La sévérité légendaire de Dracon, et l’origine du mot draconien
Ça barde en ce début du VIIe siècle avant Jésus-Christ à Athènes. Une classe moyenne commence à émerger, réclamant les mêmes droits que les aristocrates (non mais on croit rêver). Et ces pécores exigent même que leurs fils aient le droit de faire la guerre, activité jusqu’à présent réservée aux seuls fils de familles nobles. Tout ça parce qu’ils ont les moyens de se payer l’équipement complet d’hoplite (casque, cuirasse, protège-tibias, bouclier, lance et épée courte)… non mais franchement, pour qui se prennent-ils?
C’est dans ce contexte politique instable qu’intervient un certain Dracon. Qu’a donc bien pu réaliser ce Grec du VIIe siècle avant Jésus Christ pour que son nom soit, aujourd’hui encore, associé à l’adjectif draconien?
S’est-il amusé, comme Cambyse II, à écorcher vif les juges corrompus d’Athènes? Non!
Ou peut-être a-t-il percé les yeux de toute une armée, à l’instar de Basile II? Non plus!
Son truc à lui, Dracon, c’est la justice. Il en a marre que les lois de la cité soient de tradition orale uniquement et que les magistrats – dont il fait partie – puissent adapter les jugements rendus au gré de leurs caprices. Ça ne le dérange pas plus que ça, au fond, que les pécores aient toujours tort et qu’ils soient systématiquement condamnés même s’ils n’ont pas fait grand chose. Non, le vrai problème, avec la plèbe, c’est qu’elle a cette fâcheuse tendance à se révolter pour un oui ou pour un non. Alors dès qu’une décision de justice ne leur plaît pas, ces Môôôôssieurs du petit peuple s’estiment en droit de manifester dans la rue, troublant l’ordre public et ajoutant un peu plus à l’instabilité politique du moment.
Pour rétablir un semblant de paix sociale à Athènes, ce qu’il faut, c’est un code juridique de référence, qui soit susceptible de légitimer l’action des juges. Louable entreprise! Dracon est donc chargé par ses pairs en l’an -632 de mettre au point un tel document.
Il s’installe à son bureau, sort sa plus belle plume, et commence à réfléchir sur le sujet. Par quoi commencer? La tâche est colossale. Lister toutes les infractions possibles et mettre une peine en face? Pfff… Trop fatigant, toutes ces conneries.
« Les plus petites fautes m’ont paru dignes de mort », aurait-il déclaré, « et je n’ai pu trouver d’autre punition pour les plus grandes ».
Mais c’est bien sûr! La peine de mort, il n’y a que ça de vrai.
- Qu’un homme fracasse le crâne de son voisin à grand coup d’amphore dans la tronche? Peine de mort.
- Qu’il viole la femme du boulanger? Peine de mort.
- Qu’il s’avise de voler une poignée de fèves à l’étalage pour nourrir sa famille? Peine de mort.
- Qu’il soit tout simplement oisif et ne participe pas à la vie de la cité? Ben… peine de mort (parce que y’a pas de raisons, y’en a marre des assistés sociaux et tout le tralala).
Au moins, les lois draconiennes ont le mérite d’être claires et compréhensibles par tous. Pour que tout le monde soit au courant, Dracon fait afficher dans toute la ville sur de grands panneaux de bois cette nouvelle loi, d’application immédiate.
Dracon se frotte les mains. Voilà une mission rondement menée et le peuple n’a plus qu’à bien se tenir! Dura lex, sed lex, merci d’être passé.
Sauf que ces nouvelles Lois, qui étaient censées garantir l’ordre social d’Athènes, n’ont pas vraiment les effets escomptés… Quelques années plus tard, face à la gronde du peuple, c’est un certain Solon qui va reprendre la cité en main et rédiger une nouvelle Constitution, donnant entre autre plus de pouvoir à la plèbe. En 594 avant Jésus-Christ, Solon pose les bases de la future démocratie.
Et Dracon dans tout ça? La suite de son histoire est mal connue des historiens. La version la plus répandue est qu’il aurait été obligé de s’exiler sur l’île d’Égine pour fuir la colère du peuple. Là, un comité d’accueil l’attendait… Des milliers de personnes lui auraient jeté leur manteau dessus, tant et si bien que l’ancien magistrat fut enseveli sous un amas de vêtements et aurait suffoqué. Une fin bien étrange pour un homme qui a payé cher de n’avoir su comprendre à temps la puissance d’un peuple en colère!
Bonus Track:
Et pour ceux qui ont la flemme d’aller chercher dans le dico, définition de l’adjectif draconien selon le Wiktionnaire: Qui est d’une excessive sévérité. – Un code draconien. Des mesures draconiennes. Des conditions draconiennes. Un régime draconien.
Maintenant, vous savez.
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Tu as, à ma connaissance, le seul site qui allie aussi bien la culture générale et l’humour. Tu fais vraiment du super boulot, félcitations !
C’est clair!
+1 à ce site qui déchire!
Amusante façon d’apprendre dans le contexte des choses sérieuses