Pourquoi la Révolution de 1789 ?
Avant-propos
La Révolution française, c’est un gros morceau! Avant d’étudier le « comment » et la chronologie des différents événements, il est sans doute préférable d’en comprendre le « pourquoi »…
Une première question doit tout de suite nous venir en tête: pourquoi la Révolution (avec un grand « R » !) a-t-elle éclaté?
C’est vrai quoi, une révolution, c’est dur. Ça fait des morts. Ça pue la merde et le sang. On y perd ses amis, ses enfants, sa famille. On s’y lance sans en connaître l’issue, sans savoir si les jours futurs seront meilleurs… ou pires.
« On s’y lance surtout quand on n’a rien à perdre », rétorqueront certains. C’est faux. On a TOUJOURS quelque chose à perdre. La vie, pour commencer (la nôtre ou l’un de nos proches) ou tout simplement ce qui fait de nous un homme: sommes-nous prêts à tuer de sang-froid un homme, fût-il notre ennemi? À soutenir son regard implorant tandis que nous lui enfoncerons la baïonnette dans le ventre? Non?
Il faudra pourtant s’y résoudre. Et porter les horreurs qu’on a commises toute notre vie durant (voire au-delà, pour les croyants).
Qu’on se le dise, ce n’est jamais par hasard qu’un peuple s’aventure dans une révolution.
Alors, dans ces conditions, pourquoi la Révolution de 1789 a-t-elle eu lieu en 1789, et pas vingt ans avant, ou vingt ans plus tard? Pourquoi ne fût-elle pas une simple révolte, réaction épidermique à la souffrance quotidienne d’un peuple peu considéré, comme la France en connût des centaines d’autres dans son Histoire?
Gardons la tête sur les épaules (ah, ah!) et tâchons d’y voir plus clair…
Écartons les fausses raisons…
« C’est la crise ! » Cette phrase, on l’entend tous les jours (ou presque) depuis 2007. En matière de crise économique, la France de la fin du XVIIIe siècle n’est pas non plus en reste. Depuis les années 1770, sa situation financière est médiocre. La faute aux Américains, bien sûr! La guerre d’indépendance des États-Unis se déroule entre 1775 et 1783. Treize colonies britanniques d’Amérique du Nord se révoltent et plaident pour leur indépendance. Louis XVI, trop content de voir les Anglais perdre leur influence outre-Atlantique, soutient les insurgés.
Et soutenir un allié à l’autre bout du monde, ça coûte cher! Armes, munitions, navires, troupes… La France ne lésine pas sur les moyens. Les caisses, qui n’étaient déjà pas bien remplies, sont maintenant désespérément vides. Qu’importe, bientôt les « Américains » remportent la partie et un traité reconnaissant l’indépendance des États-Unis est signé en 1783… à Versailles!
(cocorico)
Cette petite revanche sur l’ennemi anglais valait bien quelques sacrifices. Non?
Ben non.
Les caisses du pays sont vides… Manquerait plus qu’une famine vienne se greffer là-dedans, tiens, et la France toucherait vraiment le fond…
Justement! C’est ce qui va se passer en 1788. Les récoltes sont catastrophiques. La France ne produit plus assez pour nourrir tout le monde. Cette situation entraîne une hausse des prix – pas seulement du pain, base de l’alimentation des masses populaires, mais aussi de la viande et du vin. Les gens les plus démunis sont évidemment les premiers à faire les frais de cette terrible situation…
Que les pauvres meurent de faim, c’est malheureusement une situation assez banale depuis des siècles, dans le Royaume de France comme ailleurs. Ça se solde en général par une révolte des gens d’en bas, qui se font massacrer par l’armée contrôlée par les gens d’en haut.
Ainsi tourne le monde depuis la nuit des temps.
Pourquoi cette fois, serait-ce différent?
