La cinquième Croisade : le mirage égyptien (featuring Gengis Khan)
On l’a vu, les Croisés de la quatrième Croisade n’ont pas mis ne serait-ce qu’un orteil en Terre Sainte! Jérusalem et le tombeau du Christ sont pourtant encore entre les mains des Infidèles… Le pape Innocent III, dont l’influence a été largement réduite, publie tout de même une bulle en 1213 pour enjoindre toute la chrétienté à s’unir et à repousser les troupes musulmanes. Mais son appel reste, comme le précédent, lettre morte pour les Rois d’Europe, Jean Sans Terre et Philippe Auguste, trop occupés à se faire la guerre. (Voir l’article sur la bataille de Bouvines). En plus, une autre Croisade est déjà en cours sur le territoire français: celle des Albigeois durant laquelle l’hérésie cathare doit être réduite à néant.
Pourtant, à force de prêcher à travers l’Europe, le nouveau pape Honorius III (Innocent III meurt en 1216) parvient à rassembler plusieurs armées, notamment celle du roi de Hongrie, du roi de Chypre et du duc d’Autriche. Jean de Brienne, le nouveau roi de Jérusalem, organise ces nouvelles troupes fraîchement débarquées et prend le commandement de la Croisade.
Le terme de « roi de Jérusalem » peut vous surprendre… En effet, Jérusalem est encore entre les mains des Infidèles. Jean de Brienne garde néanmoins ce titre, alors qu’il règne en réalité dans la ville de Saint-Jean d’Acre, encore entre les mains de la chrétienté.
(« roi de Saint-Jean d’Acre » ça sonne moins bien à l’oreille)
(et puis un petit coup de méthode Coué, ça n’a jamais fait de mal à personne)
Hélas, les victoires en Palestine sont mitigées. Beaucoup de soldats meurent et, pensant la situation dans l’impasse, le roi de Hongrie décide de se retirer du conflit… Jean de Brienne, par contre, ne se décourage pas. Il a conscience que la prise de Jérusalem par la force relève de l’exploit… Ça ne passe pas en Palestine? Qu’à cela ne tienne, attaquons-nous à l’Egypte!, pense-t-il. Les villes stratégiques du delta du Nil sont plus faciles à prendre et serviront de monnaie d’échange pour récupérer la ville sainte.
Super stratégie, n’est-ce pas?
Un vrai visionnaire, ce Jean de Brienne.
Cette stratégie s’avère payante… du moins à première vue. L’Égypte est prise au dépourvu et, en 1218 la ville de Damiette tombe entre les mains des Croisés.
Les Français et les Italiens font maintenant venir des troupes fraîches pour prêter main forte. Et c’est maintenant que les choses se gâtent…
Le pape envoie un émissaire, un certain Pélage, pour prendre en main et coordonner la Croisade. Il arrive en 1218 à Damiette. Ses erreurs diplomatiques et stratégiques sonneront le glas de la cinquième Croisade… Comment est-ce possible? La situation est pourtant extrêmement favorable aux soldats du Christ.
En plus, ils profitent d’un événement imprévu plutôt de bon aoi: Gengis Khan, le fameux chef mongol, assaille l’Empire perse sur le flanc est: le monde musulman est pris en sandwich!
Face à cette menace, les « Infidèles » se mettent même à détruire les fortifications de la ville de Jérusalem, dans l’espoir de pouvoir la reconquérir plus facilement plus tard… C’est dire s’ils croient la défaite proche!
Mais Italiens et Français n’ont pas le même point de vue sur leur conquête du delta du Nil: les Italiens (Pélage en tête) y voient là une occasion formidable pour s’installer dans le Moyen-Orient et y monter des comptoirs commerciaux.
(Ah! le sens du commerce légendaire des Italiens…)
À l’inverse, les Français restent fidèles à la stratégie initiale, à savoir se servir de Damiette comme monnaie d’échange pour récupérer la ville de Jérusalem.
(On ne peut quand même pas leur en vouloir de tenter de délivrer le tombeau du Christ, non?)
Ces querelles intestines neutralisent complètement l’action des Croisés… Pélage va jusqu’à refuser l’offre du Sultan d’Egypte pour échanger Damiette contre Jérusalem! Allez comprendre…
Jean de Brienne, écœuré, abandonne la Croisade et rentre à Saint Jean d’Acre. En 1221, pourtant, il finit par se soumettre au légat du Pape. Il revient à Damiette pour soutenir Pélage qui lance toutes ses troupes en direction du Caire.
L’armée croisée rencontre des succès sur la route du Caire. C’est plutôt bon signe pour Pélage qui ne se méfie guère… et tombe droit dans un piège!
En juillet 1221, ils arrivent devant Mansourah, ville située le long du Nil. Les troupes musulmanes détruisent les digues qui entourent la plaine dans laquelle s’est installée l’armée de Pélage… Les Croisés se retrouvent, du jour au lendemain, totalement vulnérables, piégés sur une petite île qui vient de se former avec la montée des eaux… S’en est finie de l’épopée chrétienne: Pélage est obligé de céder la ville de Damiette en échange de sa vie et de celle de son armée…
La cinquième Croisade se solde donc par un échec cinglant, en grande partie dû à la différence de point de vue entre ceux voulant à tout prix libérer le tombeau du Christ et ceux qui y voient là un prétexte pour s’installer durablement dans le Moyen-Orient.
Et à l’incompétence de Pélage, cela va de soi.
Les Occidentaux vont-ils rester sur cet échec? Evidemment, non! Moins de 6 ans plus tard, dès 1228, l’empereur romain germanique Frédéric II organise une nouvelle expédition… Sera-t-il victorieux? Il vous faudra, ami étaleur, lire l’article consacré à la sixième Croisade!
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