[Troisième Vague] La France peut-elle devenir une dictature?
Est-ce que la France, ou tout autre pays démocratique, peut devenir une dictature? La première et unique réponse qui vient en tête est: Non, assurément.
L’expérience de la seconde Guerre Mondiale, entre autre, nous a définitivement vacciné contre toute forme de régime autocratique. Franco, Hitler, Staline, Ceausescu, Pol Pot, Pinochet… le XXè siècle ne manque pas de noms qui nous font éprouver inévitablement colère et dégoût.
Alors, retomber dans une dictature du même genre, vous pensez bien… C’est impossible.
…
…
Impossible, vraiment? En êtes-vous vraiment sûr? Une expérience sociologique menée en 1967 par un certain Ron Jones, professeur d’histoire aux Etats-Unis, devrait bouleverser vos convictions.
L’Expérience
En 1967, un certain Ron Jones, professeur dans un lycée de Californie, s’arrache les cheveux. Ses élèves n’arrivent pas à comprendre comment le peuple Allemand a bien pu laisser le parti nazi commettre des atrocités sans avoir la moindre réaction. L’interrogation est légitime… comment tout un peuple peut-il céder sa liberté de conscience et devenir l’outil d’un mégalo sanguinaire, sans même tenter de se révolter?
Plutôt qu’un long discours sur les mécanismes complexes de la soumission à l’autorité (tels que déjà mis en évidence par Milgram ou Stanford), le professeur décide de mener une étude expérimentale à l’insu de ses élèves.
Jour N°1: Discours sur la discipline. Ron Jones impose aux élèves de se tenir droit, de se lever pour répondre aux questions, d’entrer et de sortir de classe dans le silence… Bref, pas de quoi casser une patte à un canard… pour le moment.
Jour N°2: A peine Ron Jones est-il entré dans la salle que les élèves sentent qu’un truc est en train de se passer. Tous sont en position d’attente, les yeux pendus aux lèvres de leur nouveau gourou, avec l’impression tenace de vivre un événement qui sort de l’ordinaire. Le professeur en profite pour inscrire au tableau une devise qu’il fait apprendre par cœur à tous les élèves: « La force par la discipline, la force par la communauté ».
Après l’éloge de la discipline de la veille, vient donc maintenant l’éloge du vivre ensemble. Un pour tous, tous pour un, aurait dit d’Artagnan. Ah, et, au passage, il nomme officiellement le mouvement nouvellement créé la « Troisième Vague ». Un élève tend la main et attend docilement qu’on lui donne la parole:
– Pourquoi le nom de Troisième Vague, Monsieur Jones? demande-t-il en ayant pris soin de se lever.
– C’est une référence à une croyance populaire selon laquelle les vagues dans l’océan avancent par groupe de trois, la troisième se nourrissant de la force des deux premières pour devenir plus puissante. D’autres questions?
– Non, Monsieur Jones. Merci, Monsieur Jones.
Aucun, parmi l’assistance, ne comprend la référence à peine voilée au Troisième Reich. Et l’expérience se poursuit inexorablement…
Jour N°3: Le bouche à oreille commence à faire son effet au sein du lycée, et d’autres élèves souhaitent assister aux « cours » de Ron Jones. Ce dernier instaure un signe de reconnaissance (un salut ressemblant insidieusement au salut nazi) et distribue des cartes de membres. Il nomme également trois élèves, choisis avec soin, dont le rôle est de dénoncer ceux qui ne jouent pas le jeu ou qui tournent le mouvement en dérision.
Il est intéressant de noter que les plus grands opposants à ce « régime » nouvellement mis en place sont les meilleurs élèves… Les cancres, eux, s’investissent particulièrement et sont pendus aux lèvres de leur professeur. Ou devrais-je dire Dictateur?
Jour N°4: Ron Jones fait une annonce fracassante à ses élèves: en réalité, la « Troisième Vague » est un mouvement national, et des dizaines de classes disséminés à travers le pays ont mis en place les mêmes préceptes. Un leader national chapeaute l’ensemble de l’opération, dans le but d’opérer une véritable révolution sociale.
D’abord consternation de la part des élèves, puis enthousiasme général. Le sentiment de vivre quelque chose d’historique est renforcé. Des dizaines de nouveaux disciples, se ruent vers la salle de cours du professeur d’Histoire pour « en être ».
