Le Caravage contre Artemisia Gentileschi
Le Caravage (1571 – 1610), si vous êtes un fidèle lecteur d’EtaletaCulture, vous connaissez. Mais si, rappelez-vous, c’est lui qui a peint, entre autre, ce magnifique tableau, le Crucifiement de Saint-Pierre.
Artemisia Gentileschi (1593 – 1652), par contre, nécessite une présentation plus approfondie. Dans le sillage du Caravage, elle est une des figures de proue du féminisme au début du XVIIè siècle, et met un point d’honneur à peindre des sujets historiques ou bibliques à une époque où l’on considère ces sujets comme inaccessibles à une femme. Une de ses plus célèbres toiles est Judith décapitant Holopherne, s’inspirant de l’épisode biblique que nous avons déjà eu l’occasion de détailler. Avec ce tableau, elle s’attaque à un sujet déjà traité par Le Caravage une vingtaine d’années plus tôt, en 1599. Quel est l’intérêt de peindre un sujet déjà traité? Quelle est la valeur ajoutée de l’oeuvre d’Artemisia? C’est ce que nous allons voir!
- La version du Caravage
- La version d’Artemisia Gentileschi
Judith décapitant Holopherne, par le Caravage, 1598
Le Caravage est le premier à représenter la scène où Judith tranche la tête d’Holopherne, ses prédécesseurs s’étant contentés de la représenter en train de brandir ladite tête. Et ce spectacle horrible choque par sa crudité. Les gerbes de sang qui jaillissent de la gorge du général assyrien rappelle l’horreur de la décapitation. Le décor sombre, totalement épuré, centre la scène sur l’action et ne permet pas au regard d’échapper au spectacle sanglant.
– Ouais! Trop cool! J’adore la tête que fait le mec avant de crever! Lol!
– Euh… Kevin… Tu me fais décidément très peur, parfois…
Judith décapitant Holopherne, par Artemisia Gentileschi, 1620
Dans la continuité du Caravage dont elle se veut l’héritière, Artemisia apporte néanmoins une version bien différente de la scène. La vieille servante du Caravage est remplacée par une femme jeune et énergique. Là où Judith paraît fragile et apeurée chez le Caravage, elle est déterminée et ne paraît pas hésiter une seule seconde, réalisant sa sombre et lourde tâche de façon méthodique. Le rideau de couleur rouge est remplacé par un linge blanc, faisant encore plus ressortir les gerbes de sang.
Une des interprétations possibles de ce tableau est l’allégorie au viol que l’artiste a subi dans sa jeunesse par son maître en peinture, un certain Agostino Tassi. Pourquoi une telle interprétation? Tout simplement parce qu’Artemisia a donné ses propres traits à Judith et ceux d’Agostino Tassi à Holopherne… On peut imaginer que ce n’est pas la tête de son violeur qu’Artemisia rêve de décapiter, mais bien sa paire de couilles!
Cette anecdote biographique ne doit pas cacher le réel talent de cette artiste très célèbre à son époque (elle est même la première femme à entrer à l’Académie de Florence), pourtant quasiment inconnue aujourd’hui.
Personnellement, j’ai un petit faible pour la version d’Artemisia. Et vous, quelle est votre version préférée?
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J’ai du mal à avoir une préférence pour les oeuvres, tant elles sont proches.
La différence proncipale vient à mon avis de l’expression des visages de Judith et sa servante. C’est vrai que l’expression dans la version du Caravage n’est pas très crédible. On imagine plutôt une femme forte qui n’hésite pas, un peu comme dans la version d’Artemisia.
Par contre, j’aime bien la tête de la vieille dans la version du Caravage 😛
Un bon article qui introduit assez bien Artemisia Gentileschi, une artiste que je ne connaissais que de nom…
Article passionnant comme d’habitude mais le maitre italien qui aurait violé Artemesia est
Agostino Rossi ou Agostino Tassi ?
Vous citez les deux, je pense à une faute de frappe mais lequel est le bon.
Longue vie au site …
Merci à vous de signaler l’erreur. C’est bien d’Agostino Tassi dont il est question (j’ai corrigé l’erreur).
…Et merci pour vos encouragements! 🙂
Ce site est vraiment exeptionnel !!! Merci !!!
Ma préférence va sans hésitation à la version d’Artemisia