[Histoire de l’art] Le rose, symbole viril ?
Le célèbre portrait d’Henri IV en Mars (le Dieu de la guerre, pas le mois du calendrier) m’a toujours amusé. Le contraste entre l’air triomphant du monarque, foulant aux pieds les armures de ses ennemis, et le rose bonbon de ses vêtements est comment dire… euh… troublant.
Je me suis posé récemment une question : existe-t-il d’autres tableaux où le rose est ainsi à l’honneur? Pour en avoir le cœur net, j’ai passé des heures ces dernières semaines à scruter des milliers de tableaux, à la recherche de cette fameuse couleur…
(WikiPainting et l’appli Art-droid n’ont plus aucun secret pour moi)
Premier constat : c’est pas vraiment un scoop, mais je vous confirme que le rose n’est VRAIMENT pas une couleur très utilisée par les artistes avant le XIXe siècle.
Deuxième constat : jusqu’au XVIIIe siècle, le rose est associé presque exclusivement… aux hommes. À tel point qu’on entend souvent dire que le rose, durant le Moyen-Age et la Renaissance, était un symbole de virilité. Idée reçue ou fait historique ? Je n’ai pas vraiment trouvé de réponse concluante sur le sujet… Même Michel Pastoureau, LE grand spécialiste de l’histoire des couleurs, s’abstient d’en parler dans son Petit Livre des Couleurs… Et la petite dizaine de tableaux que j’ai repérés parmi l’immense océan de la production artistique de cette époque ne sont pas suffisants pour en apporter la confirmation…
En fait, avant la fin du XVIIIe siècle, la couleur rose n’existe pas vraiment, ou du moins est-elle très mal définie. On parle alors plutôt de « rouge clair », de « rouge blanc » voire d’incarnat (de l’italien incarnato, dérivé de carne, « chair » ). Le rose, c’est la couleur de la chair, point final.
Puis, petit à petit, grâce à l’extravagance de certains artistes, le rose va s’émanciper du rouge dont il est issu et pourra enfin mener une vie indépendante…
Aujourd’hui, et depuis que le mouvement romantique du XIXe siècle s’en est emparé, le rose est l’incarnation de la tendresse, de la féminité, de la douceur. Mais il peut aussi être synonyme de mièvrerie, ainsi en est-il de l’expression « à l’eau de rose ». Encore plus péjorativement, le rose est la couleur associée à l’homosexualité…
Assez de blabla, place aux images !
Avant le XVIIIe siècle, toutes les traces de rose que j’ai trouvées sont liées à la représentation masculine…
En mode truc bizarre sur la tête :
Y’a pas à dire, Dante Alighieri a la classe incarnée ! On retrouve le héros de la Divine Comédie entouré d’autres illustres personnages…
Du rose et du noir ? Je vois, Monsieur a du goût…
C’est un Saint Sébastien sexy à souhait que nous offre Le Bronzino… Depuis que j’ai lu Confessions d’un Masque de Mishima et la description de ses fantasmes sur une représentation de Saint Sébastien, j’éprouve moi aussi pour ce personnage une fascination étrange…
Même le Christ a droit à sa version rose en 1545… Ce tableau du Bronzino est magnifique !
(et mérite à lui seul le voyage au musée des Beaux-Arts de Nice !)
Le Bronzino, encore et toujours lui, était décidément un grand adepte de cette couleur !
(pour notre plus grand plaisir, bien sûr)
Le revers de col rose sur une chemise noire… un style intemporel.
Bon, jusque là il n’y a pas vraiment de faute de goût. Les hommes ont souvent la classe en rose, ce qui me fait dire qu’on devrait oser le rose plus souvent dans la vie de tous les jours… Mais sachez-le, il y a des limites à ne pas franchir…
(je vais vomir et je reviens)
Et c’est à peu près tout ce que j’ai trouvé !
(n’hésitez pas à me faire parvenir d’autres œuvres que vous connaissez…)
(… parce que y’a pas de raison que ce soit toujours le même qui bosse !)
Le rose et la femme
A partir de maintenant, on bascule de l’autre côté de l’histoire du rose. Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle / début XIXe. Les romantiques ont plein d’idéaux en tête et réinventent les codes de l’art et de la littérature. Par un petit tour de passe-passe, le rose se retrouve maintenant associé à la figure féminine… À partir de là, l’utilisation de la couleur se multiplie !
Que ce soit dans le milieu artistique…
…dans la vie de tous les jours…
… ou dans un contexte plus polisson !
Et aujourd’hui ?
Le rose tente une percée dans le monde de la mode masculine…
Gagnera-t-il la bataille ? Moi, je vote oui !
Mais l’Histoire nous le dira…
*** BONUS ***
Et, en exclusivité mondiale, voilà un tuto fourni par Wikihow pour obtenir la couleur rose à partir de peinture rouge et de peinture blanche. Bien sûr, parce qu’on est des gros débiles, chaque étape est illustrée avec une séquence vidéo.
1/ Mettez de la peinture blanche sur votre palette.
2/ Mettez de la peinture rouge sur la même palette.
