de trente ans à rétablir son hégémonie sur le Latium. »
C’est bien, tu maîtrises l’italique et le copier-coller. Je suis fier de toi.
Sauf que le coup de l’or dans le bouclier est totalement faux, comme dit plus haut par Eurosix, le bouclier de Brennus (trophée de rugby) n’a rien à voir avec cet épisode historique.
Merci !!!!
Mais les Celtes-Gaulois ne parlaient-ils pas le gaulois ?
Non mais par ce que <> c’est latin quand même, non?
Mais les Celtes-Gaulois ne parlaient-ils pas le gaulois ?
Non mais par ce que « Vae Victis! » c’est latin quand même, non?
Problème avec l’envoi, excuse me…