Pourquoi l’économie est et restera une science inexacte
Il n’y a qu’à ouvrir son poste de télévision et tomber sur le premier débat politico-économique venu pour se rendre compte qu’il y a autant de points de vue différents sur les décisions à prendre qu’il y a d’économistes…
Pourquoi l’Homme, capable d’envoyer des hommes sur la Lune ou de créer des intelligences artificielles dignes des films de science-fiction les plus fous, est-il incapable de concevoir un modèle économique parfait? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre aujourd’hui.
Dans ses nombreux ouvrages de vulgarisation économique, Jacques Généreux définit l’économie comme l’étude de la façon dont les individus ou les sociétés utilisent les ressources rares en vue de satisfaire leurs besoins. Bon, OK. Mais avec ça, nous voilà bien avancés… Pour bien comprendre la complexité des phénomènes mis en jeu, prenons un exemple tout bête: la consommation de tomates.
La première idée qui vient en tête, c’est que plus les tomates seront chères, moins elles seront consommées. Scientifiquement parlant, on dit que la consommation de tomates est une fonction décroissante de leur prix. Notez par ailleurs que ce phénomène n’est pas vrai pour tous les produits, rappelez-vous par exemple ce cher effet Veblen!
Plus c’est cher, moins on consomme. Certes. Mais cher par rapport à quoi? Aux autres légumes présents sur l’étal de votre maraîcher préféré, bien sûr, mais également par rapport au revenu moyen du consommateur. Sans compter d’autres paramètres tels que le climat du moment (on se mangera peut-être plus facilement une bonne salade de tomates accompagné d’un filet d’huile d’olive sous un soleil estival que par un temps maussade), les campagnes publicitaires (le célébre « Mangez 10 fruits et légumes par jour » qu’on nous martèle régulièrement), d’effets de mode, voire d’actions politiques (qu’on pense À l’Ukraine qui, il y a quelques mois, face à l’arrêt des importations russes, se retrouvait avec un stock énorme de pommes à écouler… manger une pomme ukrainienne devenait alors un geste politique fort!).
Une étude aussi simple que celle de la consommation de tomates dépend de multiples variables!On le voit, une étude aussi simple que celle de la consommation de tomates dépend de multiples variables! Imaginez un peu le bazar quand il s’agit d’étudier – et surtout de prévoir! – le taux de croissance d’un pays ou l’impact d’une hausse d’impôts sur la consommation…
Et on comprend tout de suite mieux la difficulté de créer des modèles économiques fiables: aucun super-calculateur au monde, aucun cerveau aussi intelligent soit-il n’est capable de trouver LA solution idéale. Bienvenue dans le monde merveilleux de l’économie, fait de compromis, de convictions politiques, de valeurs morales et de gens payés une fortune pour faire des prédictions euh… pardon, des prévisions, qui ne se réalisent jamais…
Deux principaux courants de pensée se font face.
A ma droite, vous avez le courant dit classique, dans lequel les gens sont convaincus que le marché s’auto-régule. Les tomates ne se vendent pas suffisamment bien? Les vendeurs de tomates s’adapteront et baisseront les prix en conséquence. Une sur-consommation au contraire entraînant un épuisement des stocks? Pas de problèmes, les vendeurs augmenteront les prix. Du chômage? Pas de problèmes! Les marché de l’emploi va s’équilibrer tout seul en baissant les salaires! Ne leur parlez pas d’intervention de l’Etat! A quoi bon? Pour eux, l’Etat n’est là que pour assurer les fonctions régaliennes (police, éducation,…) et s’assurer que tous les acteurs économiques respectent les règles du jeu définies au préalable. C’est la notion d’Etat-gendarme, par opposition à l’Etat-Providence cher à leurs contradicteurs. Les partisans du courant classique, les libéraux, sont classés dans différentes écoles ou courant de pensée: les classiques, les néo-classiques, les monétaristes,…
A ma gauche, je vous présente les keynésiens (du nom de John Maynard Keynes, économiste du début du XXe ayant développé ces idées). Pour eux, la simple mécanique de l’ajustement des prix n’est pas suffisante pour réguler le marché. L’Etat se doit d’intervenir. L’âge d’or du keynésianisme a lieu après la grande crise des années 30 durant laquelle le libéralisme à montré ses limites. On se rend vite compte alors que la baisse des salaires prônée par les libéraux pour faire baisser le taux de chômage est une gageure: les entreprises n’embauchent pas seulement si la main d’oeuvre est bon marché. Il leur faut avant tout des débouchés pour les produits qu’elles mettent sur le marché! Qui dit baisse des salaires, dit baisse de la consommation… et donc aggravation des problèmes pour les entreprises qui peinent encore plus à écouler leur stock. Les keynésiens se frottent les mains: pas d’alternatives possibles, l’Etat est bien le seul espoir pour mettre un peu d’ordre dans tout ce bazar!
