[Heures sombres de l’Histoire de France] La Bataille de Crécy
Crécy, Poitiers, Azincourt: voici en trois mots résumées les heures les plus sombres de l’Histoire de France! En à peine 70 ans, les déculottées s’enchaînent face aux Anglais, pourtant inférieurs numériquement. Le pire de tout? C’est le même scénario qui se reproduit à chaque fois!
Automne 1337. Alors qu’Edouard III, roi d’Angleterre, affirme sa légitimité sur le trône de France (après tout, il est lui-même petit-fils de Philippe le Bel!), Philippe VI, roi de France, a de bonnes raisons de croire en une victoire rapide face aux velléités des Anglais. Plus peuplée, plus puissante, plus riche… la France est sans conteste bien au-dessus de sa voisine insulaire! Philippe VI en est sûr, Édouard III ne mettra jamais ses menaces d’invasion à exécution…
Pourtant, le débarquement des troupes anglaises en Normandie a bel et bien lieu… Nous sommes en juillet 1346 et les mauvaises nouvelles ne font que commencer pour notre malheureux roi de France…
Si la Perfide Albion débarque en Normandie, ce n’est pas un hasard. Elle dispose du soutien inconditionnel de Geoffroy d’Harcourt, ancien seigneur local bien décidé à se venger de Philippe VI qui l’a contraint à l’exil. Forte de plus de 20.000 hommes, l’armée anglaise avance en véritable rouleau compresseur et se dirige dangereusement vers Paris…
Branle-bas de combat! Toutes les forces françaises se concentrent sur la capitale, où on se prépare à la bataille finale. On affûte les lames, on répare les murs de fortifications à la hâte et on attend de pied ferme que l’ennemi pointe le bout de son épée. Quelle frustration quand on se rend compte que l’ennemi change de cap et se dirige vers le Nord!
Prendre d’assaut Paris? Édouard III n’est pas fou! Il sait qu’il n’a aucune chance. À la bataille rangée il préfère le jeu du chat et de la souris et prend la poudre d’escampette. Vers Poissy, il construit hâtivement un pont enjambant la Seine et continue sa course en avant.
Les Français interprètent cette stratégie comme un aveu de faiblesse. Que fait le lion quand sa proie s’enfuit en courant? Il lui court après, pardi! Et c’est exactement ce que fait Philippe VI, à la tête d’une armée forte de plus de 50.000 hommes. La course-poursuite entre les deux monarques commence. Tremble, Édouard! Ta dernière heure est venue!
Si Édouard III parvient à rejoindre la Flandre, il sait qu’il aura partie gagnée. La-bas l’attendent ses alliés flamands qui sauront lui prêter main forte. En attendant, un ultime obstacle géographique se dresse devant lui: la Somme! Et son avance sur l’armée française fond comme neige au soleil… Construire un pont? Impensable! Surtout que les Picards l’attendent de l’autre côté du fleuve, bien décidé à saigner du Rosbeef si l’occasion se présente.
L’océan à sa gauche, la Somme et des Fatals Picards devant lui, l’armée du roi de France qui lui colle au train… Édouard III est en bien mauvaise posture! A moins d’un miracle, son périple en terre française s’apprête à connaître une fin lamentable… Un miracle, justement, va se produire… devant l’urgence de la situation, il n’hésite pas à proposer 100 pièces d’or à quiconque lui indiquerait un passage à gué.
Quand un certain Gobin Agache, attiré par l’appât du gain, lui fait part du passage de Blanquetaque, permettant à marée basse de traverser le fleuve avec de l’eau jusqu’à la taille, Édouard III en pleurerait presque de joie!
Edouard III traversant la Somme, Benjamin West, 1788
Le 24 août, l’armée anglaise franchit enfin le fleuve, talonné de près par les hommes de Philippe VI. Mais tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant… Il est de l’autre côté de la Somme, certes, mais il est maintenant cerné par les marais! Édouard III doit se rendre à l’évidence: il ne pourra plus échapper à l’affrontement. Au moins la traversée de la Somme lui aura-elle permis de gagner du temps et de choisir le terrain de la confrontation. Il s’installe avec son armée sur une colline non loin de la forêt de Crécy. 20.000 Anglais contre 50.000 Francais… une bataille épique se prépare!
Coté Français, c’est l’effervescence. Tout le gratin de la chevalerie est réunie pour s’illustrer sur le champ de bataille. On joue des coudes, on se bouscule pour être en première ligne! Il faut dire qu’ils ont fière allure, ces chevaliers. Caparaçonnés de fer, armés d’une longue lance et d’une imposante épée à deux lames, qui peut les arrêter quand ils sont lancés à toute allure sur leur destrier?
Côté Anglais? On se prépare à réitérer la même stratégie éprouvée contre les Écossais une dizaine d’années plus tôt, où une pluie de flèches avait fait le boulot. On compte largement sur l’aveuglement de l’adversaire qui risque, comme toujours, de foncer dans le tas sans réfléchir…
6000 archers vs. 6000 arbalétriers. And the winner is…
26 août 1346. Les deux armées se font maintenant face. Pour contrer les archers anglais, Philippe VI envoie ses arbalétriers génois en première ligne. 6000 mercenaires armés de puissantes armes de jet, voilà qui devrait calmer les ardeurs du Plantagenêt! Manque de bol, la pluie incessante depuis plusieurs heures ont raison des cordes de leurs arbalètes qu’ils parviennent difficilement à bander. Surtout, l’Anglais a lui aussi aligné les 6000 meilleurs archers du Royaume, équipés de longbow, des arcs redoutables de près de 2 mètres de long capables de tirer à plus de 150 mètres ! Et ils disposent de l’avantage du terrain: les arbalétriers se retrouvent au milieu du champ de bataille, dans la boue et sans protection, quand les archers sont protégés de la pluie et des carreaux ennemis…
À un lancer de carreaux répond trois ou quatre volées de flèches qui obscurcissent le ciel. Très vite, c’est la déroute! Lâchant leurs armes, faisant fi de toute notion d’honneur ou de vaillance, les génois s’enfuient en courant!
