Le misonéisme est-il bon pour la santé ?
Commençons par les présentations. Voici « misonéisme », un mot que vous découvrez peut-être pour la première fois, représentant l’attitude qui consiste à « rejeter toute innovation et tout changement », dixit le Wiktionnaire.
Le mot a été notamment utilisé par le psychanalyste Carl Jung pour désigner les personnes qui n’étaient pas d’accord avec ses propres théories (proches de celles de Freud avec qui il fut ami).
« C’est cela le misonéisme, écrit-il, une peur profonde, superstitieuse, de la nouveauté. » Typique, dit-il, des « primitifs ».
(sympa pour eux)
Vous pensez qu’un téléphone « ça sert à téléphoner » ?
Vous préférez le bon vieux guide Michelin de 677 pages à la voix rassurante d’un GPS ?
Vous sortez votre encyclopédie Universalis en 36 volumes pour faire des recherches au lieu d’utiliser Wikipedia comme tout le monde ?
Vous préférez le son de votre vieux Walkman auto-reverse à un lecteur mp3 ?
Eh bien… il y a de fortes chances pour que, vous aussi, vous soyez misonéiste.
(pas d’inquiétude pour votre entourage, ce n’est pas une maladie contagieuse)
Bien. Jusque là, les misonéistes sont facilement identifiables. Mais les choses vont vite se corser…
Car qu’en est-il, par exemple, de ce collègue de bureau qui vous dit refuser d’avoir la télévision chez lui, lui préférant la compagnie d’une bonne vieille bibliothèque remplie de livres passionnants ? Est-ce du misonéisme, ou simplement la réaction normale d’un passionné de littérature ?
Et de cette voisine, là, qui refuse de se servir d’un téléphone portable de peur que les ondes lui provoquent un cancer du cerveau ? Misonéisme, ou simple application à son propre compte du bon vieux principe de précaution ?
Et de votre meilleur ami qui refuse de s’ouvrir un compte sur les réseaux sociaux, préférant un contact « vrai » avec ses amis à un service favorisant l’auto-contemplation et la procrastination ? Misonéiste ou personne refusant simplement de céder à une mode passagère ?
Faites réciter les tables de multiplication à un lycéen d’aujourd’hui, et il y a de fortes chances pour que vous assistiez à un spectacle désolant de médiocrité… Mais bien sûr, c’est vous le misonéiste, puisque le bachelier d’aujourd’hui dégainera en moins d’une seconde son téléphone portable, ouvrira l’application « calculatrice » et vous sortira, fièrement : « Tu vois bien que ça sert à rien de connaître ça ! »
Et il repartira finir sa partie de Call Of de laquelle vous l’avez dérangé.
(il y a des baffes qui se perdent)
Quand vous lui demanderez d’aller faire ses devoirs, il aurait bien été tenté de paraphraser la célèbre citation de Sacha Guitry (si tant est qu’il ait eu un peu de culture) :
« A quoi bon apprendre ce qui est dans les livres, puisque c’est dans les livres ? »
en un cynique :
« A quoi bon apprendre quoi que ce soit, puisque je peux tout trouver en moins de deux secondes sur internet ? »
Triste monde. Vous voilà, à votre tour, alors que vous êtes peut-être vous-même passionné de nouvelles technologies, le misonéiste de vos enfants ! Et vous aurez beau tenté de leur expliquer que la technologie n’exempte pas de savoir compter ou de lire des livres, ils acquiesceront poliment mais ne pourront s’empêcher de vous trouver complètement « primitif »…
(c’est une chance qu’ils ne connaissent pas Carl Jung, au final, ces p’tits cons)
Juste retour des choses, en réalité ! Lorsque vous étiez vous-même adolescent, ne considériez-vous pas vos parents comme des dinosaures, ancrés dans des habitudes du passé, hostiles à toute nouveauté ?
Et si le misonéisme était surtout une question de génération ?
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Note : J’ai fait lire cet article à un ami avant sa publication, pour savoir ce qu’il en pensait. Je me permets de diffuser ici sa réponse, très intéressante, avec son aimable autorisation :
le misonéisme me semble surtout s’ancrer dans la peur de l’homme pour l’évolution. Si le monde change,où vais-je m’accrocher. Je suis pris dans un tourbillon qui détruit mes valeurs et certitudes. Et en tout premier lieu ma religion. Dieu est « l’immuable » et les valeurs divines sont éternelles. Les églises en général sont les meilleurs exemples de misonéisme. « le monde est plat », « la terre ne tourne pas »…. sinon, il faut toujours repousser Dieu plus loin jusqu’à l’effacer. Et alors, bonjour mes certitudes.
