Le jeu de la mort : l’expérience de Milgram
Vous avez dû le remarquer, sur EtaleTaCulture, on aime bien les expériences sociologiques, souvent révélatrices de la nature profonde de l’être humain.
Aujourd’hui, nous allons parler d’une expérience rendue célèbre par le film I comme Icare, ou plus récemment, par le faux jeu télévisé Le jeu de la Mort diffusé sur le service public il y a quelques mois années (c’est fou comme le temps passe vite).
Cette expérience, réalisée au début des années 60, est toute simple: prenons un cobaye (le « professeur ») que l’on place face à un pupitre comprenant des boutons correspondants à différents niveaux d’intensité électrique. Reliée électriquement à ce pupitre, et attachée solidement à une chaise, se trouve une autre personne (« l’élève »), chargée de répondre correctement à un certain nombre de questions. Le but du jeu? Des questions sont posées à l’élève et, en cas de mauvaise réponse, le professeur est chargé de lui délivrer une décharge électrique, de plus en plus forte au fil des mauvaises réponses… Une troisième personne, symbole de l’autorité, incite le professeur à poursuivre le jeu jusqu’au bout, malgré les supplications et les cris de souffrance du comédien recevant les fausses décharges électriques.
– Ça a l’air cool, ce jeu! J’peux y jouer?
– Des fois, tu m’inquiètes, Kevin…
Sadique, n’est-ce pas? Bien sûr, tout ce dispositif est factice, mais seul le professeur, le cobaye objet de l’étude, l’ignore. La finalité de cette expérience tordue? Mesurer jusqu’à quel point un être humain peut se soumettre à une autorité.
Et les résultats de l’expérience sont loin de mettre en valeur la beauté de l’âme humaine… Près de deux-tiers des personnes testées ont été jusqu’au bout de l’expérience, qui aurait abouti en temps normal à la mort du sujet. Qu’on ne s’y méprenne pas! Ce n’est pas le caractère sadique ou immoral des sujets qui est ici la cause, mais plutôt les mécanismes complexes de soumission et d’obéissance à une autorité (représentée par la blouse blanche du corps médical dans l’expérience de Milgram). Ces résultats font peur, bien sûr, mais nous permettent de mieux comprendre les horreurs du passé.
Je salue bien bas le courage de France 2 pour avoir diffusé une version « modernisée » de l’expérience, dans laquelle l’autorité est représentée par le pouvoir de la télévision. Cette émission, ce « faux-jeu » télévisé, a d’ailleurs été très mal comprise par une grande part de la population française à en croire certains commentaires sur Internet ou dans la Presse. De tels débats avaient d’ailleurs également vu le jour en 1963, date à laquelle Milgram a rendu public les résultats de son expérience. Il faut croire qu’en 50 ans, l’être humain est resté le même. C’est d’ailleurs le contraire qui aurait été étonnant.
Un extrait du film I comme Icare: (avec le bel Yves Montand en prime)
… et le documentaire de France 2, Le Jeu de la Mort
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Je me rappele du jeu de la mort sur France 2, J’avoues que j’avais pas bien compris le concept à l’époque, je pensais que c’était juste du « trash ».
Vu sous cet angle, je comprends mieux, el les résultat font peur.
J’ai étudié cette expérience dans le cadre de mon cours de psycho. Il aurait été intéressant d’ajouter que Milgram s’est penché sur la question à la suite du procès de Nuremberg, il était outré que certains criminels de guerre affirmaient qu’ils n’avaient eu guère le choix, ils devaient obéir aux ordres. Voilà d’où lui est venu l’idée de faire cette expérience.
Bonjour Nathalie,
Merci pour ce complément d’informations. N’hésitez pas à nous éclairer sur d’autres points, l’étude poussée de ce genre de phénomènes sociaux doit être passionnante!
Absolument effrayant! L’introduction de l’émission de France 2 est juste insoutenable. Non mais sérieusement! Les anglais qui font jouer au jeu de la roulette russe en prime time? Les japonais qui jettent des candidats dans de l’eau bouillante? Des dissections de cadavres en direct? Mais où va-t-on????
