Sun Tzu et les concubines de l’empereur
Note de Djinnzz: C’est avec grand plaisir (et honneur!) que nous accueillons ce premier article de Yann Couderc, spécialiste français de Sun Tzu, sur EtaleTaCulture. Si vous souhaitez en savoir plus, ruez-vous sur son livre Sun Tzu en France ou sur son blog: suntzufrance.fr!
Vous avez certainement entendu parler du stratège chinois Sun Tzu et de son livre : L’Art de la Guerre. On le cite à toutes les sauces: chez les militaires bien sûr, mais aussi chez les managers, les chefs d’entreprise, et même les coaches en développement personnel féminin (véridique!). Pourtant, avez-vous la moindre anecdote à raconter sur Sun Tzu? Et non bien sûr, car son histoire n’est racontée que dans un seul vieux bouquin: les Chroniques historiques de Sima Qian, écrit un siècle avant Jésus-Christ. Autant le préciser tout de suite, la traduction du chinois qui suit est libre…
Sun Tzu, donc, c’était un gars qui vivait en Chine il y a très longtemps. En fait on ne sait pas exactement trop quand. La légende le situe vers -500 avant Jésus-Christ. Mais c’était probablement après. En tout cas ce qu’on sait, c’est que tout commence alors qu’il cherchait du boulot. Comme il n’avait pas confiance au Pôle Emploi de son coin, il décide de prendre les choses en main et d’aller rencontrer directement l’empereur. Ouais, comme ça!
Mais l’empereur, il avait un emploi du temps de ministre, et il ne pouvait pas se permettre de recevoir tous les chômeurs du coin. Alors Sun Tzu s’est demandé ce qui pourrait le faire se démarquer des autres, et il a repensé aux quelques rouleaux qu’il avait griffonné à un moment où il s’ennuyait ferme (oui, parce qu’à l’époque, on n’avait pas encore inventé le traitement de texte. Ni même les livres reliés. Et donc on était obligé d’écrire sur des lamelles de bambous reliées entre elles et repliées en rouleau. D’où le terme de rouleaux…). Ce texte, c’était ses pensées sur la guerre.
On ne sait pas trop comment, mais il avait dû participer à plusieurs batailles, et il s’était trouvé un don pour la chose militaire. Du coup, il en avait fait un bouquin (pardon: un rouleau). Ce rouleau, donc, il essaye de le faire lire à l’empereur. Mais ce dernier, on l’a dit, avait autre chose à faire, et il l’envoie balader. Sun Tzu s’en moque: il lui représente. Re-traitement par le mépris. Et le petit jeu continue, jusqu’à ce que de guerre lasse l’empereur craque le premier. Il le lit, et se révèle tout de suite épaté par la profondeur du contenu. Cependant, c’est bien beau ce qui est écrit, mais est-ce que c’est vraiment applicable dans la réalité? Il convoque alors Sun Tzu et lui demande s’il peut réellement mettre en pratique tout ce qu’il a écrit. « Oui, je le peux » (on n’était pas très loquace à l’époque). Intrigué, l’empereur lui demande alors si, comme Sun Tzu l’a noté, il serait capable de transformer n’importe qui en redoutable guerrier? « Oui, je le peux. » L’empereur voulant le pousser dans ses retranchements, il lui demande enfin s’il pourrait, par exemple, transformer les douces femmes de son harem en de féroces combattantes? « Oui, je le peux ».
Défi lancé, défi relevé!
Sun Tzu joue donc son recrutement sur ce coup. Va-t-il y arriver?
Tout d’abord, il rassemble les 180 femmes du harem. Oui, vous avez bien lu: 180! Et effectivement, ce sont loin d’être des guerrières… Il donne une lance à chacune, les divise en deux groupes, et désigne comme chefs les deux concubines préférées de l’empereur. Nous les appellerons les cheftaines. Comme chez les scouts, mais avant l’heure. Sun Tzu montre alors quelques mouvements simples d’ordre serré militaire (« à droite, droite », « à gauche, gauche », « présentez, armes », « reposez, armes », etc.). Il fait la démonstration, puis demande aux femmes de répéter les mouvements. Toutes sont mortes de rire! L’effet de groupe n’arrangeant rien, la séance vire au grand n’importe quoi. Sun Tzu ne bronche pas et annonce haut et fort que si les soldats n’ont pas compris les ordres, c’est que le général est mauvais. Il reprend donc la démonstration à l’identique, en demandant aux femmes d’être attentives. Et re-belote: ces dernières se foutent complètement de la gueule de Sun Tzu lorsque celui-ci leur ordonne de s’exécuter. Qu’à cela ne tienne. Grand précurseur du flegme britannique, Sun Tzu ne bronche pas. Il déclare cependant que si après avoir reçu des ordres clairs du général, les soldats n’ont toujours pas compris, c’est que le problème vient des chefs. Sur ce, il prend son sabre et… décapite les deux cheftaines!