Le sommeil de la raison produit des monstres, 1799, Francisco de Goya, Museo del Prado
Jour N°5: Ce sont plus de 200 élèves qui se réunissent dans un amphithéatre pour écouter l’allocution télévisée du « leader national ». Ron Jones nomme une milice chargée d’assurer la sécurité des lieux et fait fermer à clef les portes de l’amphi.
C’est l’heure des explications. L’apprenti Dictateur reprend son rôle de professeur et explique les rouages de l’expérience qu’il vient de mener. Non, il n’y a pas de mouvement national! Non, il ne veut pas mener une « Révolution sociale »! En cinq jours, et avec des moyens limités, il prouve qu’il a réussi à embrigader 200 jeunes adultes prêts à obéir à n’importe lequel de ses ordres!
– Vous vous rappeliez, en début de semaine, quand vous me demandiez comment il était possible que le peuple allemand n’ait pas réagi face au régime nazi?
Pas de réponse. Les élèves commencent à prendre conscience à quel point ils ont été bernés.
– Vous éprouvez de la honte, n’est-ce pas? Où sont vos regards clairs et votre air sûr de vous que vous arboriez il y a quelques minutes encore?
Le professeur poursuit.
– Et je peux vous assurer que, dans quelques jours, vous nierez, tous autant que vous êtes, avoir fait partie de cette expérience! Au mieux, vous direz que vous aviez compris dès le début qu’il s’agissait d’une supercherie, et que vous n’aviez jamais pris ça au sérieux. Tout comme le peuple allemand est resté silencieux face aux horreurs dévoilées à la fin de la Guerre…
Le silence dans la salle se fait de plus en plus pesant.
– Mais vous et moi, nous savons que c’est faux! Ce que j’ai voulu démontrer, en l’espace de cinq jours, c’est à quel point il est facile, en appliquant des recettes très simples, de transformer des étudiants bien sous tous rapports en petits nazillons prêts à obéir aveuglément à tout ordre donné!
Les Jeunesses Hitlériennes
Que faut-il penser de tout ça?
Si vous voulez mon avis, je pense que Ron Jones a poussé son expérience un peu trop loin et que tout cela aurait pu très mal finir. Il n’empêche, cette étude nous permet de tirer un enseignement précieux: une société totalitaire comme celle du IIIe Reich ne se construit pas avec un peuple profondément fasciste, mais avec des gens comme vous et moi qui se font manipuler. Rétrospectivement, ils jureront, mais bien trop tard, qu’on ne les y prendra plus… Francisco Goya (1746-1828) avait d’ailleurs déjà tout compris: « Le sommeil de la Raison engendre des monstres » est le titre d’un de ses tableaux qu’il peint en 1799…
Débranchez votre sens critique, laissez de côté votre Raison pour laisser parler vos Pulsions, même un court instant, et vous servirez de terreau à tout apprenti Dictateur.
Lisez, cultivez-vous, aiguisez votre sens critique et vous construirez le rempart le plus solide pour garantir notre démocratie. Bon, après, vous ferez certainement partie des premières victimes au cas où une autocratie se met en place. Mais vous mourrez libres, bordel! Et ça, ça n’a pas de prix. Si?
BONUS: Comment devenir un Dictateur?
– Soyez un leader, du genre qu’on écoute en toutes circonstances, et allez vous acheter un peu de charisme à l’épicerie du coin. La notion de charisme est d’ailleurs très difficile à définir, on y reviendra au détour d’un prochain article.
– Profitez d’une situation de crise: chômage important, pauvreté galopante,… tout ceci vous facilitera le travail. Des citoyens déçus du système actuel seront d’autant plus enclins à vous suivre.
– Donnez du sens à vos actions: c’est, au final, le plus important. Faire croire à chacun des participants qu’il fait partie d’un projet qui le dépasse, dans le but d’atteindre un ordre supérieur. Donner un sens à vos actions, c’est surtout donner du sens à l’existence parfois stérile et misérable de vos compatriotes.
– Eliminez les têtes pensantes, ce sont vos pires ennemis. Vous avez besoin de bétail qui regarde NRJ12, pas d’intellectuels nourris d’ARTE et d’EtaleTaCulture!
– Lisez le Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, une vraie mine d’or pour devenir le roi du Monde. Un livre que tout le monde devrait avoir lu au moins une fois dans sa vie!
