La Bible mentionne-t-elle vraiment l’existence des licornes ?
La semaine dernière, je vous faisais part sur Facebook de ma passion pour les livres anciens. Je ne compte plus les heures à arpenter les ventes aux enchères sur ebay pour dégoter LA perle rare!
Alors, quand je reçus ce magnifique nouveau Testament datée de 1618 en parfait état, je n’ai pas résisté à l’envie de partager cette découverte avec vous. Surtout, une chose m’intriguait: que pouvait donc bien signifier cette licorne apparaissant sur la première page? Je ne me rappelais pas qu’une telle créature apparaissait dans la bible…
Je vous ai donc posé la question… et vous avez été nombreux à apporter des commentaires très intéressants et des débuts de réponses… Merci à vous!
Petit tour d’horizon de vos réactions…
De son côté, Spritz92 a également tenté de démêler ce véritable sac de nœuds… Je vous laisse en sa compagnie!
@++
Djinnzz
Le contexte
– Le livre en question est daté de 1618 avec donc des influences culturelles du Moyen-Age,
– Il ne s’agit pas de « La » Bible, mais du « Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus Christ », donc de la partie la plus récente de la Bible reconnue par les chrétiens,
– Le texte latin « Dilectus quemadmodum filius unicornium » est en fait le verset 6 du Psaume 29 (ou 28 selon les numérotations).
– « Quemadmodum » doit être lu comme un seul mot et le sens littéral peut alors être « Mon bien-aimé est comme l’enfant de la licorne »
– Le bouclier, à ce stade, reste indéchiffrable…
Des licornes dans la Bible? traduction = trahison!
Comme le Nouveau Testament est basé sur l’accomplissement des écritures par le Christ et que le texte cité ici est celui d’un psaume de David, il paraît logique d’aller voir en premier lieu ce qu’il en est dans l’Ancien Testament.
Dans le texte en hébreu apparaît à plusieurs endroits le mot « re’em » (sans doute une sorte de taureau sauvage) pour désigner un animal à corne, sans qu’il existe de mot équivalent en grec. La traduction grecque, dite « des Septante » s’en est sortie par le mot: « monoceros » (animal à une corne). L’étape suivante fut la traduction de la Bible par Saint Jérôme en latin (la Vulgate) qui se basa sur le terme grec en le traduisant par « unicornis » qui deviendra alors « licorne » en français et « unicorn » en anglais.
Ensuite, la plupart des traductions en langues vernaculaires qui se sont multipliées en Europe à partir du XVIème siècle (notamment sous l’influence protestante) se sont basées sur la Vulgate. D’où l’utilisation du mot « licorne » qui s’est répandue comme une traînée de poudre…
Où trouve-t-on ce terme dans l’Ancien Testament?
En particulier dans les Psaumes (au langage poétique et souvent ésotérique), par exemple:
Psaume 92.11 : « Tu élèves ma corne comme celle d’un buffle (ou d’une licorne) » ou « ma puissance sera élevée en gloire comme la corne d’une licorne », selon la traduction adoptée.
Psaume 75.11 : « Je briserai la corne des impies et la corne du juste s’élèvera »
Et bien sûr le Psaume 29, verset 6 qu’on a déjà vu un peu plus haut…
On le trouve aussi dans d’autres textes, et en particulier dans le Deutéronome:
Premier né du taureau (ou de la licorne…), à lui la gloire. Ses cornes sont cornes de buffle (sa corne ?) dont les coups frappent les peuples jusqu’aux extrémités de la terre. (Dt 33.17)
Il y a d’autres passages où le « re’em » apparaît (9 pour être précis), et le mot est maintenant traduit, en général, par « taureau » ou « buffle ».
La « licorne » est un symbole de force et de puissance des hommes, positive (le juste) ou négative (l’impie), mais aussi de celle de Dieu qui devient alors salvatrice pour son peuple contre l’ennemi.
La licorne au Moyen-Age
Elle est considérée comme un symbole de puissance, de gloire, de pureté et de salut. Dans l’iconographie chrétienne, elle représente la Vierge fécondée par l’Esprit-Saint (pureté) et va jusqu’à symboliser l’incarnation du Christ dans le sein de la Vierge.
