La prophétie de Saint Malachie, ou prophétie des Papes, est un des textes les plus mystérieux de notre Histoire.

L’histoire démarre en 1590. Alors que le pape Urbain VII vient de mourir (après seulement 12 jours de règne), un conclave se réunit en octobre pour élire un nouveau Pape. Toute l’Europe est en ébullition! Arnold de Wyon, un moine bénédictin, se manifeste alors et prétend avoir découvert un document exceptionnel rédigé 5 siècles plus tôt par l’évêque d’Irlande Malachie d’Armagh. Le contenu de ce texte est incroyable: en partant de Célestin II (1142 – 1144), il annonce la liste des 111 papes à venir, chacun associés à une devise en latin.

Si on s’en tient à la chronologie des différents règnes du livre déniché par Arnold de Wyon, le successeur d’Urbain VII est désigné sous cette très jolie locution: « De rore coeli », c’est à dire, « de la rosée du ciel ». Bien sûr, on peut légitimement douter de l’authenticité du document… Qu’une prophétie annonçant et décrivant le nouveau Pape fasse surface pile au moment où se pose la question du successeur d’Urbain VII, cela paraît assez suspect! Et s’il ne s’agissait que d’une tentative grossière pour tenter d’influencer les débats?

Pour y voir un peu plus clair, remontons le temps jusqu’au milieu du XIIe siècle et dirigeons-nous vers l’Irlande. Ordonné simple prêtre en 1119, Malachie connaît une carrière fulgurante. En une quinzaine d’années, il gravit tous les échelons de l’Église: abbé, archevêque puis, carrément, légat du Pape: sa carrière ne souffre d’aucuns points d’arrêts. Il meurt en 1148 dans les bras de la star de l’époque, Saint Bernard de Clairvaux (vous vous rappelez, c’est ce célèbre moine qui a notamment prêché la deuxième Croisade en 1146). Honneur suprême, Malachie est même canonisé par le pape Innocent III cinquante ans après sa mort. Il devient donc Saint Malachie. Admettez que ça fait plutôt classe sur un CV!

Pourtant, dans la biographie de Malachie, nulle trace d’une quelconque illumination ni d’une prédisposition à l’art de la divination! Si on ajoute à cela qu’aucun de ses contemporains ne mentionnent – pas même la moindre allusion! – cette prophétie qu’on lui attribue 5 siècles plus tard, le doute se transforme en certitude…

Le lecteur avisé se conformera donc à l’hypothèse la plus répandue chez les historiens: le texte ne date pas du XIIe siècle et n’a pas été écrit par Malachie… Il est bien plus logique de considérer qu’il fut écrit au XVIe siècle par un petit malin qui voulait faire son intéressant. Peut-être pour concurrencer Nostradamus?

Mais que dit-elle exactement, cette fameuse prophétie? Enréalité, elle se contente de lister 111 devises censées coller avec la personnalité des futurs papes. Certaines devises concernant des papes postérieurs à la publication de l’ouvrage (estimée à 1595) sont assez troublantes… Non, j’ déconne! Quelques exemples pour vous faire votre propre opinion:

87e pape. Poenitentia gloriosa (La pénitence glorieuse): Alexandre VIII (1689-1691). Mouais… Élu durant la fête de St Bruno, ce dernier étant le fondateur de l’ordre de pénitents des Chartreux. (Mais qu’on connaît surtout aujourd’hui pour leur délicieuse Chartreuse!) On doit donc s’en remettre au nom du saint associé au jour de l’élection du pape pour tenter de trouver un lien avec la « prophétie ». Mouais. Next.

89e pape. Flores circumdati (Des fleurs tout autour): Clément XI (1700-1721): Né à Urbino, Et devinez quoi? Les armes de la ville représentent une couronne de fleurs. Dingue, non? O_o

Vous l’avez compris – du moins je l’espère! – ces tentatives désespérées pour faire coller a posteriori les devises prophétiques à la personnalité du souverain pontife correspondant sont totalement ridicules… La Prophétie des Papes n’en reste pas moins une curiosité historique dans laquelle il est amusant de se plonger.

Benoît XVI le 7 avril 2012. REUTERS/Alessandro Bianchi

Bon, OK, je l’admets, on trouve dans le lot des coïncidences assez amusantes:

94e pape. Rosa Umbriae (La Rose de l’Ombrie): Clément XIII (1758-1769). Avant d’être élu et se faire tâter les couilles, il était gouverneur de la ville de Rieti, en Ombrie, connue pour les roses qui la parfument. Bon, là, je m’incline. Chapeau Malachie, t’es trop fort.

97e pape. Aquila rapax (L’aigle ravisseur): Pie VII (1800-1823). Emprisonné à Savone par Napoléon Ier, le 19 juin 1812, l’aigle ravisseur, qui le séquestre et l’oblige à signer le Concordat le 25 janvier 1813. Forcément, si Napoléon – mon héros! – est mêlé de près ou de loin à une prophétie, on ne peut qu’y croire!

Et attention, j’ai gardé le meilleur pour la fin! Car le 111e et dernier pape de la prophétie n’est autre que…. [Roulement de tambours] … Benoît XVI! Il se voit attribué la devise « De Gloria Olivae », c’est à dire « la Gloire de l’Olive ». C’est tout pourri comme devise, je vous l’accorde. Mais bon, notre bon vieux pape démissionnaire a un peu le teint olivâtre, vous ne trouvez pas? Non, pas convaincu? Bon ben, je sais pas moi… Ayez un peu d’imagination, que diable! Tiens, on n’a qu’à dire qu’il a été élu 30 jours après la fête des Rameaux… Coïncidence? Je ne pense pas!

Après cette 111e prophétie, comment le texte se conclut-il? Par la fin du monde, pardi! Ou, plus exactement, par un étrange texte en latin que l’on peut traduire ainsi:

« Dans la dernière persécution de la sainte Église romaine siégera Pierre le Romain qui fera paître ses brebis à travers de nombreuses tribulations. Celles-ci terminées, la cité aux sept collines sera détruite, et le Juge redoutable jugera son peuple »

Certes, le texte est pour le moins sibyllin… Le successeur de Benoît XVI serait donc un certain Pierre le Romain. Quant à la cité aux sept collines? Vous avez bien sûr reconnu Rome! « Le Juge redoutable jugera son peuple »: oups, je parie qu’il ne va pas être content!

Le Pape François: dernier pape avant la fin du Monde? – Alessandro Bianchi / AP

La prophétie annonce donc la fin de la capitale italienne – et donc, par extension, la fin du Monde. Ah ah! Les Mayas n’ont pas le monopole des prophéties bidons, et ça, ça fait toujours plaisir!