On entend parfois que la France en avait ras-le-bol de la monarchie absolue. Après tout, le XVIIIe siècle est éclairé: les philosophes sont nombreux à s’insurger contre la monarchie. De Rousseau à Voltaire, tous les philosophes sont au moins en accord sur ce point: ras le bol d’un roi de France qui règne sur le pays en maître incontesté.
Mais donner aux penseurs de l’époque, fussent-ils éclairés, la responsabilité de la Révolution française, c’est donner à la philosophie des galons qu’elle n’a (malheureusement) pas.
Le grouillot qui meurt de faim n’a jamais entendu parler de Diderot ou Montesquieu. Essayez de lui parler du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et (au mieux) il éclatera de rire avant de vous filer un bon coup de pied dans le postérieur, histoire de vous remettre les idées en place.
Qu’on se le dise, le peuple n’en a rien à secouer de la philosophie. C’était vrai au XVIIIe siècle, et c’est encore vrai aujourd’hui. Collégiens, ne croyez pas votre professeur d’Histoire quand il vous dit que les gens du « peuple » sont les artisans de la Révolution de 1789.
Sans compter que depuis Henri IV, la France est gouvernée par des souverains plutôt modérés, si on les compare à leurs homologues prussiens ou russes… On peut penser tout le mal qu’on veut de Louis XIII, Louis XIV ou Louis XV, mais force est de constater qu’ils ne furent ni sanguinaires, ni fous à lier.
(parfois juste un brin mégalo)
On est bien loin des horreurs autrement plus révoltantes qui se sont déroulées dans le passé, en France ou ailleurs, sans pour autant avoir fait vaciller l’ordre établi…
Dans ce contexte, comment un sentiment anti-monarchique aurait bien pu se développer au point de se transformer en une des plus sanglantes révolutions de l’Histoire? Un dégoût soudain envers la monarchie, alors que c’est elle qui fait tourner le monde depuis des siècles et des siècles? Peu probable… Les récits bibliques eux-mêmes font la publicité des grands rois: David et Salomon étaient les rois d’Israël, pas les présidents d’une démocratie!
Reste une piste que nous n’avons pas encore explorée: la sacro-sainte lutte des classes. Et si la Révolution était le résultat de la lutte des classes, poussée à son paroxysme?
Il est vrai que la France d’alors est pour le moins inégalitaire. La société est divisée en trois classes: la noblesse (environ un demi-million de nobles), le clergé (environ 100.000 clercs) et le tiers-état (qui regroupe tous ceux qui ne font pas partie des deux premières classes… plus de 20 millions d’habitants!)
Mais de grâce, ne tombons pas dans les clichés! N’opposons pas les « gentils » du Tiers-Etat aux « méchants » de la noblesse. Il existe évidemment de très fortes disparités au sein même de chacune de ces classes: un petit curé de province ne vit pas de la même façon qu’un évêque à Paris… De même que certains bourgeois (Tiers-État) vivent parfois plus aisément que certains nobles…
Rien de bien nouveau sous le soleil, a-t-on envie de dire!
Les disparités sociales existent dans toutes les sociétés et cette simple existence n’a jamais justifié, à elle seule, une révolution de cette ampleur…
Bon, bon, bon… C’est bien gentil tout ça… Mais alors, pourquoi est-elle survenue, cette Révolution?
Un Louis XVI parfois « trop »… parfois « pas assez »
Qui dit Royauté dit nécessité d’une main de fer pour gouverner les hommes. À la limite, un bon roi peut se permettre de mettre des gants de velours. À la limite.
Une main de fer, le pauvre Louis XVI n’en a pas. Incapable de prendre des décisions fermes et catégoriques, il envoie d’innombrables signaux de faiblesse au Parlement… Et ses ennemis comptent bien les faire fructifier!
Le soutien des révoltés américains, par exemple. Quelle erreur politique de Louis XVI! Comment n’a-t-il pas pu comprendre que soutenir des sujets contre leur roi (et qui clament haut et fort des idées républicaines par-dessus le marché) était suicidaire?
