Connaissez-vous la Butte-aux-Cailles ?
Un quartier qui détonne !
L’atterrissage sans encombre de la montgolfière de Pilâtre de Rozier et du Marquis d’Arlandes sur la Butte-aux-Cailles en 1783, nous a précédemment amenés à évoquer le nom de cette colline du sud de la capitale.
Ce n’est certes pas un “monument” de Paris, encore moins que l’île Saint-Louis déjà présentée ici ! Mais, que l’on soit Parisien ou visiteur de la capitale, ce quartier qui occupe toute la partie ouest du 13ème arrondissement mérite vraiment plus qu’un détour.
Nous voici donc sur une “Butte” dont le point culminant atteint 63 m ! C’est-à-dire une altitude comparable à celle de la “Montagne” Sainte Geneviève et son Panthéon, mais portant un nom moins pompeux ! La “Butte Montmartre”, quant à elle, culmine à 130 mètres.
Pénétrer dans ce quartier, c’est changer de monde : rues souvent étroites, pavées et en pente, maisons et bâtiments anciens, petites places typiques, îlots de verdure très calmes… Ce lieu est magique et presque hors du temps ! De vieux pavillons et ambiance de village où les gens se connaissent et discutent entre eux, en plein cœur de Paris ? On croit presque rêver !
Ouvrir le plan du quartier sur Google Maps : Plan Butte-Aux-Cailles
Profitant des beaux jours et pour changer de la visite des musées, un amateur de promenades dans des petits coins encore tranquilles y découvrira des lieux insolites en plein cœur de la capitale…
Une transformation au fil des siècles…
Pendant des siècles la Butte-aux-Cailles a été recouverte de prairies et de bois dominant la Bièvre, petite rivière qui coulait à ses pieds. Le terrain fut acquis par un certain Pierre Caille en 1543, d’où, semble-t-il, le nom qui lui fut donné, en englobant toute sa famille : “les Cailles”. Pas question d’oiseaux !
Tout comme Montmartre et d’autres collines autour de Paris, la Butte eut ses moulins à vent, en particulier aux XVIIème et XVIIIème siècles pour moudre le blé et approvisionner Paris. En 1784, la décision de construire un mur tout autour de la capitale pour faciliter la perception de l’impôt sur les marchandises (le Mur des Fermiers Généraux) sépara physiquement la Butte du reste de la capitale.
Pas illogique étant donné que la Butte dépend alors de la commune de Gentilly et ne sera rattachée à Paris qu’en 1860, comme bien des villages et hameaux périphériques.
En 1871, elle fut également le théâtre de la révolte de la Commune avec élévation de barricades et provoquant de nombreuses victimes.
Du XIXe siècle à nos jours
La Butte-aux-Cailles fut longtemps occupée par les métiers de l’eau le long de la Bièvre : bouchers, teinturiers, tanneurs, chiffonniers… On l’a largement oublié aujourd’hui, mais la Bièvre était une rivière qui irriguait jadis la capitale avant de se jeter dans la Seine. Peu à peu, elle fut polluée notamment par ces activités peu regardantes vis-à-vis de l’environnement… Au cours du XIXe siècle, la rivière se transforma donc en égout à ciel ouvert ! Les autorités décidèrent finalement, pour des raisons d’hygiène, de la recouvrir totalement.
La fin du XIXème et le début du XXème siècles virent s’installer d’importantes usines, telles que Panhard (constructeur automobile), Say (raffineries et sucreries), Thomson (production et transport d’électricité)… D’où la construction de logements pour les ouvriers qui venaient souvent chercher du travail de diverses provinces, et même de l’étranger. La présence d’anciennes carrières de calcaire amena à construire des pavillons et petits bâtiments afin d’éviter des injections profondes de ciment pour réaliser des fondations alors trop chères et difficiles.
Ces usines disparurent (ouf !) dans les années 1960, mais la plupart des maisons ouvrières, elles, sont toujours là ! Elles contribuent largement au charme du quartier.
