[Poésie] Le sens caché du « Bonheur est dans le pré »
Une comptine pour enfant ?
« Le bonheur est dans le pré » est une expression qui paraît tout à fait anodine évoquant le calme, la sérénité. Les plus cinéphiles reconnaîtront sans doute le titre d’un film d’Étienne Chatiliez sorti en salles en 1995, en hommage au poème de Paul Fort, le « Prince des poètes » comme il est parfois surnommé.
On se souvient tous avoir appris le poème tout mignon de Paul Fort (1872-1960) sobrement intitulé Le Bonheur quand nous étions petits. Comble du mauvais goût, nous le récitions la plupart du temps sur un rythme endiablé, qui la faisait ressembler bien plus à une comptine pour enfant qu’à un véritable texte poétique…
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite.
Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite.
Sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite.
De pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !
Plutôt mignon, non ?
Non, un brûlot contre la Guerre !
Pourtant, derrière cette apparente légèreté, se cache les horreurs de la Première Guerre Mondiale… Ce poème est écrit par Paul Fort en 1917, alors que le monde est ébranlé par le conflit le plus sanglant de son histoire.
Comment imaginer que l’auteur ait écrit des vers innocents, alors qu’il est le créateur et le rédacteur unique d’une revue patriotique nommée « Poèmes de France » de décembre 1914 à janvier 1917 ?
Le poète évoque sans doute possible les soldats de la Grande Guerre. Ces hommes qui se terrent dans leurs tranchées et qui sautent, non « par-dessus la haie » comme le bonheur du poème, mais en dehors des tranchées, sous le flot des balles ennemies.
Connaître le vrai sens de ces quelques vers apporte au texte une émotion nouvelle. Dans le dernier vers (« Cours-y vite. Il a filé ! »), c’est le bonheur de millions d’êtres humains qui filent sous nos yeux…
On peut ressentir cette impression bizarre d’avoir été trahis par l’Education Nationale, qui fait prendre un texte puissant et engagé pour une petite comptine anodine à des générations successives d’écoliers. Paul Fort doit se retourner dans sa tombe ! En toute bonne foi, qui plus est, la plupart des enseignants et enseignantes ignorant sans doute eux-mêmes ce sens caché.
Alors, maîtres et maîtresses d’école, si vous me lisez, je vous en conjure, arrêtez ce massacre et redonnez de la noblesse à ce texte magnifique en le replaçant dans son contexte ! Un enfant, même en bas âge, peut connaître la vérité.
Bonus
Une perle rare ! Pour écouter ce poème lu par le Prince des poètes : Paul Fort lit son propre poème, Le Bonheur :
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Je connaissais également cette « comptine ».
J’en ignorais totalement le sens caché. Merci pour cette mise au point. C’est vrai que c’est assez scandaleux de détourner ainsi le sens d’un texte.
Parmi d’autres exemples, il y a la chansonnette sur le roi Dagobert (qui a mis sa culotte à l’envers paraît-il) qui est en réalité un chant révolutionnaire.
bonjour mon prof me demande ques quil file danss la poesie moi j ai mis pepita vu qu i nous a dit de marquer uese qu on veut don voila mon conseille si vousaver marquer un message merci beaucoup celui qui regarde merci encors
Je pense être à côté de quelque chose… Mais je n’ai rien compris à ce message!
Le message principal du poème c’est surtout de profiter du bonheur avant qu’il ne passe, parce « la vie c’est comme le Tour de France, on l’attend longtemps et ça passe vite. »
C’est également mon avis, le poème vu dans ce sens est déjà fort.
Parfois lorsque le sens est trop caché, il faut aussi se demander à qui incombe la faute de la mauvaise interprétation.
Si au lieu de « bonheur » Paul Fort avait écrit « bon heur », peut-être que les enseignants y auraient décelé le vrai sens du texte …
Le bonheur à filé
Place au malheur !
Ces paysans de France
Ne sont devenus que
Chair à canon .
Souvenir d’un bonheur
Enfui
Enfoui
Dans leur mémoire .
Bonsoir,
Je ne comprends pas bien. Paul Fort a écrit ce texte pour ironiser sur le sort des poilus ?
Qu’il l’ait écrit en 17 est un peu léger pour conduire une interprétation.
ALors, oui, il y a le mot « bélier ». Mais on pourrait lui faire dire bien d’autres choses : la vigueur, la force virile, que sais-je ?
Certes, l’ache aurait été la fleur des défunts dans l’antiquité, mais cela a été vite remplacé par un symbole de joie puis de noblesse. Le serpolet serait plutôt une plante pleine de vertus.
Bref, il faudrait citer des sources, je trouve cette interprétation un peu légère.
Moi j aurais pensé que le bonheur est dans toutes choses y compris en nous même. Que le bonheur ç est simplement être en vie, en avoir pleinement conscience et en profiter chaque jours.
Pourquoi cette interprétation, sur quelle base ? Une petite explication serait la bien venue. Merci.
Sans cela, je continuerai à penser : le bonheur, il faut en profiter tant qu’il est là, ne pas le lisser filer
Coté enseignants, j’ai vu bien pire… : un prof qui ajoute un « e » à « La chair est triste , hélas ! Et j’ai lu tous les livres » et expliquant que Mallarmé était prof et lassé d’enseigner
À s’en tenir au texte, rien ne laisse entrevoir les horreurs sur lesquelles se fonde votre interprétation. Par contre, en fait d’horreurs, et si vous me permettez de vous citer, je lis : «Pourtant, derrière cette apparente légèreté, se cache (sic) les horreurs…».
N.B. Une mention pour muller et la vive clarté que jette l’interprétation de son professeur sur le texte mallarméen après correction d’une coquille, vieille de 150 ans et qui a égaré des générations sans nombre d’exégètes.
#balancetontypographe
Par le biais des nouvelles technologies de communication c’est tout le monde qui prétend être le détenteur de La vérité, Sa vérité.
Les conspirationnistes, à leurs têtes « Donalt Trump – l’orthographe est de moi », un idiot heureux, veulent remettre en cause – SANS ARGUMENTS À L’APPUI, une exigence scientifique pour étayer la vérité, des millions d’années d’expérience et d’évolution humaines.
Monsieur, c’est votre droit de faire cette lecture; mais pour rouler les gens dans la farine, il vous manque ce produit: l’argumention. Il va falloir faire appel à la Poétique en général et française en particulier. Je vous conseille Roman Jacobson, Todorov… pour commencer.
Ces derniers auteurs, excusez du peu, en rapport au sujet ici discuté, ont fait leurs preuves et défendu leurs thèses devant un membre du juré scientifique avec succès et confrontés des années durant celles-ci à des générations d’étudiants.
On ne débarque pas de nulle part, un jour, pour remettre en cause la circonvolution de la terre au tour du soleil, mis à part si l’on est Galilée et faut-il encore avoir vécu au 17e siècle de l’ère chrétienne.
Modestement bien vous.