Et sa volonté de réformes sociales? Non mais on croit rêver! Est-ce vraiment lui qui déclarait publiquement une dizaine d’années avant la Révolution:
En forçant le pauvre à entretenir seul les routes, en l’obligeant à donner son temps et son travail sans salaire, on lui enlève l’unique ressource qu’il ait contre la misère et la faim pour le faire travailler au profit des riches.
Ben oui, c’est bien lui. C’est Alexis de Tocqueville qui mentionne ce discours du roi dans le chapitre 5 de son livre L’Ancien Régime et la Révolution (voir le texte complet dans les commentaires).
Paradoxalement, c’est l’ouverture d’esprit de Louis XVI qui condamna l’Ancien Régime. Sa volonté de faire des réformes sociales. Oui, sociales! Bien que faible de tempérament, Louis XVI était un roi fondamentalement moderne. Ni la puissante bourgeoisie, ni la noblesse, ne pouvait tolérer ce discours dans la bouche du roi. C’était tout simplement une trahison!
Cela aurait pu passer, à la limite, si Louis XVI avait eu le tempérament d’acier d’un Louis XIV, par exemple. Ah, Louis XIV, en voilà un souverain digne de ce nom, qui parvint à museler le Parlement et à imposer sa vision à l’Europe entière. Louis seizième du nom, lui, ne muselle rien ni personne. Il est le témoin passif de sa propre déchéance… Aux yeux de tous, il est réduit au statut d’un homme ordinaire. La monarchie perd son caractère sacré, se prive du droit divin qui la protégeait. Dès lors, l’implosion est inévitable…
Que peut-il faire quand le Parlement invite les Français à ne plus payer leurs impôts tant que les États-Généraux ne sont pas convoqués ? Pas grand chose… La grande roue du destin est en marche, et elle broiera tout sur son passage…
L’Info du Jour qui te permet de briller en société
La virilité-même de Louis XVI était remise en question… Le bruit courut qu’il n’honora pas son épouse, la charmante Marie-Antoinette, durant les sept premières années de leur mariage! Comble du déshonneur, son beau-frère Joseph II lui proposera même une intervention chirurgicale… Bien qu’anecdotique, cette « rumeur » est représentative (du moins dans l’opinion publique) de la faiblesse supposée du Roi…
De là à dire que ses problèmes de sexe lui ont coûté la tête, il y a un gouffre que l’on ne s’aventurera pas à franchir!
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Comme promis, la citation complète:
Alexis de Tocqueville, L’ancien régime et la révolution (1856)
CHAPITRE V Comment on souleva le peuple en voulant le soulager
Quand le roi, treize ans avant la Révolution, essaye d’abolir la corvée, il dit dans son préambule : « A l’exception d’un petit nombre de provinces (les pays d’états), presque tous les chemins du royaume ont été faits gratuitement par la partie la plus pauvre de nos sujets. Tout le poids en est donc retombé sur ceux qui n’ont que leurs bras et ne sont intéressés que très secondairement aux chemins ; les véritables intéressés sont les propriétaires, presque tous privilégiés, dont les biens augmentent de valeur par l’établissement des routes. En forçant le pauvre à entretenir seul celles-ci, en l’obligeant à donner son temps et son travail sans salaire, on lui enlève l’unique ressource qu’il ait contre la misère et la faim pour le faire travailler au profit des riches. »
Quand on entreprend, dans le même temps, de faire disparaître les gênes que le système des corporations industrielles imposait aux ouvriers, en proclame au nom du roi « que le droit de travailler est la plus sacrée de toutes les propriétés ; que toute loi qui lui porte atteinte viole le droit naturel et doit être considérée comme nulle de soi; que les corporations existantes sont, en outre, des institutions bizarres et tyranniques, produit de l’égoïsme, de la cupidité et de la violence ». De semblables paroles étaient périlleuses. Ce qui l’était plus encore était de les prononcer en vain. Quelques mois plus tard on rétablissait les corporations et la corvée.