Pour certains prédicateurs, la licorne symbolise aussi la force et l’unité de l’Eglise qui sera « élevée en gloire ».
Voir aussi sans doute l’impact du symbole de la licorne dans l’imaginaire à la fin du XVème siècle dans la fameuse tapisserie de la Dame à la Licorne…
Dilectus quemadmodum filius unicornium
Mais quelle est alors la signification de ce verset du Psaume 29 qu’on retrouve sur la première page de cette Bible de 1618?
Il convient d’abord de remettre ces quatre termes dans leur contexte. Le texte hébreu semble dire: « La voix du Seigneur brisera les cèdres du Liban (comprendre: les nantis et les puissants) comme elle le ferait de jeunes veaux ; et les montagnes du Liban comme elle le ferait de l’enfant chéri du taureau (ou du rhinocéros) ».
Une traduction en français de 1758 change complètement le sens: « cependant le Seigneur est bon comme le fils de la licorne ».
Dans son ouvrage Les Psaumes traduits en français de 1835, un jésuite, le Père Berthier, en donne la traduction suivante:
« L’éternel brisera les cèdres et les montagnes du Liban, comme si c’étaient de jeunes veaux et le bien aimé paraîtra alors comme le faon du rhinocéros »
Le Père Berthier en donne l’interprétation suivante: « A la voix de l’Eternel, les orgueilleux figurés par les cèdres du Liban seront mis en pièces et le bien aimé de Dieu (Israël , figure du Messie) paraîtra dans la gloire, revêtu de puissance et vainqueur de tous ses ennemis ».
Selon le cas donc, ici comme dans les autres textes, la « corne » peut représenter la force et la puissance de l’ennemi ou bien celle de Dieu ou encore celle du « juste », figure du Messie. On voit que tant le langage poétique du psaume que ses traductions (et sans doute leurs périodes) laissent beaucoup de place aux interprétations diverses et parfois à une certaine fantaisie…
In fine!
Ainsi, plusieurs commentaires se rejoignent concernant l’origine et l’utilisation du mot « licorne » dans la Bible ainsi que sur son symbolisme médiéval. Même si l’usage du mot apparaît d’abord comme un problème de traduction, l’acception qui a prévalu est celle de la symbolisation du Christ fécondé par l’Esprit-Saint, né de la vierge, sauveur des hommes qui viendra dans la puissance et la gloire pour juger vivants et morts, selon la foi chrétienne.
Sans doute faut-il voir toute cette symbolique dans l’illustration de ce Nouveau Testament de 1618 qui est par essence la concrétisation « palpable » de la venue du Messie dans le monde et de ses œuvres.
Une autre piste est ouverte concernant une possible « marque » du libraire. Mais même dans ce cas, l’adjonction de cet extrait du psaume 29 à l’image de la licorne n’a sans doute pas été placée là comme une simple ornementation…
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Djinnzz
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Mmmm… La Bible, c’est bien ce livre où les vierges tombent enceintes?
Où les hommes marchent sur l’eau?
où la mer rouge s’ouvre en deux?
Alors franchement, on n’est plus à une licorne près !
🙂
Imbéciles, mécréant ! Blasphème !! Tout ce qui est annoncé par dieu arrive. Ils ont trouvé des squelettes de géant en Egypte. Au lieu de gazé lié le Coran si tu veux être sauvé. Ouvre les yeux aveugle!!
Je prie pour vous et si tu , vous avez d’être aider contacter moi
Oui c’est bien ce livre mais ce n’est pas qu’un livre, la Bible est bien plus qu’un livre, elle est la Parole du Dieu vivant. Ne pas confondre la Parole avec les religions qui, elles, sont là pour dominer et tromper l’homme et le tenir en « esclavage. » Pourquoi ne pas lire la Bible avant de la juger ? Comme on dit : il ne faut pas juger un livre à sa couverture. La Bible est un trésor il y a toutes les réponses qu’un homme peut se poser quand on sait les voir…..
