L’étrange prophétie de Ruggieri
– Vous mourrez près de Saint-Germain.
Entendre ainsi le lieu de sa mort dans la bouche même de Côme Ruggieri, l’astrologue en qui elle a entière confiance, ne doit pas être évident à vivre pour une femme aussi superstitieuse que Catherine de Médicis (1519-1589). Pourtant, cette dernière ne se démonte pas et prend le taureau par les cornes. C’est bien simple, elle ne connaît que 3 lieux susceptibles de coller avec la prophétie:
- Saint-Germain-en-Laye, où se situe la résidence favorite de feu François Ier;
- La luxueuse abbaye de Saint-Germain-des-Prés, qu’elle compte bien fuir comme la peste à partir de maintenant;
- Surtout, l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois, située à côté du palais des Tuileries qu’elle est en train de faire construire…
Le palais des Tuileries en 1865 – Il sera finalement détruit en 1871
Point question de remettre ne serait-ce qu’un orteil à proximité de ces lieux maudits! Catherine de Médicis abandonne donc illico presto la construction des Tuileries et lance un autre projet architectural d’envergure: l’hôtel de Soissons.
– Ma! Yé té bien niqué, Ruggieri, toi et tes plédictions de melde!
Et l’Italienne ne fait pas les choses à moitié: son nouvel hôtel possède des galeries luxueuses, des salles de réception richement décorées et, surtout, une étrange tour de 31 mètres du haut de laquelle, dit-on, Côme Ruggieri se plaît à scruter les étoiles. Cette tour, ou « colonne Médicis » est d’ailleurs aujourd’hui le dernier vestige de la demeure royale.
La colonne Médicis où Côme Ruggieri se plaisait à regarder les étoiles
Nous voilà rendus en 1588. La guerre des Trois Henri fait rage… Henri III convoque les Etats généraux au château de Blois et fait assassiner, dans sa chambre au deuxième étage, son pire ennemi, l’ultra-catholique Henri de Guise.
Catherine de Médicis fait également le trajet jusqu’au chateau de Blois: elle est tranquille, aucun Saint-Germain à l’horizon! Mais la reine a bientôt 70 ans, un âge canonique pour l’époque. En décembre 1588, elle prend froid et se retrouve alitée avec un état de santé critique. Au début du mois de janvier 1589, son état empire…
– Maman, je… je… je ne veux pas que tu meures!
– Ma! Rassoule-toi, Henli! Yé souis bien loin dé Saint-Germain, yé souis donc invoulnélable! Ah ah ah!
– Ah? Tu … tu es sûre?
– Ma! Si yé té lé dis, Henli! Mais va quand même mé chelcher oun confesseul, on né sait yamais!
Henri III s’exécute et va lui chercher immédiatement un prêtre qui se porte à son chevet. On imagine que les confessions de l’Italienne ont duré très longtemps… C’est que Catherine de Médicis a beaucoup de sang sur les mains!
– Ma! Yé mainténant telminé. Dites-moi, mon blave abbé, vous vous appélez comment?
– Moi? Je suis Julien de Saint-Germain, Ma Reine.
– Ahhhhhhhhh! Soltez! Soltez tout dé souite dé ma chamble! Vade retlo, Satanas!!!
Quelques heures après cet échange, Catherine de Médicis trépasse. Six mois plus tard, l’assassinat de son fils Henri III par la ligue catholique mettra fin à la dynastie des Valois… Place à Henri IV et aux Bourbons!
Pendant 20 ans, Catherine de Médicis aura passé sa vie à fuir Saint-Germain et à se protéger de la prophétie de son astrologue, mais elle se fait finalement rattraper par son destin. Une prophétie qui contribuera d’ailleurs à faire rentrer Côme Ruggieri dans l’Histoire, quoiqu’il demeure bien moins connu que son illustre contemporain Nostradamus. Mais ça, c’est une autre histoire…
Gisants de Catherine de Médicis et de son mari Henri II à la basilique Saint-Denis (Photo: Myrabella)
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Djinnzz
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Très bon l’accent italien de Catherine de Médicis 😆
Une drôle de prophétie en effet…
« yé té l’ai poultant bien dit de me cloile, Catheline ! »
Extra!
Article instructif et bien drôle.
Merci
Merci beaucoup! 😉
L’humour…, c’est ce qui nous manque le plus en ce p…t… de siècle. Merci.