Une fois son frère Rémus tué suite à une querelle de pouvoir (après avoir revisité Moïse sauvé des eaux, voilà nos jumeaux en plein remake de Caïn et Abel!), Romulus trace autour de la colline du Palatin un sillon à l’aide d’une charrue. Je passe rapidement sur cet épisode dont nous aurons l’occasion de reparler un jour ou l’autre (différentes versions de la mort de Rémus existent suivant les auteurs). Quoi qu’il en soit, nous sommes en 753 avant Jésus Christ, et ce sillon marque les frontières légendaires de la future ville de Rome pour les siècles à venir.

Bon, c’est bien beau d’avoir un terrain pour construire une cité, mais notre pauvre Romulus est tout seul pour l’habiter… Il décide de partir en quête des bouseux des régions alentours pour commencer à peupler sa cité. Voilà donc notre Romulus bientôt entouré de bergers, de voleurs et de racailles en tous genres…

– Bonjour, cher ami! Cela vous siérait-il de vous installer dans mon humble cité?
– Hein?! Qéch’ qu’y rôconte, ch’ti lô? [Oui, les bouseux du coin ont l’accent ch’ti. C’est comme ça.]
– Je suis Romulus, le créateur d’une des plus belles cités du monde. Venez donc vous joindre à moi et participer à cette extraôôôrdinaire aventure dont je suis le précurseur!
– Alors lô, mi j’sro nin d’acor du tout hein! Ferm’ donc eut’bouc’, tin nez va cair’ eud’din!
– Bon, OK, la voie diplomatique ne marche pas… Alors maintenant vous ramenez vos miches, un point c’est tout!
– Oh, oh! Fallô pô ch’énerver, hein, m’biloute! In arriv’!

Mais les bouseux du coin n’ont pas de femmes… Afin d’assurer la pérennité de sa future cité, Romulus se voit donc contraint d’enlever les femmes de la région voisine: la Sabine. Les années passent, et les Romains traitent plutôt bien leurs jeunes épouses.
Bien sûr, les Sabins ne l’entendent pas de cette oreille! Menés par leur chef Mettius Curtius, ils organisent une expédition punitive pour récupérer leurs jeunes donzelles et rentrent dans Rome armés jusqu’aux dents.

L’intervention des Sabines, par Jacques-Louis David (1799, Musée du Louvre)

C’est cette scène que décrit le tableau de Jacques-Louis David, L’Intervention des Sabines, dans laquelle les deux camps se font face et sont prêts à en découdre. Mais les Sabines, accomodées à leur nouvelle vie, sont maintenant devenues des Romaines à part entière (une illustration parfaite du syndrome de Stockholm!) et se placent au milieu du champ de bataille pour faire cesser cette tuerie.

Leur médiation est très utile: grâce aux Sabines, les deux peuples vont finir amis et conclure une alliance, Romulus régnant même la main dans la main avec le roi sabin Titus Tatius… Avant bien sûr de devenir roi unique après la mort mystérieuse de ce dernier!

Durant ses 38 années de règne, Romulus organise l’État sur un plan politique (il fonde le Sénat), militaire, religieux et social. Il aura comme successeur 6 autres rois, de Numa Pompilius (qui réforma notamment le calendrier, rappelez-vous…) à Tarquin le Superbe. L’impopularité, la cruauté et l’incompétence de ce dernier aboutira au renversement de la monarchie et à l’instauration de la République romaine en 509 avant Jésus-Christ.

De nombreux autres peintres se sont inspirés de l’épisode de l’enlèvement – puis de l’intervention – des Sabines: Nicolas Poussin, Niccolò Bambini, Johann Heinrich ou encore Pietro da Cortona.