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Djinnzz
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Un article de génie, digne de vous, maître Djinnzz vénéré!
C’est quand vous voulez, vous pouvez compter sur moi le jour où vous voulez vous lancer dans une carrière de Dictateur!
Blague à part, le sujet est excellemment mené et ne manquera pas de faire couler de l’encre, j’en suis sûr!
Dans le même genre, je trouve l’expérience de Stanford bien plus terrifiante…
– Toc, toc, toc
– Qui est là?
– C’est Marine!
Pourquoi toujours parer du FN quand on parle dictature?
C’est absolument ridicule. Le FN n’est qu’un parti comme un autre, faut arrêter avec les délires de 1933 qui se répète et toutes ces conneries.
« Un parti comme un autre », non, je n’irai pas jusque là, faut pas pousser!
Le FN est une alternative aux partis classiques et à l’alternance droite/gauche caractéristique de la Ve République. D’une certaine manière, c’est un parti qui sert un peu d’équilibre et de soupape de sécurité.
Je m’explique: quand les partis « traditionnels » font la preuve de leur incompétence (ce qui se comprend, étant donné que la crise est structurelle et mondiale, PERSONNE ne connaît la recette miracle pour en sortir, mais passons, les Français n’ont pas l’air d’avoir encore compris). Je disais donc que quand les partis « traditionnels » font la preuve de leur incompétence pour régler la crise actuelle, avoir une alternative « crédible » (même si extrême) permet au peuple d’avoir l’illusion du choix.
On sait qu’une alternative est possible (le FN), mais on sait aussi que les conséquences d’une telle arrivée au pouvoir ne sont pas prévisibles. Donc le peuple hésite encore à donner sa chance à ce parti.
Mais, au moins, on sait que, si on voulait, on pourrait.
Et moi, avoir ce choix, je trouve ça super rassurant.
Si le FN arrivait au pouvoir, je pense honnêtement qu’ils échoueront à tenir leurs promesses, comme tant d’autres candidats avant eux. Mais point barre. Les 5 années du mandat se dérouleront dans la douleur, mais se passeront dans un calme relatif.
Mais le peuple entier saura que mêmes les alternatives ne savent pas résorber la crise. L’alternance droite/gauche devra reprendre, mais plus aucun espoir d’une alternative sérieuse n’existera.
Et je pense que c’est cette situation là qui pourra amener un dictateur (ou l’armée) à prendre le pouvoir. Ce jour-là n’arrivera pas demain, ni dans dix ans, ni même peut-être dans 50.
Mais il arrivera irrémédiablement, car l’humain est ainsi fait, et que l’Histoire est un perpétuel recommencement.
Laissons le FN à sa place: un miroir aux alouettes, un espoir de résoudre les choses différemment. Le jour où on donnera à ce genre de parti la « chance » de faire ses preuves, et qu’il échouera (car il échouera inexorablement), les vrais problèmes commenceront…
(désolé pour le pavé et merci à ceux qui auront pris la peine de me lire, j’espère que j’ai été clair pour exprimer ma pensée!)
Ehhhhhh ben il est grand temps de lire et de se cultiver, justement… vous vous bercez tous les deux d’illusions sur ce qu’est le FN.
En fait, non, je ne me berce pas du tout d’illusion, car mon commentaire ne traite pas de ce qu’est le FN mais en quoi un parti « épouvantail » donne l’illusion du choix et peut, d’une certaine façon, rassurer les citoyens.
Mais c’est une idée pas si simple que ça à formuler, donc je m’excuse si je n’arrive pas à être clair.
Je pense qu’une dictature peut arriver par deux voies possibles: soit pas un coup d’Etat ( le plus souvent pas l’armée), soit de façon « démocratique », comme les nazis en 1933: sous un vernis respectable, un parti arrive au pouvoir et dévoile son vrai visage.
L’idee de cet article correspond plutôt à ce deuxième cas de figure. Car en ce qui concerne les coups d’Etat militaires, il n’y a aucune manipulation de l’opinion, seulement un coup de force sur le principe « ça passe ou ça casse », et un règne de terreur pour briser la rébellion.
L’expérience de la Troisième vague me fait plus penser aux mécanismes propres aux sectes ou un gourou arrive a manipuler des centaines d’esprit.