Commentaire sur cet extrait:
Bon, le bouquin date de 1856 alors que le discours fut prononcé en 1776, soit 80 ans avant. Niveau crédibilité historique, c’est pas top.
Mais Tocqueville est un auteur sérieux et, quand bien même ce ne furent pas les mots exacts prononcés par Louis XVI, l’idée est là: volonté de réformes, d’amélioration du quotidien des classes les plus défavorisées, etc.
Louis XVI est le créateur du concept du roi socialiste, en quelque sorte !
Bye bye les clichés qu’on entend un peu partout par ceux qui n’y comprennent rien…
Ca fait plaisir !!!!
Louis XVI était un bon roi, n’en déplaise à certains.
Marie-Antoinette nétait pas non plus l’écervelée qu’on veut bien nous faire croire.
La Révolution est la réaction épidermique de la grande bourgeoisie qui voulait s’accaparer le pouvoir. On a brodé autour des légendes pour faire plaisir au peuple…
Pour être parfait, j’aurais aimé quelques sources d’auteurs sérieux qui soutiennent ces thèses…
Ben si, des sources il y en a : Alexis de Tocqueville…
Après, honnêtement, les thèses développées dans cet article ne sont pas franchement révolutionnaires (jeu de mots 😉 ) et on les retrouve dans tout bon livre d’histoire sur la période…
Concernant les cahiers de doléances, je me suis toujours demandé qui les remplissaient ?
Le peuple ne savait pas écrire, j’imagine.
Disaient-ils leurs doléances aux curés du village, par exemple, qui les consignaient ? Mais dans ce cas, comment être sûr que le curé écrivait bien ce que leur disait les habitants ?
Rien qu’à l’échelle d’une entreprise, si on fait le tour des avis des salariés (genre « boite à idées »), plus de la moitié des réponses seront farfelues, irréalistes. Elles seront parfois même injurieuses. En tout cas, rarement constructives.
C’est comme ça, je le sais d’expérience.
Alors à l’échelle d’un pays ?! Il y avait forcément un « filtre », un scribe qui décidait si telle ou telle proposition devait apparaître, ou non…
Donc toute la spontanéité du processus en prend un coup.
Notez bien que ce sont des questions que je me pose, je ne connais pas la vérité historique sur ce sujet…
J’aime beaucoup le style !
Preuve qu’on peut faire de l’histoire « sérieusement » sans tournure alambiquée et en captivant son lectorat !
Les manuels scolaires devraient en prendre de la graine…
Pardon, mon message précédent était général et ne devait pas apparaître comme une réponse à votre commentaire, Linthia.
Je n’ai absolument aucune connaissance qui pourrait apporter un élément de réponse à votre question sur les cahiers de doléances…
Le contenu est intéressant, par contre le style est disons « étonnant ».
Je ne saurais dire encore si j’apprécie, ou non. Il faudra sans doute que je lise d’autres publications pour me forger une opinion.
En tout cas, la France devait être un pays bien pourri( et ell l’est encore d’ailleurs :{ ) pour faire une RÉVOLUTION
Belle la révolution maçonnique qui a tuée la France royale et chrétienne, qui a brulée églises, cathédrales, reliques… Tué femmes, enfants, hommes, bonnes sœurs, curés… Voir noyades de Nantes, massacre vendéen etc. On apprends pas ça à l’école sauf la Shoah , faut bien culpabiliser les abrutis dans la France sous le pouvoir du crif et du grand orient…
L’article est un court-circuit simpliste, qui réduit la révolution de 1789 à une bande d’affamés se vengeant d’une famille royale opulente…
Pour rappel, personne n’a cherché à destituer la monarchie avant 1792. Un Mirabeau est un partisan convaincu d’une monarchie constitutionnelle.