Que l’on soit d’un clan ou de l’autre, j’ai bien peur, hélas, qu’aucune solution n’existe pour satisfaire tout le monde… Diriger un pays est, et restera, affaire de compromis et de choix aux conséquences pas toujours prévisibles…
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Petite rectification: Pour les auteurs classiques, il n’y a même pas a se poser la question du chômage puisque pour eux cette notion n’existe pas vraiment. En effet pour eux, le chômage ne peut être que volontaire (compte tenu du salaire d’équilibre proposé par le marché, un individu au « chômage » est une personne qui décide lui même de ne pas vendre sa force de travail). Après, cela ne marche que si le marché ne subit aucune contrainte (pas de salaire minimum imposé, qui est forcement au dessus du salaire d’équilibre) et que les conditions de la concurrence pure et parfaite sont vérifiées (ce qui ne peut jamais être le cas).
Article tout a fait intéressant, qui aurait mérité d’être plus long, notamment en parlant des théories des cycles (Juglar, kitchin, Kondratiev), de Marx, ou en développant un peu plus les deux paradigmes présentés dans l’article ( différenciation classiques/néo-classiques, explication des politiques contra-cycliques (de relance) keynésiennes …).
En tout cas, ca fait plaisir de voir un article traitant d’économie sur ce site.
Merci beaucoup pour votre commentaire!
En effet, l’article est assez court et mériterait une suite… Ça tombe bien j’avais envie de me replonger un peu dans mes cours d’économie qui prennent la poussière depuis de trop longues années…
C’est en effet une discipline que je trouve tout à fait passionnante!
Petite blague d’économiste:
Combien faut-il d’économistes de Chicago [fief de l’école libérale américaine] pour changer une ampoule ?
Aucun, si elle doit être changée, le marché s’en chargera.
…Et sa blague miroir:
Combien d’économistes keynésiens faut-il pour changer une ampoule ?
Huit. Un pour changer l’ampoule et les sept autres pour maintenir toutes les autres choses égales par ailleurs dans la pièce.
Deux petites blagues qui ont quand même beaucoup de sens!
🙂
L’Economie est la seule discipline où deux personnes peuvent partager le même prix Nobel en racontant des choses complètement opposées…
Et c’est pas une blague! En 1974, Gunnar Myrdal et Friedrich Hayek ont tous les deux reçu le prix nobel pour l’ensemble de leur oeuvre.
Friedrich Von Hayek a perpétué la seconde école de Vienne, en s’opposant à Keynes.
Gunnar Myrdal de l’école suédoise, proche du courant institutionnaliste américain.
Une autre:
Comment appelerait-on l’Economie si elle n’utilisait pas d’hypothèses pour construire ses théories ?
La comptabilité.
et encore une autre:
La première Loi de l’Economie est : pour tout économiste, il existe un économiste d’avis contraire.
La seconde Loi de l’Economie est : ils ont tous les deux tort.
Bon, je vais arrêter, sinon je vais vous spammer toute la nuit! 🙂
Si on en est à faire de l’humour…
🙂
Sacré Djinnzz !!!