Histoire et grands Principes de la décentralisation territoriale
Une brève histoire de la décentralisation à la française
Jusqu’à la Révolution, la France est traditionnellement centralisatrice. La célèbre phrase (« L’État, c’est moi! ») qu’aurait prononcée Louis XIV selon la légende résume assez bien, certes de façon caricaturale, le principe d’administration de l’État en vigueur sous l’Ancien Régime. C’est ce pouvoir central fort qui lui a d’ailleurs bien souvent permis d’assurer la cohésion du Royaume durant les luttes intestines qui ont jalonné son Histoire. Mais en 1789, tout change: la loi du 14 décembre 1789 invente le statut de communalité. Ainsi naissent 44.000 communes sur le territoire français (aujourd’hui, il existe exactement 36791 communes dont 213 en outre-mer).
Le 22 décembre, c’est au tour des départements d’être créés. Dans un premier temps, 83 départements verront ainsi le jour dès le début de l’année 1790. Ces organes fraîchement créés (communes et départements) disposent d’une grande autonomie: c’est la première expérimentation de la déconcentration de l’Histoire de France! Cette expérience prendra malheureusement fin dès 1793, où la Convention s’accapare les pouvoirs: les communes et départements deviennent des pantins vidés de leur substance aux mains des Jacobins.
Notre grand Napoléon passera bientôt par là! La loi du 17 février 1800 (28 pluviôse an VIII) réorganise complètement l’administration. Par contre, ne soyons pas trop pressés, et ne parlons pas encore de décentralisation… Si Napoléon aimait déléguer le pouvoir, ça se saurait! De 44.000 communes, on passe à 38000. Les arrondissements parisiens sont également créés et les départements sont maintenus. Ce sont des agents de l’Etat nommés par le pouvoir central qui assurent la gestion du territoire: les maires, les sous-préfets et les préfets.
La décentralisation commence à prendre forme sous la monarchie de Juillet. La loi du 21 mars 1831 (organisation communale) et la loi du 22 juin 1833 (organisation départementale) prévoient enfin les élections pour les maires et les conseillers généraux. Mais c’est véritablement au début de la IIIé République (1870) que naîtront les communes et les départements tels que nous les connaissons aujourd’hui, même s’ils restent encore soumis directement à l’État…
Durant la Première Guerre mondiale, la nécessité d’une circonscription plus grande se fait sentir: cela permettra de gérer l’économie française plus efficacement. Des groupements économiques régionaux voient ainsi le jour. Nous avons maintenant les 3 échelons qui constituent les collectivités locales actuelles: communes, départements et régions. Mais il reste encore du boulot pour moderniser tout ça et rendre plus efficace la gestion de la France!
Le 27 avril 1969, le Général de Gaulle, visionnaire, organise un référendum afin de donner aux régions le statut de collectivités territoriales… Sans succès! 3 ans plus tard, le 5 juillet 1972, une loi leur permet tout de même d’obtenir un statut juridique à part entière: 22 Etablissements Publics Régionaux (EPR) sont ainsi créés. Tout comme son petit frère le département, le pouvoir exécutif régional repose entre les mains du préfet de région.
Mais au fait, la décentralisation territoriale, kézaco?
La notion de décentralisation est totalement absente de la Constitution du 54 octobre 1958. À peine existe-t-il la notion de libre administration des collectivités territoriales (article 72). Étant donné son absence dans le texte fondateur de notre société, c’est la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui a dû s’y coller et donner des cadres aux grands principes décentralisateurs. Tout d’abord, toute collectivité territoriale doit être administrée par un conseil élu au suffrage universel direct ou indirect. Elle doit également disposer de moyens financiers suffisants pour assurer son autonomie vis-à-vis de l’État.
Pourtant, et c’est là toute la difficulté de la sa mise en oeuvre, la décentralisation entre en conflit avec la notion de principes d’indivisibilité de la République – un principe constitutionnel celui-là. Ainsi, dans la pratique, le principe de libre administration est fortement atténué… Le Conseil Constitutionnel n’a d’ailleurs pas jugé inconstitutionnel certaines lois visant à réduire l’autonomie des collectivités. C’est le cas notamment des différentes lois de finances qui démantèlent la fiscalité locale. Il devient urgent de clarifier tout ça! C’est la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui s’en charge: relative à l’organisation décentralisée de la République, elle réaffirme le cadre applicable aux collectivités territoriales.
La notion de décentralisation est donc maintenant présente dans l’article 1 de la Constitution! Quelle grande avancée, n’est-ce pas?
Bon, c’est bien gentil tout ça, mais c’est quoi, au juste, les critères de la décentralisation?
- Les collectivités territoriales ont une personnalité juridique distincte de l’Etat et possèdent leurs propres moyens. Elles engagent donc leurs propres responsabilités.
- Elles sont autonomes: le pouvoir étatique n’exerce pas de pouvoir hiérarchique sur elles.
- La démocratie impose que leurs dirigeants soient élus.
- Leurs compétences se limitent aux affaires locales.
Attention, autonomie ne veut pas dire indépendance! La France est et restera un Etat unitaire… Les collectivités territoriales sont sont donc régulièrement contrôlées (article 72 alinéa 6 de la Constitution) et soumises à un certain nombre de contraintes.
Aux trois échelons « traditionnels » de la décentralisation s’ajoute un petit dernier qui prend une place de plus en plus importante: celui de l’intercommunalité. Mais ça, c’est une autre histoire…
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Un sujet pas vraiment passionnant, il faut bien l’admettre… Je pense que les Français sont le peuple qui maîtrisent le plus mal les rouages de leur propre administration. (peut-être est-ce dû justement à sa trop grande complexité?)
bonjour,
merci de nous avoir donné des informations sur l’histoire de la décentralisation territoriale. Ce sujet m’intéresse beaucoup et j’aimerai vous partager l’info sur jean luc le bœuf qui est l’auteur de l’ouvrage « décentralisation et collectivités territoriales ». Je vous remercie!
Merci Kevin!
Ayant préparé avec acharnement le concours d’attaché territorial il y a quelques mois, j’ai eu envie de partager avec les lecteurs du blog ce sujet ma foi assez peu passionnant pour le « grand public »…
Je ne connais pas Jean-Luc le Bœuf. À l’occasion, je lirai son livre avec plaisir!