« Le grouillot qui meurt de faim n’a jamais entendu parler de Diderot ou Montesquieu. Essayez de lui parler du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et (au mieux) il éclatera de rire avant de vous filer un bon coup de pied dans le postérieur, histoire de vous remettre les idées en place. »
Ce n’est pas exact. Les « idées nouvelles » étaient dans l’air du temps depuis le début du 18è siècle, sous Louis XV. De plus, il existait déjà une forme de presse diffusant l’actualité, notamment sur la révolution d’indépendance américaine de 1776. En cette fin du 18è siècle, plus de 50% de la population adulte sait lire !
L’article aurait pu insister sur le fait que la révolution de 1789 est un mouvement surtout inspiré par – et pour – une classe moyenne arrivée à maturité. La classe moyenne est la plus riche et la plus instruite de France, mais ne dispose d’aucun poids politique.
Depuis environ 2 siècles la richesse MOBILIERE était apparue, tandis que l’Ancien Régime reposait sur la noblesse possédant des terres, donc des riches IMMOBILIERS.
La Révolution Française, c’est la bourgeoisie riche et instruite qui exige de peser dans les affaires politiques.
Enfin, il faut croire que le régime monarchique colle de près à la France, puisque ce n’est qu’en 1875 qu’il fut décidé de renoncer définitivement à la monarchie au profit d’une République.
En effet, la IIIè République n’était initialement que « provisoire », en attendant que les royalistes règlent leurs querelles internes et désignent un roi : soit le comte de Chambord (petit-fils de Charles X, descendant direct de Louis XIV), soit Philippe d’Orléans, comte de Paris (petit-fils de Louis-Philippe, descendant du frère de Louis XIV).
Comme aucun des deux intéressés n’avait la carrure nécessaire, le 30 janvier 1875 l’Assemblée nationale vota l’amendement du député Henri Wallon, qui entérina définitivement l’élection d’un président de la République, écartant définitivement toute idée d’une « troisième restauration ». La 3è République « provisoire » se trouva instituée en régime « définitif ».
En 1879, avec la démission du président monarchiste Mac Mahon, tous les pouvoirs passèrent aux Républicains.
Enfin, des tractations ont existé entre de Gaulle et le comte de Paris pour envisager une restauration de la monarchie jusqu’en 1961. L’idée était de faire comme en Espagne : le général de Gaulle se retirerait en douceur pour laisser la place à un roi orléaniste. Finalement, de Gaulle ne renonce au projet qu’en 1965 (!), car les Orléans ne l’ont pas assez soutenu pendant la guerre…
Sur la philosophie des Lumières qui a fortement influencé la Révolution :
Je pense que ça a eu une influence très importante, bien sûr. Mais plus sur la bourgeoisie et la noblesse, pas sur le peuple.
Vous dites que 50% des Français savent lire à cette époque. Je vous fais confiance, même si ce chiffre m’étonne (source ?)
OK. Aujourd’hui, quasiment 100% de la population sait lire. Vous connaissez beaucoup de gens (hors universitaires et milieux intellectuels) qui s’intéressent à la philosophie ? Qui ont le dernier livre de Michel Onfray sur leur table de chevet ?
Moi non !
Je suis d’accord avec l’auteur de l’article : ce n’est pas la philosophie en tant que tel qui a mis le peuple dans la rue. D’ailleurs, si c’était le cas, ces idées nouvelles auraient infusé dans toute l’Europe et on aurait assisté à un « Printemps européen », ce qui n’a pas été le cas.
Je pense aussi que c’est avant tout la faiblesse de Louis XVI qui a été l’élément qui a principalement permis à l’idée révolutionnaire de germer.
Le taux de 50% de gens alphabétisés semble juste. Ci-dessous tableau tiré de l’enquête Maggiolo sur l’alphabétisation de la France. Il s’est basé sur es registres de mariage pour évaluer le nombre d’hommes et de femmes sachant lire et/ou écrire.
C’est vrai que j’ai fréquemment entendu dire que la révolution de 1789 avait été organisée par la bourgeoisie, et non par le peuple.