Tout le monde assiste à la scène médusé. A commencer par l’empereur, qui ne s’attendait vraiment pas à ça, d’autant plus que c’était ses concubines préférées qui se sont retrouvées sur le carreau! Il hurle alors à Sun Tzu de cesser ce jeu pas drôle du tout, mais ce dernier n’en a cure: « Vous m’avez demandé de faire une armée de votre harem? Un souverain ne doit jamais revenir sur ses ordres. J’irai jusqu’au bout de ma mission ». Sur ce, il désigne deux autres concubines comme nouvelles cheftaines, et toujours avec son flegme inébranlable, reprend l’exercice comme si de rien n’était. Et là, miracle: les femmes répètent les mouvements à la perfection!
Ayant accompli sa mission, Sun Tzu présente alors son « armée » à l’empereur. Mais celui-ci est encore sous le choc de la décapitation de ses deux concubines préférées. Il chasse Sun Tzu.
Bien que n’ayant pas décroché l’emploi, ce dernier sort alors tête haute du palais, proclamant que tout compte fait, c’était mieux ainsi, car il n’avait pas l’intention de servir un souverain qui n’assumerait pas ses ordres… Allez savoir pourquoi, l’empereur ne l’a même pas fait décapiter histoire de se venger un peu. Mieux: une fois que son chagrin (et sans doute aussi un peu sa colère) se dissipèrent, il rappela Sun Tzu pour lui dire que tout compte fait, bon, ok, il passait l’éponge et acceptait de le prendre comme général. Sun Tzu a fait celui qui réfléchissait, a dit « tope-là », et ils sont devenus copains comme cochons. Avec Sun Tzu comme chef de ses armées, l’empereur a dès lors gagné plein de guerres, et Sun Tzu a vendu des millions d’exemplaires de son bouquin. Enfin, surtout durant ces dernières décennies…
____________________________________
Vous avez aimé cet article ? Alors j'ai besoin de vous ! Vous pouvez soutenir le blog sur Tipeee. Un beau geste, facile à faire, et qui permettra à EtaleTaCulture de garder son indépendance et d'assurer sa survie...
Objectif: 50 donateurs
Récompense: du contenu exclusif et/ou en avant-première
Je vous remercie pour tout le soutien que vous m'apportez depuis maintenant 5 ans, amis lecteurs!
Djinnzz
PS: ça marche aussi en cliquant sur l'image juste en dessous ↓↓↓↓
Une histoire étonnante qui m’a donné envie d’en savoir plus.
Je n’ai jamais lu l’Art de la Guerre… C’est vrai que ce que l’on peut lire dedans est encore utilisé dans l’armée d’aujourd’hui?
Histoire très intéressante, merci
@Corallien
L’art de la guerre est-il encore utilisé dans l’armée aujourd’hui ?
Question complexe. En fait, on ne l’a réellement découvert en Occident qu’il y a moins de 50 ans. Et depuis, il est certes considéré comme un classique parmi les militaires (ne serait-ce que parce qu’il est le plus ancien traité de stratégie connu), mais il n’est jamais employé en tant que tel. Disons qu’il sert de référence incontournable, que tout général a lu, et dont tel ou tel précepte peut à un moment donné lui souffler l’idée d’une action à entreprendre. En bref, c’est de la culture générale militaire : on n’est pas obligé d’en avoir pour gagner, mais on constate que, à quelques rares exceptions près, tous les gagnants en avait…
Le sujet est passionnant, et votre blog sur Sun Tzu génial. Je pense acheter votre livre. Cordialement, Jean
Excellent article! Ca m’a donné envie de lire L’Art de la Guerre, un roman passionnant paraît-il.
Articolo interessante e colgo l’occasione per complimentarmi per questo sito! veramente ben fatto e con tanti articoli utili!