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Historique de la licorne à travers les siècles :
L’unicorne antique
La croyance en l’existence d’un quadrupède possédant une seule corne apparaît dès le Ve siècle av. J.-C., chez un médecin grec nommé Ctésias. Dans son Histoire naturelle, Pline l’Ancien (30-79) parle ainsi d’un fauve que l’on chasse en Inde : « L’unicorne a le corps du cheval, la tête du cerf, les pattes de l’éléphant et la queue du sanglier. Son mugissement est grave, une corne longue et noire s’élève au milieu du front. On dit qu’il ne peut être attrapé vivant. »
La licorne de la Bible
L’autorité de la Bible et des Pères de l’Église a joué un grand rôle dans la persistance de cette croyance. Sans doute à cause d’une traduction erronée d’un terme hébreu, la Vulgate évoque en effet à sept reprises la licorne : elle apparaît à l’origine comme un animal malfaisant et violent. Saint Basile avertit ainsi le croyant : « Prends garde à toi, ô homme, et défie-toi de la licorne, c’est-à-dire du démon, car elle fait aisément le mal et le trame contre les hommes. » Saint Bernard enjoint l’homme de lutter contre ses démons, « la rage du lion, l’impudeur du bouc, la férocité du sanglier, l’orgueil de la licorne ».
La licorne du Physiologue
La tradition du Physiologus, modèle antique des bestiaires médiévaux, retient la licorne parmi les quarante-neuf animaux présentés pour l’édification des chrétiens. La licorne est décrite comme « un petit animal, qui ressemble au chevreau, et qui est tout à fait paisible et doux », mais « d’une force telle que les chasseurs ne peuvent l’approcher ». Pour la capturer, il faut utiliser la ruse, en l’attirant dans le sein d’une jeune fille vierge.
L’Incarnation du Christ
C’est à partir du XIIe siècle que la licorne revêt un sens positif : l’image de la jeune fille accueillant la licorne dans son sein devient alors le symbole de l’Incarnation du Christ, et l’on retrouve la scène sur des chapiteaux d’église et des vitraux. La mise à mort de la licorne, dont le flanc est percé par la flèche (ou la lance) du chasseur, devient ensuite le symbole de la passion du Christ, qui a été percé au côté lorsqu’il était sur la Croix.
Licorne symbolique
Dans son Bestiaire, Pierre de Beauvais rapproche le Christ et la licorne : « Notre Seigneur Jésus-Christ, licorne céleste, descendit dans le sein de la Vierge, et à cause de cette chair qu’il avait revêtue pour nous, il fut pris par les juifs et conduit devant Pilate, présenté à Hérode puis crucifié sur la sainte Croix, lui qui, auparavant, se trouvait auprès de son Père, invisible à nos yeux ; voilà pourquoi il dit lui-même dans les psaumes : « Ma corne sera élevée comme celle de l’unicorne ».
Pureté et chasteté
La licorne, que seule une vierge peut approcher, représente la pureté et la chastet. Pour illustrer une version française des Triomphes de Pétrarque, l’enlumineur représente le char triomphal de Chasteté tiré par deux fières licornes, emblèmes de virginité.
La Dame à la licorne
Le motif de la dame seule à la licorne est très fréquent dans la poésie lyrique et dans l’art : miniatures, ivoires, et surtout tapisseries – dont la très célèbre Dame à la Licorne conservée à Paris au Musée national du Moyen Âge. Il est considéré comme une allégorie des cinq sens ou de l’élévation de l’âme.
Un symbole courtois
« C’est l’unicorne que l’on occit au giron de la pucelle en dormant »
Dans le Bestiaire d’Amours de Richard de Fournival, la licorne devient un symbole courtois. Réfugié au sein de la femme tenant à la main un miroir, l’homme endormi, identifié à la licorne, se laisse prendre au piège de l’amour.
La licorne dans l’héraldique
Le artistes médiévaux représentent le plus souvent la licorne comme un petit cheval, aux sabots fendus comme ceux d’une chèvre, à la barbiche blanche, et portant une longue corne d’or torsadée. C’est sous cette apparence qu’elle entre dans l’héraldique à partir du XIVesiècle. Blasonné dans l’Armorial de la Toison d’Or, on la retrouve portée en cimier dans le portrait équestre des frères Lannoy.
