La vie sexuelle des prêtres
Été 2011. Autriche. Le curé Helmut Schüller lance une pétition suivie par plus de 300 hommes d’Église autrichien. Le but? Obtenir du pape Benoît XVI l’abolition de leur célibat. L’occasion rêvée pour nous d’analyser les évolutions dans ce domaine à travers les siècles!
Commençons par le commencement… Jésus Christ n’a jamais eu de contacts charnels avec une femme. Ceux qui affirment le contraire, en lui prêtant par exemple des relations sexuelles avec Marie-Madeleine, oublient un peu vite que Jésus est le premier à louer « ceux qui se sont rendus eunuques à cause du Royaume des Cieux » (Mathieu, 19,12). Le principe de célibat des prêtres viendrait-il donc de là? Pas si vite! Car si Jésus était célibataire, ce n’était pas le cas de ses apôtres, qui étaient pour la plupart mariés et avaient une vie sexuelle épanouie!
– Alors mon beau, tu montes?
– Marie-Madeleine, je t’ai déjà dit mille fois que ça ne m’intéressait pas!
– Pfff… Qu’est-ce que tu peux être chiant, mon p’tit Christounet. Matthieu, tu viens?
Avançons un peu la pellicule. Le christianisme commence à se développer dans l’Empire romain. Saint Paul de Tarse (8 – 67 après Jésus-Christ) joue un grand rôle dans l’expansion de la religion. Et, même s’il est lui-même célibataire, il écrit dans le Nouveau Testament (I Corinthiens 7,1) : « Il est bon pour l’homme de ne pas prendre de femme. Toutefois, pour éviter toute immoralité sexuelle, que chaque homme ait sa femme et que chaque femme ait son mari. (…) Je dis cela comme une concession, et non comme un ordre. » La seule contrainte qu’il pose aux épiscopes (responsables des premières communautés chrétiennes), c’est l’interdiction d’avoir plusieurs femmes! On a vu moins permissif, vous l’admettrez.
– Mes amis! L’heure est grave! Dieu est venu et m’a parlé. Finalement, vous avez le droit d’avoir une femme. Alors, heureux?
– Une femme?! Une seule femme?! Nan mais tu peux pas nous faire ça, Polo. Je fais comment, moi, pour annoncer ça à mes 27 autres épouses?
Saint Paul de Tarse: La Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas (Hans Speckaert, XVIè siècle)
Nous voilà rendus au IIIè siècle. Certains « sages » commencent à prendre les Saintes Écritures à la lettre et le discours se radicalise quelque peu. Ainsi Origène se coupe-t-il lui même les parties génitales… devenant ainsi l’un des eunuques dont Jésus Christ vantait les mérites.
– Euh… Tu veux dire que je pouvais juste couper mes couilles?
– Ben oui.
– Oups… Boulette. Je vais devoir pisser assis, maintenant…
S’ensuit une série de mesures prises par les autorités religieuses au cours de différents conciles:
- 306: concile d’Elvire. Interdiction aux prêtres d’avoir des relations sexuelles avec leur épouse la veille d’une messe.
- 325: concile de Nicée. Interdiction aux prêtres de se marier.
- 567: concile de Tours. Les prêtres pris en flagrant délit de rapports charnels seront excommuniés.
Mais, disons-le, ces règles ont bien du mal à être respectées… Les hommes d’Église ne cachent même pas leurs compagnes de la vue des paroissiens. Jusqu’au plus haut degré de la hiérarchie d’ailleurs, certains papes ayant eux aussi des enfants!
Quelques centaines d’années auront ainsi été nécessaires pour bannir totalement (du moins officiellement) toute activité sexuelle chez les prêtres. La seule vraie question qui se pose est… pourquoi?
Bien sûr, la première réponse qui vient à l’esprit est d’ordre symbolique et spirituelle: les prêtres consacrent leur vie à Dieu. Pas de temps pour une épouse! CQFD.