Un monde de contrastes
La disposition des lieux rend difficile la présentation d’un itinéraire précis. Mieux vaut se laisser aller au gré des rues, ruelles, passages et places qui réservent toujours d’agréables surprises…
Le point de départ recommandé est certainement la Place d’Italie où commence la rue Bobillot qui partage la Butte en diagonale jusqu’à la Place de Rungis. Une des premières choses qui frappe le visiteur, c’est le contraste entre l’agitation des grands axes et l’ambiance calme des rues étroites et pentues ! On pénètre dans un monde différent où l’on se sent bien.
Le Street-Art
Les murs sont fréquemment décorés par du “street art”, souvent élaboré et plus agréable (mais c’est bien sûr subjectif) que ce que l’on rencontre habituellement en ville ! Les connaisseurs apprécieront en particulier les pochoirs en noir et blanc de Miss Tic qui se décrit comme une femme poète d’art urbain. Apparaît souvent sa “Femme fatale” en jupe noire avec des commentaires à double sens.
Petite Alsace et Petite Russie !
La rue DAVIEL à l’ouest présente plusieurs points d’intérêt :
La cité ouvrière dite “la Petite Alsace” est un ensemble de 40 maisons mitoyennes en briques, de style alsacien précisément, bâties autour d’une cour centrale de 500 m². Elles furent construites en 1913 pour accueillir des familles ouvrières… et nombreuses (de plus de 10 personnes !).
Visible depuis cette cour, ”la Petite Russie” est un ensemble de 16 pavillons blancs, accolés en deux grandes bâtisses entourées d’une terrasse commune. C’est la compagnie de taxis Citroën qui la fit construire en 1912 pour héberger ses chauffeurs, souvent d’origine russe. D’où son double nom de “Petite Russie” et “Cité Citroën”! Les taxis étaient garés sous la terrasse.
La “Villa Daviel” juste de l’autre côté de la rue invite à une petite incursion dans la verdure et le calme.
Un temple antoiniste ?
En descendant la rue Daviel jusqu’au premier carrefour, l’on tombe nez à nez avec une construction toute blanche à forme surprenante : un temple dit “Antoiniste” bâti en 1913. Son fondateur belge L.J. Antoine a promu ce culte d’inspiration chrétienne, mais axé sur une forme de “thérapie religieuse” et de foi en la guérison physique.
Deux autres temples “antoinistes” existent d’ailleurs dans d’autres quartiers parisiens. À son apogée, ce mouvement religieux disposa de 64 temples à travers le monde et compta quelque 200 000 fidèles… avant de tomber peu à peu dans un oubli relatif (selon certaines estimations, seules 2500 personnes se réclament encore de l’antoinisme aujourd’hui).
Souvenirs de la Commune
La « Place de la Commune de Paris », le bar « Le merle moqueur » ou encore le restaurant « Le temps des cerises » sont autant de clins d’œil au mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris. La chanson Le Temps des Cerises est en effet un des hymnes utilisé par les insurgés…
La place Paul Verlaine
La place « Paul Verlaine » (le poète étant d’ailleurs un soutien de poids aux Communards !) demande un arrêt un peu plus marqué… C’est ici même (entre deux moulins à l’époque !) qu’a atterri la première montgolfière en vol non captif en novembre 1783, événement rappelé par une plaque commémorative en forme de stèle.
Un puits artésien de 620 mètres de profondeur fournit jusqu’à 6000 m3 d’eau à 28°C par jour. Son creusement avait commencé en 1866, mais les travaux furent interrompus et l’eau ne jaillit pour la première fois qu’en… 1903 !
L’une des plus anciennes piscines de Paris de style art-déco et classée « Monument Historique » avec sa voûte et son carrelage type « métro » occupe tout un côté de la place.
Et, last but not least, c’est aussi le rendez-vous des joueurs de pétanque de la Butte !