… reste à définir ce qu’est une « secte »! (au sens philosophique du terme et non uniquement sur un plan juridique)
Les allusions à Marine Le Pen dans les commentaires plus hauts sont légitimes puisqu’elle incarne cet épouvantail pointé du doigt par les médias.
Mais, même dans l’hypothèse d’une victoire du FN aux Présidentielles, croyez-vous pour autant que le pays sombrera nécessairement dans la dictature? Bien sûr que non et l’experience de Syriza en Grèce en est la preuve (même s’ils incarnent l’extrême gauche et non l’extrême droite mais le principe reste le même).
Ceci dit, je ne suis pas d’extrême droite, mais je suis heureux que le peuple puisse avoir le choix de voter pour des partis non conventionnels.
Ah ah ah!
Vous pouvez être sûr que quand quelqu’un commence sa phrase par « Je ne suis pas d’extreme droite », il y a forcément un « mais… » derrière!
Une expérience et un article qui font froid dans le dos…
@limon: Peut-être que c’est parce que dans la vie rien n’est jamais tout noir ou tout blanc?
J’ai vu le film La Vague qui retrace cette expérience d’une façon romancée. J’ai été un peu déçu par le traitement trop lisse donné à l’ensemble. J’aurais bien aimé un peu plus de subversion et moins de clichés.
Mais c’est surtout le fait que ce soit inspiré de faits rééls qui est intéressant.
Vu en approfondissant les recherches sur le sujet:
Les sources fiables sur l’expérience sont rares. A l’époque, la « Troisième Vague » est mentionnée à deux reprises dans le journal du lycée, le Cubberley Catamount, d’abord dans une brève parue le 7 avril 1967 puis dans un article de fond peu détaillé. L’expérience est également citée dans le même journal, pendant l’année scolaire suivante. L’exposé le plus complet est un texte écrit par Ron Jones lui-même en 1972, cinq ans après les faits. De nombreux autres articles existent, mais tous sont nettement postérieurs à l’expérience.
Ca aurait été plus honnête de le préciser!
point n’est besoin d’être dictateur pour éliminer les têtes pensantes !
il semble bien que même en démocratie il est préférable d’avoir des électeurs qui se consacrent à Nabila plutôt qu’à la réflexion sur les programmes des uns et des autres
« Nabilla » prend deux « l » ! Mince, comment je sais ça, moi…
Plus sérieusement, bien sûr qu’il y a aujourd’hui un appauvrissement intellectuel véhiculé par la TV.
Mais est-ce un complot politique digne d’Orwell pour autant? Moi je ne pense pas. Les chaînes de TV doivent faire de l’audience pour générer de l’audience. Et les programmes qui fonctionnent le mieux sont ceux qui son franchement débiles.
Je pense plutôt à un « complot » publicitaire plus qu’a un complot politique.
Ensuite, la purge des intellectuels, on n’en est pas encore ici et encore heureux! Si c’etait le cas, je n’aurais certainement pas le droit d’ecrire ce commentaire, et encore moins ce site aurait le droit d’exister.
Donc c’est quand même pas si mal. On a le CHOIX de devenir intelligent (ou pas) même si pour cela il faut accomplir des efforts, ne pas suivre les médias et cultiver son sens critique. Pas si facile, j’en conviens!
Mais ce CHOIX permet d’affirmer avec certitude que nous ne sommes pas en dictature…
Ta gueule Jean-Claude. Tais-toi à tout jamais.
Je peux savoir pourquoi une réaction aussi insultante?
Bien d’accord avec vous RICART!!!!!!!!!!!
Si ce n’est pas le gouvernement qui organise la médiocrité des esprits, il en profite fortement…
Je l’avais bien dit que cet article ferait couler beaucoup d’encre!!!
C’est Inévitable de tomber dans ce genre de débat 🙂
Il y a un excellent film avec cette même histoire : La Vague
Hmm.. Titrer « La France peut-elle devenir une dictature? » et utiliser une expérience faite aux Etats-Unis comme argument principal de réflexion, c’est faire un hors sujet monumental. La société américaine n’a rien à voir avec la société française. Le fait que près de la moitié de la population US a (encore) voté pour Trump malgré 4 années de mensonges, propos délirants, acte dignes du dernier despote suffit à prouver combien ils sont propices à se soumettre à n’importe quel barjot pourvu qu’il les caresse dans le sens du poil…
Bref on aurait préféré un article qui traite vraiment du sujet annoncé en titre !