La « vraie » raison, si je puis dire, est beaucoup moins philosophique: les prêtres, s’ils se marient et ont des rapports sexuels, auront fatalement des enfants. Qui dit enfants dit héritage… Qui dit héritage dit perte pour l’Église des biens dont ils ont la propriété! Pourquoi, sinon, le pape Pélage II aurait-il décidé en 580 d’assouplir la règle du concile de Tours en autorisant le mariage des prêtres, à la condition expresse que ceux-ci s’engagent par écrit à léguer leurs biens à l’Église et non à leur progéniture…
Il faut attendre le XIè siècle et les papes Grégoire VII et Urbain II (dont nous avons déjà eu l’occasion de parler: le grand schisme d’Occident) pour appliquer rigoureusement les règles des conciles de Nicée et de Tours: c’est la fameuse réforme grégorienne. Prêtres, curés, évêques, et les autres n’ont plus le choix: ils doivent abandonner femmes et enfants, parfois dans des conditions tragiques.
– Ah!!!! Gérard! Tu me manqueras tant! Je n’ai jamais aimé que toi. Adieu, mon amour!
– Mais, attends un peu… Si tu t’en vas, qui va me faire à bouffer maintenant?
Le pape Grégoire VII
Au XVIè siècle, c’est la révolution: l’avènement du Protestantisme, outre qu’il mettra bientôt l’Europe à feu et à sang, change la donne. La vision de Luther concernant les relations conjugales des prêtres est bien plus permissive. Bingo! De nombreux prêtres catholiques, las de ne pouvoir assumer pleinement leur sexualité, changent de camp! On aurait pu imaginer que l’Église catholique assouplisse ses règles en la matière pour enrayer le phénomène. Mais… en réalité, c’est l’exact opposé qui se produit: les prêtres pris en flagrant délit de concubinage sont pourchassés encore plus sévèrement. Les débats sur la question n’en finissent pas, sans que l’Église ne fléchisse pour autant.
– Les relations sexuelles sont interdites, un point c’est tout!
– Allez, patron, soyez sympa, quoi. Accordez-nous au moins le droit à une petite turlute de temps en temps!
1790. Une bonne grosse Révolution est passée par là et change radicalement la donne. Les hommes d’Église français ont maintenant le statut de fonctionnaire et sont autorisés (voire encouragés!) à fonder une famille. Cette parenthèse ne durera pas bien longtemps… Car c’est au tour de Napoléon d’entrer en scène et de signer en 1801 le Concordat avec l’Église catholique. La situation revient « à la normale », c’est de nouveau le célibat qui est imposé aux prêtres. Et cette situation n’a guère évolué jusqu’à aujourd’hui…
Helmut Schüller, qui a lancé en 2011 un « appel à la désobéissance »
Alors, la pétition engagée l’année dernière par Helmut Schüller sera-t-elle suffisante pour faire évoluer les règles en la matière? Après les nombreux scandales de pédophilie, l’Église catholique n’aurait-elle pas tout intérêt à « moderniser » son image? D’autant que, on l’a vu, le célibat des prêtres n’est en rien un principe inscrit dans les Saintes Ecritures, Saint Paul en personne étant tolérant à ce sujet…
Autoriser la vie en concubinage, n’est-ce pas tout simplement mettre un terme à une certaine hypocrisie, à l’heure où on estime à près d’un prêtre sur deux vivant avec une compagne? En tout cas, les débats sont ouverts…
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Bonne argumentation et les dialogues m’ont bien fait marrer.
En fouillant un peu et en vérifiant vos sources, j’ai trouvé la citation complète des évangiles (celle tirée de Mathieu 19:12)
« En effet, il y a des eunuques qui le sont dès le ventre de leur mère, d’autres le sont devenus par les hommes, et il y en a qui se sont faits eux-mêmes eunuques à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne. »
Honnêtement, je dois faire parti de ceux qui ne comprennent pas… Avez-vous une explication? des eunuques dans le ventre de leur mère? WTF?