La bataille de Crécy: observez les arbalètes génoises à gauche et les longbow anglais à droite
Le fleuron de la chevalerie française entre en scène
Que ces maudits Génois aillent au diable! Qu’a-t-on besoin d’eux, de toute façon, quand on dispose des plus redoutables chevaliers du monde? Philippe VI donne le signal de la charge. Et tant pis pour les arbalétriers encore coincés sur le champ de bataille qui se font littéralement écrasés par la cavalerie lourde!
C’est du pain béni pour les archers anglais qui continuent à faire pleuvoir d’incessantes flèches meurtrières… Et aux troupes au sol d’achever le boulot quand quelques rares Français parviennent laborieusement à rejoindre les lignes ennemies…
Mais contrairement aux Génois, les Français restent dignes face à la mort. N’y voyons là cependant aucun patriotisme exacerbé, à l’instar des 300 de Léonidas qui sacrifièrent leur vie pour leur patrie. Ici, on combat et on donne sa vie avant tout pour l’honneur et la réputation de son nom de famille…
Un roi humilié
Quand il comprend que la partie est perdue, Philippe VI ne demande pas son reste et comble du déshonneur, s’enfuit du lieu des combats.
Battu, humilié, il ne se remettra jamais vraiment de la cuisante défaite de Crécy. En attendant, les Anglais achèvent les blessés sur le champ de bataille. En moins de 24 heures, et contre toute attente, la France vient de perdre l’élite de son armée.
Au lendemain des combats, Édouard III reprendra tranquillement la route vers Calais, où un singulier épisode de l’Histoire mettra en scène des Bourgeois qui deviendront célèbres…
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A noter tout de même que la traversée de la Somme à Blanquetaque n’a pas été une partie de plaisir pour les Anglais.
Le gué étant défendu par les troupes françaises fortes de 12 000 hommes, c’est ce que montre d’ailleurs le tableau de Benjamin West en illustration à l’article. Les Anglais ont gagné cette bataille, ce qui augmente leur mérite d’avoir ensuite gagné celle de Crécy…
Bon article sinon.
Keep calm and goin on!
Un petit copier-coller de Wikipedia qui me semble intéressant à propos du passage de Blanquetaque:
Le gué de Blanquetaque reliant la rive Nord à la rive Sud de la Somme est situé entre Port-le-Grand et Noyelles-sur-Mer au Nord et Saigneville au Sud.
Ce furent les marins qui nommèrent ce lieu Blanquetaque, c’est-à-dire tache blanche, car le point le plus apparent de la falaise crayeuse forme au-dessus de Port-le-Grand une longue bande de couleur blanche.
C’est donc à 1 200 ou 1 500 mètres environ à l’aval de ce village, que se trouvait ce passage.
Sur tous les points de la Somme, depuis Port-le-Grand jusqu’au Crotoy, le fond de la rivière était mobile comme ses flots. Chaque marée le creuse ou l’exhausse alternativement, mais le gué de Blanquetaque n’a jamais varié.
Dans les longues guerres du Moyen Âge il a toujours servi de passage aux nombreuses armées qui ravagèrent le pays.
Très intéressant en effet de constater à quel point la géographie peut influer sur la politique (j’imagine que c’est pour ça qu’on a créé e terme « géopolitique » d’ailleurs…)
Vous vous souvenez de Léonidas et des ses 300 Spartiates qui tinrent en respect la plus grande armée de tous les temps dans le défilé des Thermopyles? Eux aussi furent trahis par un dénommé Ephialtès qui indiqua à Xerxès le chemin pour prendre les 300 à revers.
Gobin Agache et Ephialtès: même combat!
Reste maintenant à expliciter les batailles de Poitiers et d’Azincourt citées en tout début d’article, car maintenant je reste un peu sur ma faim!!!!!
Encore une fois c’est très succinct, mais on s’en contentera…
J’ai beaucoup aimé!
Merci,
Cordialement
Mimi77
Plutôt que de parler tout le temps des défaites, pourquoi ne parlez-vous pas des éclatantes victoires?
La bataille de Bouvines est au moins aussi intéressante que celle de Crécy, pourtant vous n’en parez pas.
Marre de ces Français qui veulent tout le temps se flageller en parlant des erreurs du passé! Notre Histoire est également faite d’éclatantes victoires!!!!
👿
les historiens américains ont fait un travail remarquable sur cette bataille et la défaite de la chevalerie française ; ils ont prélevé de la terre sur les lieux , ensuite ils ont pris en compte la pluie et la nature du sol qui s’est avéré de la glaise pour au final expliquer que cette glaise s’est transformée sous le poids des destriers et de leurs cavaliers en une terre collante qui non seulement pouvait les faire chuter mais leur enlevait la vitesse qui est un élément important d’une charge.