Le Mouchoir de Cholet, ou comment transformer les Guerres de Vendée en un succès industriel !
« Hotmilk » (« Chaud Lait »), comme la nomment les jeunes Choletais aujourd’hui! Cette ville moyenne (65 000 habitants) du Maine-et-Loire porte une histoire fantastique, restée souvent dans l’oubli, mais portée par un emblème local qui fait toujours la fierté de la ville: le mouchoir de Cholet.
Rouge, blanc, rouge sur blanc puis blanc sur rouge, ce mouchoir a fait couler un peu d’encre mais surtout des histoires plus ou moins vraies (comme d’ailleurs le drapeau français, la Marseillaise ou encore le 14 juillet: autres histoires…). En tous cas, pas une goutte de sang n’a coulé sur le mouchoir rouge de Cholet tel que nous le connaissons aujourd’hui. Si Cholet est une terre de textile ancienne, le mouchoir était d’abord blanc. Blanc pour en juger de la propreté, blanc pour le Roy, blanc pour le champ de bataille (au cas où…). Pour en juger, il faut se rapporter à la sombre période de la Révolution française.
Lors de la bataille de Cholet en 1793, Henri de la Rochejaquelein ce très jeune chef du parti du Roy pendant la contre révolution, se bat avec une bravoure hors du commun portant trois mouchoirs sur lui: un sur son couvre chef, un sur le cœur figurant le cœur vendéen, et un autour de la taille. Nul dans son armée ne devait le perdre de vue, et tous devaient savoir qu’il était en première ligne sur le front, fidèle à son ordre lancé aux troupes : « Si j’avance, suivez-moi. Si je recule, tuez-moi. Si je meurs vengez-moi! ».
Blessé dans la bataille, le mouchoir se teinte de pourpre, le sang du futur martyr des royalistes dans leur quête de sauvetage de la monarchie. Symbole tragique d’une mort annoncée qui survient le 28 janvier 1794 à proximité de Cholet. Le mouchoir gardera une empreinte rouge indélébile de cette journée macabre, qui le fera entrer dans l’Histoire.
Mais c’est en fait Théodore Botrel, un auteur-compositeur-interprète, qui écrivit et chanta Le Mouchoir rouge de Cholet vers 1900 et popularisa le mythe à travers la France. Cette chanson, inspirée de faits héroïques à l’instar de la Chanson de Roland en son temps, s’arrange de la réalité plus par souci de rimes que d’une intention malveillante. Ainsi la Rochejaquelein devient Charrette. On troque un héros pour un autre mais la commémoration de l’acte de bravoure est là, cette vertu étant humblement partagée par ces deux hommes de qualité.
Cette chanson populaire fait tilt dans l’oreille avisée d’un industriel choletais. Léon Maret appréhende le potentiel « marketing » de ce bout de tissu qu’il peut ressusciter dans ses usines. Mais, nous l’avons compris, bien loin de reproduire un mouchoir identique à celui qu’aurait pu porter notre chef de guerre, c’est un morceau de tissu rouge à bandes blanches, flanqué du blason originel de Cholet « D’azur à la croix d’argent frettée de dix pièces de gueules » qui accouche alors. Produit tout au long du XXe siècle, notamment par d’autres tisserands, il tombe dans la désuétude au début des années 2000. Par esprit de conservation du patrimoine, par nostalgie ou simplement par respect du passé, la mairie décide d’acquérir un métier à tisser pour son musée du textile à la haute cheminée pour continuer à produire cet emblème de la ville.
Faites comme moi lorsque vous irez à Cholet (on ne sait jamais), ne dites pas : « Cholet c’est moche, il n’y a rien à voir! ». Mais en sortant de la visite de ce musée ou de celui des « Guerres de Vendée », achetez un mouchoir de Cholet en vous rappelant que, d’où qu’il vienne, c’est le rouge du sang de nos ancêtres, le blanc du souvenir de notre illustre passé et des armoiries qui ont quand même de la gueule. Si un gentleman a toujours un mouchoir en tissu dans sa poche, pourquoi pas celui-là ?
J’avais acheté, pour ta fête,
Trois petits mouchoirs de Cholet,
Rouges comme la cerisette
Tous les trois, ma mie Annette
Oh ! Qu’ils étaient donc joliets
Les petits mouchoirs de Cholet…
Ils étaient là, dans ma poquette
Dans mon vieux mouchoir blanc… si laid !
Et chaque nuit, la guerre faite
Dans les bois, ma mie Annette
En rêvant de toi, je rêvais
Aux petits mouchoirs de Cholet !
Les a vus, Monsieur de Charette
Les voulut : je les lui donnai…
Il en mit un dessus sa tête
Le plus biau, ma mie Annette
C’était le plus fier des plumets
Le petit mouchoir de Cholet !
Fit de l’autre une cordelette
Pour pendre son sabre au poignet
Fit du troisième une bouclette
Sur mon coeur, ma mie Annette
… Et tout le jour les Bleus visaient
Le petit mouchoir de Cholet !…
Ont visé le coeur de Charette…
… Ont troué… celui qui t’aimait…
Et je vas mourir, ma pauvrette
Pour mon Roy, ma mie Annette ! …
Et tu ne recevras jamais
Tes petits mouchoirs de Cholet !…
Mais, qu’est-ce là, dans ma poquette ?
C’est mon vieux mouchoir blanc… si laid !
Je te le donne pour ta fête
Plein de sang, ma mie Annette,
Il est si rouge qu’on dirait
Un mouchoir rouge de Cholet !
Le Mouchoir Rouge De Cholet, de Théodore Botrel
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Djinnzz
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les armoiries de Cholet ont de la « gueule » c’est certain car elles sont :
d’azur à la croix d’argent frettée de dix pièces de gueules
qui désigne le rouge en héraldique