Ne pas oublier non plus l’influence des philosophes des Lumières qui soufflent un vent nouveau dans les esprits. Même si, j’en conviens, il est peu probable que le petit artisan ou le paysan armé de sa fourche ait un jour ouvert le moindre livre de Voltaire…
Il n’y a pas qu’une seule raison à la Révolution, mais tout un enchevêtrement de faits qui ont amené aux évènements violents qu’on connaît.
Crise institutionnelle
La Monarchie absolue est contestée : la bourgeoisie et la noblesse veulent une monarchie parlementaire où elles puissent partager le pouvoir du roi.
Crise morale
De nombreux scandales éclaboussent la cour et la reine (par exemple l’affaire du collier de la reine), discréditant un peu plus le régime.
Crise religieuse
Impact non négligeable du jansénisme : à l’origine simple dispute théologique sur les rapports entre la liberté de l’homme et la toute-puissance de Dieu, le jansénisme s’étend au XVIIIe siècle aux domaines politiques et sociaux de l’Ancien Régime, et est souvent considéré comme l’une des causes de la Révolution
Crise sociale
Les inégalités s’accroissent, les riches sont de plus en plus riches et les pauvres, de plus en plus pauvres.
Les nobles ne sont pas forcément ceux qui ont de l’argent (de nombreux nobles sont pauvres)
Les bourgeois ont de plus en plus d’argent, mais pas de pouvoir.
–> effet « ciseau » qui déclenche un grand nombre de frustrations
Crise financière
Déficit budgétaire de la France, en partie dû à son intervention dans la guerre d’indépendance des États-Unis.
Les dépenses de la Cour, jugées superflues sont impopulaires en ces temps de serrage de ceinture !
Les impôts, tout en pesant lourdement sur les contribuables, sont inégalement répartis et mal perçus pour pouvoir remonter les finances.
Crise « météorologique »
On se rappelle de l’hiver 1788/1789 où la Seine elle-même a gelé sur une forte épaisseur !
À cause d’une forte sécheresse, de la grêle et d’un hiver très froid, l’année 1788 est catastrophique et la France connaît une importante crise alimentaire.
Cela entraîne un manque de pain et une montée en flèche de son prix : entre janvier 1787 et juillet 1789, le prix du pain a augmenté de 75%
Crise économique
La hausse du prix du pain lié aux mauvaises conditions météo fait que le peuple dépense tout son argent pour se nourrir : il ne lui reste plus rien pour acheter les produits de l’artisanat.
L’économie ne tourne plus !
Face à l’action de ces crises conjuguées, il suffira d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres…
Ce que vous décrivez ressemble fort à la situation de la France (et du monde occidental) aujourd’hui.
Une révolution (au sens premier du terme, à savoir « renversement ») est-elle évitable ? Je ne le pense pas. Charge à nous de créer un monde meilleur, plus égalitaire, où chacun aura sa place. (je rappelle qu’à l’heure actuelle, 1% de la population possède plus que la moitié de l’humanité)
Concernant les cahiers de doléances, on se rend compte « grâce » au Grand Débat de Macron (début 2019) que c’est une vaste escroquerie…
Début 2019, des cahiers étaient déposés dans quasiment toutes les mairies de France. Les Français ont été plutôt indifférents et ne les ont remplis qu’à hauteur de quelques milliers de contributions, ce qui semble bien peu vu notre population (67 millions).
Pourtant, même aujourd’hui, avec les moyens de traitement modernes, on a bien du mal à lire, compiler, classer et prendre en compte les revendications, même peu nombreuses !
Alors quand on pense qu’en 1789, il n’existait ni imprimante, ni moyens de transports rapides pour centraliser tous les cahiers, ni ordinateurs pour créer des bases de données, on peut douter FORTEMENT de la véritable prise en compte de ce qui était écrit dedans…
Votre commentaire m’a donné envie de me pencher d’un peu plus près sur ces fameux cahiers de doléances de 1789 : par qui étaient-ils écrits ? Combien y en a-t-il ? Quelles sont les revendications principales ? Quel usage en a-t-il été fait ? etc.
Peut-être l’objet d’un futur article !