Bravo pour cet article. je viens de regarder l’intégralité de l’émission de France 2.
Je ne comprends pas le faux-procès que la Presse a fait à France 2 après la diffusion de cette émission. C’est un documentaire d’une intelligence rare, largement suscpetible de passer sur Arte…
Certains mécanismes de réaction humains sont effrayants, aussi bien pendant l’expérience que pendant le débriefing.
Le déni de certains candidats (« mais je savais que c’était truqué, c’est pour ça que j’ai continué! » : la pire réaction à mes yeux, le déni empêchant la remise en question…)
Connaître ces mécnaismes d’obéissance nous permet de mieux comprendre certains phénomènes sociétaux. Bravo à vous d’avoir traité ce sujet passionnant!
Les candidats qui décident d’arrêter: quelle bouffée d’oxygène! Cela redonnerait presque foi en le genre humain (enfin, presque…)
Au fait, y’a que moi que ça choque cette faute de français que la présentatrice n’arrête pas de faire?
« Il faut que vous continuez », au lieu de « Il faut que vous continuiez »!
Ca m’a écorché les oreilles tout le long! 😉
POur quand le VRAI jeu télé avec des morts dedans? 😛
J’étais passé à côté de cette émission, je pensais que c’était une énième émission de télé-réalité qui faisait dans le sensationnel et j’ai zappé.
A la lecture de votre article j’ai compris mon erreur.
je suis étudiant en psychologie sociale, cette expérience fait donc parti des incontournables, étudiés et réétudiés. Je parle de l’expérience initiale.
Je n’avais pas regardé l’émission quand elle était passée, parce que je ne comprenais pas pourquoi la télévision venait mettre sa pierre à l’édifice, d’autant que ça modifiait clairement le cadre expérimental… bref… Avec du recul j’ai compris l’intérêt, de Beauvois notamment, de s’investir dans cette démarche, pour faire connaitre une discipline encore ignorée! (dans ce sens je voulais préciser que cette recherche est issue de la psychologie sociale et non de la sociologie)
La psychologie sociale à travers cette expérience choc mais plus généralement dans son développement, a montré, que l’homme n’est pas bon ou mauvais par nature… L’homme n’est pas, simplement, à l’inverse de ce qu’il pense, libre dans ses choix et ses prises de décision.
La psychologie sociale remet ainsi clairement en question le dogme de l’Homo-économicus. L’homme est soumis sans cesse aux influences de son environnement, du contexte dans lequel il se trouve, des groupes dans lesquels (famille, pays, travail, etc.) il se retrouve, et même aux influences des groupes qu’il a côtoyé et qui font son histoire personnelle. Ainsi, l’homme est un être social qui ne peut qu’apporter des significations aux comportements qu’il a, mais ne connait pas les vraie détermination!
Ce message est difficile à diffuser, il remet en question nos convictions internes les plus profondes qui veulent que si on gagne 5000€ par mois c’est parce que personnellement on s’est bougé! Que si on donne des sous à un clochard c’est parce qu’on est altruiste! les exemples sont nombreux, et si vous avez du temps regarder ça de plus prêt!
L’émission avait été très décriée à l’époque, et c’est bien pour ça que je l’ai regardée! Je pense en réalité que beaucoup de monde n’a pas compris le but expérimental du concept…
J’avais été agréablement surpris par le traitement intelligent du sujet sur une chaîne publique et à un horaire « prime-time ».
Je suis d’accord avec vous. Là où nous nous croyons libres, notre mode de pensée n’est en fait que le fruit d’un contexte historique, culturel, etc. dans lequel nous évoluons.
Je n’ai pas fait d’études de sociologie mais je trouve le sujet passionnant. Peut-être que j’essaierai de développer ce sujet dans de prochains articles…
Au plaisir de vous lire!
Cordialement,
Vous avez l’air d’être sur la même longueur d’onde tous les deux, mais je ne comprends pas bien votre théorie sur la liberté de penser.
Vous pourriez développer car j’ai le sentiment de passer à côté de quelque chose d’important?