Purification de l’eau
C’est au XIVe siècle qu’apparaît la légende selon laquelle la licorne a la propriété de purifier l’eau en y trempant sa corne. On voit dès lors se multiplier les scènes associant licorne et fontaine, ou rivière. Parfois, les enlumineurs réunissent dans une même miniature les deux légendes de la dame à la licorne et de la purification des eaux. Ici c’est près d’une fontaine que l’artiste a choisi de faire figurer l’animal merveilleux qui baisse la tête pour permettre à sa corne d’atteindre l’eau.
Licornes orientales
Plusieurs récits de voyages des XIIIe et XIVe siècles semblent confirmer l’existence des licornes aux confins orientaux du monde : c’est aussi à cette époque que commencent à circuler de prétendues cornes de licorne, dont la poudre passait pour avoir des propriétés médicinales, notamment contre l’épilepsie, voire aphrodisiaques. En réalité, ce sont le plus souvent des dents de narval dont le commerce a sans doute contribué à renforcer la légende.
La licorne de Marco Polo
« Les habitants de Sumatra ont éléphants et unicornes aussi, qui ne sont pas plus grandes qu’un éléphant. Et elles ont le poil comme celui du buffle, et les pieds comme ceux des éléphants, et une corne au milieu du front, blanche et très grosse. Et elles ne font aucun mal avec leur corne, mais avec leur langue, car elles ont la langue chargée de grandes et longues épines. Et elles ont une tête semblable à celle du sanglier, et la portent toujours inclinée vers la terre. Elles demeurent habituellement près des lacs et des marais. C’est une bête très laide à voir, et elle ne se prend pas au sein d’une pucelle comme nous le disons, bien au contraire. »
Hello,
c est aussi un symbole d’illumination, chez les initiés ( les fans d’alchimie entre autres). Rapport au 3oeil, tout ca … Ca traduit en partie une volonté de mal traduire (… haha …) car si on sait traduire de l hebreu au latin, alors les mecs du Moyen Age aussi). La Bible est un livre très très très (encore un, c’est kdo : très 🙂 ésotérique avec codage du langage sur plusieurs niveaux, donc les super gens qui ont traduit avaient pleinement conscience de ce qu’ils imposaient aux inconscients (des) lecteurs et le meilleur moyen de faire passer des idées en douce c’est de ne pas en parler et de « juste » les placer dans le discours ou de prétendre qu’on a confondu buffle, rhinoceros et licorne (c’est vrai, qu’est ce qu’il en savaient, au Moyen Age il parait que les mecs jetaients leur déchets par les fenêtres ? C’etait forcement une époque de gros débiles … :D). Quant au dessin … Oui ils ont de sacrées private joke … ++
Dans Deutéronome 33/ 17 il est dit « …comme LES corneS d’UNE licorne… » je suppose donc que la licorne dont on parle ici à au moins 2 cornes. Quand pensez-vous ?
Merci pour cet article intéressant. Pour répondre à certains commentaires, la Bible (ancien comme nouveau Testament, car il y a bien 2 bibles et non une), tout comme les autres textes sacrés, sont des oeuvres littéraires à part entière et reflète une partie des schéma de pensés de certaines civilisations. On ne demande pas d’y croire au même titre qu’on ne demande pas de croire que « Les Chroniques Martiennes » ou « Le Meilleur des Mondes » soient des vérités.
Bon, tout cela pour signaler -et cela n’a aucun rapport- que le mot hebreu Re’em est écrit…à l’envers! En effet, l’hebreu comme l’arabe, s’écrivent de droite à gauche. Là on lit sur l’image « M’héré »
Très intéressant article. J’avoue que l’association des termes « licorne » et « Bible » m’a intrigué (inculture quand tu nous tiens .’’).
J’aime beaucoup le travail proposé par le rédacteur consistant à donner des éléments de compréhension, d’interprétations possibles, et libre à chacun de se les approprier ensuite.