3/ Mélangez le rouge et le blanc avec votre pinceau.
4/ Rajoutez un peu de rouge si vous voulez un rose plus foncé. Plus vous ajouterez du rouge, plus votre rose sera foncé.
5/ Mélangez le tout avec votre pinceau. Mélangez jusqu’à obtenir une couleur rose.
Merci les gars, que deviendrait-on sans vous !
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Djinnzz
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Toujours aussi intéressant, même si j’aurais préfré un peu plus de détails sur la bascule entre rose associé à l’homme et rose associé à la femme…
Passionnant !
Bravo pour l’idée, c’est un très bon angle d’attaque !
Je vais lire mes livres sur la peinture, voir si je ne trouve pas un tableau avec du rose moi aussi :p
Salut à tous
j’aime beaucoup ce site pour une fois que je trouve quelque chose de chronophage mais vraiment intéressant.
Au fait vous auriez pu ajouter que le bleu est la couleur de la vierge marie (le drapeau européen en est tiré, après tous)
pour la transition bleu = fille à bleu = garçon, il existe un nombre incroyable d’histoires plus ou moins vraisemblables :
Le bleu fut la couleur des rois de France et elle fut donc attribué aux garçons, plus important pour une famille (Sic…), l’origine du rose pour les filles est quant à elle plus confuse. Certains estiment que cela viendrait de la légende selon laquelle les filles naissent dans les roses (et les garçon naissent dans le bleu d’Auvergne…).
Le bleu, couleur de la Vierge, était dévolu aux filles ; or selon Elyzabeth Erwin, ce fut justement parce que cette couleur céleste avait la réputation d’éloigner le diable que l’on colora les garçons de bleu, les filles appelant une protection moins vigilante à cause de la moindre importance dans laquelle elles étaient tenues (soyons fous et au diable les filles) héritèrent du rouge (couleur du sang menstruel) qu’on rendit moins violent en l’atténuant en rose.
Ma préférée : Au XVIIIe siècle, la tradition antique fait son retour en occident. A l’apogée des Lumières, la Grèce et son modèle de démocratie constituent pour les penseurs de l’époque une référence absolue. C’est alors que
madame de Pompadour entre en piste. Philippe Rouet, un peintre belge, a mis au point une innovation technique et artistique, il a inventé un nouveau rose sur la porcelaine de la manufacture royale de Sèvres. La favorite de Louis XV s’entiche de ce rose, d’une finesse exquise, et la Cour avec elle. La marquise de Pompadour l’impose partout à Versailles, notamment sur les tenues des petites filles, mais aussi les couvre-lits et même les pots de chambre ! Désormais, le rose est associé aux valeurs féminines : beauté, douceur, fragilité.
choisissez votre version et à tout les coups on gagne…
Mince j’en ai oublié les tableau avec des messieurs en rouge/rose
alors :
« La rencontre » de Fragonard
« Les noces de Cana » ou « la tentation de st antoine » de Caliari
« Portrait d’un homme » de Campin
« St Jérôme dans son oratoire » (le st le plus flippant qu’il m’es était donné de voir) de Van Reymerswaele
« L’adoration des mages » de Bruegel l’ancien (la le mage c’est lâché sur le rose :))
J ai partagé pour cet article intéressant et ton com Branko qui lui apporte cette petite touche supplémentaire. Merci à vous deux.
Bonjour Padawan Djinnzz et vous tous aussi.
Vous avez cherché le »rose » »masculin » mais depuis que Malherbe l’a constaté, la couleur rose est justement victime de sa couleur : »Et rose, elle vécut ce que vivent les roses, l’espace d’un matin… »
Mais gardons espoir, »le rose masculin » aurait tendance à refleurir…
Mais ce n’est qu’une opinion d’un ex-apprenti teinturier…
Après une nuit qui aurait dû me porter conseil… Si je puis me permettre de reprendre la parole (pardon, je voulais dire l’écriture du com) je me demande encore pourquoi le peintre a choisi le »rose » pour habiller le »vert galant » même s’il le voit en » dieu Mars »…
En fait vert galant veux dire que le galant est encore vert, en gros que c’est une vieux vicieux 🙂
vous me sidérez j’ignorais que le rose était symbole de virlité dans le temps , mais maintenat certains hommes portent rose dehors et personne les calculent
Pour compléter votre collection de tableaux d’hommes habillés en rose, allez voir du côté de Michel-Ange et de sa représentation du prophète Esaïe…
Je mets le lien pour vous faciliter les recherches.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0b/Isaiah-Michelangelo.jpg
Le rose pour les garçons est du rouge (rage) adoucit de blanc pour devenir de la bravoure, nécessaire au combat (donc appliquée principalement aux hommes, les femmes ayant des règles bleues comme tout le monde le sait depuis l’invention du marketing).
C’est la réponse que je cherchais; j’ ai vu de nombreux tableaux de la renaissance aux Offices de Florence et, j’ ai remarqué que st jean baptiste est souvent représenté vêtu d’une peau d’animal ET d’un manteau de couleur toujours rose.
En tout cas les Offices sont plein de rose, et pas seulement sur saint jean baptiste!