C’est intéressant en tout cas de constater que le célibat des prêtres est une basse question d’argent et non un ordre tiré des évangiles. Cela éclaire le débat sous un autre angle.
Mais je pense qu’aujourd’hui, la vraie raison est plus une question de respect de la tradition qu’un simple risque de perte de patrimoine: il serait facile au Vatican d’empêcher les héritages par voie contractuelle (comme l’a fait en son temps Pélage II d’ailleurs si j’ai bien tout suivi).
Qu’un prêtre soit célibataire ou pas, moi, je m’en fous. Ce qui fait le plus peur, c’est les églises vides qui tombent en décrépitude et c’est l’abandon de nos racines chrétiennes.
Pourtant, les églises sont très demandées pour les mariages, mais la plupart des couples qui se marient à l’église le font parce que c’est classe et branché, et réfute totalement la valeur symbolique forte d’un tel geste. Mais c’est vrai que c’est un autre débat.
Donc, en fait, EtaleTaCulture c’est un site qui rend intéressant des sujets qui n’intéressent personne… Je suis moi-même surpris à prendre plaisir à lire un article sur l’histoire de la sexualité des prêtres (j’aurais jamais cru). (l’humour omniprésent y est sans doute pour quelque chose)
Good job!
@Julien: les paroles prêtées à Jésus dans l’Evangile selon Saint-Matthieu ne sont pas à prendre au premier degré. Jésus a l’habitude de parler en paraboles, qu’il explicite (parfois) par la suite à ses interlocuteurs. À chacun, donc, de comprendre ce qu’il veut comprendre…
Pour ma part, je pense qu’il faut comprendre le terme eunuque non comme la castration physique, mais comme l’abandon volontaire des désirs charnels. Cette phrase sibylline devient ainsi beaucoup plus claire…
@MMA: Merci! 😉
« – Euh… Tu veux dire que je pouvais juste couper mes couilles?
– Ben oui.
– Oups… Boulette. Je vais devoir pisser assis, maintenant… »
ça ma tué! 😆
Pour ceux qui voudrait approfondir le sujet je conseille ce podcast de France Culture http://www.franceculture.fr/emission-concordance-des-temps-l-eglise-et-la-sexualite-2013-01-19 car il faut le savoir :
matrimonium fore lupanar occultum ! 😆 😈
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire votre article!
J’aime bien quand vous entrecoupez avec des dialogues. Ca rythme la lecture.
(et désolé pour le double post)
Le célibat des prêtres n’est pas un dogme mais une promesse au moment de leur ordination en occident. Dans l’église catholique romaine de rite oriental ( rattachée à Rome ) la promesse n’est pas demandée. En réalité ils le sont rarement pour des raisons financières. Il faudrait qu’il exerce un autre métier en plus de la pretrise pour pouvoir faire vivre leur famille. S’ils s’exilent en France par exemple pour des raisons de sécurité ( from Iran-Irak- Liban…) et qu’ils ont une famille ils obtiennent toujours de Rome d’être prêtres en paroisse . Simplement l’évêque du lieu averti les paroissiens.
Il est est de même pour les prêtres anglicans qui se convertissent au catholicisme.
au regret de vous décevoir,la plupart de vos réponses ou remarques sont sincèrement dénuées de sens logiques,et le vœu du célibat des prêtres voulu(uniquement dans la chrétienté romaine)y est pour beaucoup,mais il me semblerait que trop peu d’entre vous savent authentiquement la raison historique de leur gage;si vous souhaitez certaines explications dignes de cette compréhension,mais librement honorée par l’Église[tout comme le demande le Christ à travers ses paraboles],c’est avec plaisir que je vous y apporterais les vraies convictions…qui,j’en suis plus que certain,étonneraient plus d’un!merci de m’avoir prêté attention,à plus.