Une église en chocolat
Achevée en 1912, l’église Sainte-Anne est d’un style romano-byzantin. Elle est bâtie sur 71 pilotis sur le remblai de couverture de la petite rivière la Bièvre pour s’appuyer sur la roche, 20 mètres plus bas. Sa façade s’est vu attribuer le surnom de « façade chocolat », car elle a été réalisée grâce au financement des chocolats Lombard en 1898. Chacune de ses tours porte le nom des donateurs : Jules et Honorine !
Le square des peupliers
Avec son triangle de maisonnettes et leurs jardinets de façade, c’est sans doute le plus bel îlot de tranquillité de la Butte.
Et ensuite ?
Si vous avez encore la force de marcher, descendez jusqu’à la place de Rungis qui vous mènera dans la “Cité florale”, un hameau de petites maisons colorées datant de 1928, chacune ayant son jardin dans des rues plantées d’arbres et aux noms évocateurs : Glycines, Iris, Liserons, Mimosa, Volubilis et Orchidées.
Vous pourrez ensuite profiter du Parc Montsouris, de ses 1400 arbres et ses oiseaux, à deux pas, pour vous reposer, avant le retour vers l’animation et le bruit des grandes avenues !
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Merci pour cette balade dans un quartier que je connaissais mais dans lequel je n’ai encore jamais mis les pieds…
Honte sur moi !
Je ne savais pas que le temps des Cerises, un air magnifique par ailleurs, était lié à de tragiques incidents…
On en apprend tous les jours.
Je partage. C’est ce qui rend, entre autres, cette balade proposée par l’auteur aussi vivante et intéressante.
Vous vez oublié de préciser que ce quartier est un repaire de bobos et qu’il est maintenant envahi de touristes…
Bref, il a complètement perdu le charme désuet qui faisait de lui un quartier unique. Dommage.
Ce n’est pas propre à la Butte-aux-Cailles… Les bobos colonisent toutes les grandes villes d’occident… Et c’est une espèce qui se reproduit, en plus ! lol
Vues les photos, c’est un quartier qui semble très paisible en plein cœur de Paris, c’est le moins que l’on puisse dire !
J’avais entendu parler de quartiers entiers dans Paris dans lesquels on ne pouvait pas rentrer en voiture et où régnaient une ambiance « village ».
Je ne me rappelle plus de leurs noms… La Butte aux cailles en ferait-elle partie ?
Oui, plusieurs quartiers de la Butte-aux-Cailles en font partie, même si la voiture y circule quelque peu. Paris en compte d’autres, en particulier dans les arrondissements périphériques qui comportaient des villages annexés à la capitale en 1860, comme le 19ème et 20ème.
Quelques noms : « La Campagne à Paris » Porte de Bagnolet. La colline de Charonne derrière le Père Lachaise. La « Butte Bergeyre » près des Buttes Chaumont, le quartier de la Mouzaïa également près des Buttes, certains coins de Ménilmontant et derrière Montmartre… Bonnes visites peut-être !
Une balade plaisante dans un très beau quartier, sous l’angle patrimonial mais aussi historique…
Merci pour ce moment de lecture
Bonjour,
J’ai découvert ce quartier grâce, en quelque sorte, à cet article !
Que de richesses à découvrir et quelle balade plaisante que celle proposée par Spritz92, merci beaucoup ! Des curiosités, au détour d’une rue, un quartier et des rues préservées des affres de la ville et des surprises à chaque coin de rue avec MissTic et autres traces de street art !
Vous passerez un super après-midi, courrez-y et ensuite, une fois que vous y êtes, marchez tranquillement !
Je suis d’accord avec Benj !
J’habite dans un quartier pas très loin de la Butte-aux-Cailles et j’adore y flâner…
L’atmosphère y est reposante, loin du tumulte parisien.
Pour dire vrai, le quartier était encore plus agréable il y a 30 ans, mais il faut bien accepter que les temps changent… Et nous avec lui, malheureusement.
Durant mes années parisiennes, j’ai flâner dans ce quartier particulier où l’on se sent en province, tellement on est dépaysé.