Le succès des sectes est sans doute l’illustration d’un refuge contre l’inconsistance des choses (bouddhique). L’écologie mal digérée est misoneiste : elle rappelle souvent le « bon temps » de nos grand-mères au lieu de chercher la solution d’un problème dans l’innovation. Ne pas oublier l’homme de Cro-Magnon à qui, dans la chanson de colonie de vacances, l’on faisait dire « qu’il serrait les fesses devant le diplodocus en murmurant : vivement qu’on invente le fusil » !!!!
Triste monde de ne pas prendre en considération la formidable possibilité de connaissance offerte par les nouvelles technologies. Et qu’au delà du cliché de l’adolescent abruti qui joue à call of duty, se cachent des milliers de jeunes qui savent chercher et se renseigner sur un sujet, vérifier leurs sources, vulgariser grâce à YouTube, bref, continuer à apprendre. Tout étudiant a déjà été soumis à ce genre de travail de recherche et de documentation.
Diable ! Ou plutôt Drac ou Saurimonde ! Votre excellent article a réussi à »m’induire en dedans du doute !! » J’ai assez la technologie mais je suis très loin des jeunes d’aujourd’hui qui sont perdus sans leur portable ! Pourtant, j’ai réussi à m’intéresser à l’ordinateur , donc au web , mais sans égaler mes petits enfants et de loin ! J’ai acheté le premier portable de ma vie, le 24 août 2014 !!
D’ailleurs, je ne m’en sers que pour téléphoner (1/2 heure parmois sur 2 h de forfait !) mais j’avoue que j’aimerais bien m’en servir pour d’atres choses ! Alors, suis-je misonéiste (terme que je viens d’apprendre !!) ??
J’avoue que votre article est très pertinent. Je pense que dans une certaine mesure, la technologie est nocif pour la santé mais de là à penser que c’est inutile est très exagérée.
Je me rappelle d’un temps où chaque article sur EtaleTaCulture était commenté des dizaines de fois.
Où les haters étaient lynchés en place publique, où régnait une ambiance bon enfant.
Je trouve le site beaucoup moins commenté aujourd’hui, c’est dommage.
Mais tu ne nous aides pas, il n’y a rien à ajouter à ce que tu écris. Ça sonne juste à mon oreille, je ne trouve rien de pertinent à ajouter la plupart du temps. Et laisser un commentaire pour dire « bon article », « bien écrit » et cie, même si j’imagine que ça doit toujours te faire plaisir, ça ne sert pas à grand chose.
Je veux juste te dire que ça fait seulement plaisir de te relire un peu plus régulièrement. J’espère qu’un jour tu auras le courage / le temps / l’envie (j’en sais rien, je connais pas ta vie perso) d’écrire plus régulièrement. Parce que ça fait du bien de te lire. parce que sous les blagues à deux balles et les parenthèses se cachent une vraie réflexion.
Je regarde la série WestWorld en ce moment. A un moment, le directeur du parc d’attractions (interprété par Anthony Hopkins) s’oppose au scénario d’une nouvelle attraction, qu’il juge trop tape-à-l’œil, qui flatte trop les bas-instincts des clients. Ce n’est pas ça qui fait revenir les gens, dit-il.
Ce qui les fait revenir, ce sont les subtilités, les détails.
« S’ils reviennent, dit-il, c’est qu’ils découvrent une chose qu’ils s’imaginent être les premiers à remarquer. Une chose dont ils tombent amoureux. Ils ne cherchent pas un scénario qui leur dira qui ils sont. Ils savent déjà qui ils sont. Ils veulent entrapercevoir qui ils pourraient être. »
Voilà ce que je pense de ton site, Djinnzz. Tu ne tombes pas dans le piège du divertissement de masse, ni dans les articles racoleurs et putaclic. Si je reviens, c’est parce que je sais que dans chaque article je vais trouver des analyses, des idées, que je n’ai jamais lues ailleurs. Et que j’en ressortirai peut-être un peu meilleur.
Wow… Je ne sais pas quoi répondre à ça !
Merci beaucoup à toi.