L’ascension inespérée de Napoléon III
Le temps des échecs
Neveu de Napoléon Ier, Louis-Napoléon, futur Napoléon III, est un fervent admirateur du bonapartisme et veut installer en France un régime autoritaire, certes, mais qui obtiendrait l’approbation des masses. Contradictoire ? Eh oui. Mais il y parviendra – du moins en partie.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que son parcours pour accéder au titre suprême n’a pas été une sinécure ! En 1836, à Strasbourg, il tente son premier coup d’éclat : il tente de convaincre une garnison militaire de s’allier à lui et de marcher sur Paris pour s’approprier le pouvoir. Subtil ? Non, pas du tout… Son plan vire au véritable fiasco. Sur ordre du gouvernement, il est condamné à l’exil et doit embarqué à bord de L’Andromède le 21 novembre 1836, direction l’Amérique où il accoste 4 mois plus tard.
Quelques semaines plus tard, apprenant que l’état de santé de sa mère se dégrade, il réembarque dans un bateau direction l’Europe ! Il parvient finalement à rejoindre la Suisse en août 1837 pour se rendre au chevet de sa mère malade…
En 1840, alors installé en Angleterre et toujours sous le coup d’une interdiction de séjourner sur le continent européen, il prépare un nouveau coup d’Etat. Suivant EXACTEMENT le même plan qu’à Strasbourg, il tente de convaincre le 42e régiment d’infanterie, séjournant alors à Boulogne-sur-Mer, de se rallier à lui. Même plan, même conséquence ! C’est de nouveau un échec total… ce cher Louis-Napoléon est cette fois condamné à la prison à perpétuité.
Faisant sienne la devise des Shadoks: « Plus ça rate, plus ça a de chances de réussir« , il s’évade de la forteresse de Ham en 1846 et profite bientôt de la Révolution française de 1848 et la fin de la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe pour revenir sous les feux de la rampe…
Des élections ? Une aubaine !
Le 4 novembre 1848, la IIè République est proclamée. Louis-Napoléon voit en ce changement de régime une vraie aubaine ! Lui qui se rêve en empereur joue le jeu des élections démocratiques… Il se présente donc à la toute première élection présidentielle organisée en France, face à quatre candidats : Ledru-Rollin, Cavaignac, Raspail, Changarnier et… Alphonse de Lamartine… Oui, oui, le fameux poète romantique s’essaye lui aussi à la politique !
La force du programme du futur Napoléon III est qu’il est attrape-tout : promesse aux paysans d’améliorer leurs conditions de vie, aux conservateurs de restaurer l’autorité, aux ouvriers de lutter contre le chômage… Bref, dans l’euphorie des élections, Louis-Napoléon passe pur l’homme providentiel. En voilà un qui a compris avant l’heure que les promesses de campagne n’engagent que ceux qui y croient !
Surtout, il est soutenu par les monarchistes, qui voient en lui un « imbécile » (le mot est d’Adolphe Thiers) qu’ils pourront manipuler à leur guise. Confiants, ce sont eux qui financent sa campagne…
Finalement, Louis-Napoléon remporte l’élection avec plus de 72% des voix. Quant à Lamartine, il obtient un score de… 0.3%
(ça ne vous rappelle rien ?)
Notre Louis-Napoléon est aux anges ! Voilà qui met fin à une série d’échecs ayant duré plus de 10 ans…
Le bras de fer avec l’Assemblée
Il devient ainsi le premier homme élu au suffrage universel direct (masculin) de l’Histoire de France. Suivant la Constitution d’alors, il est important de noter que le Président sortant n’a pas le droit de se représenter une deuxième fois. Un seul mandat, et puis c’est tout : voilà sans doute les conséquences du traumatisme de l’Ancien Régime…
Étant donné les ambitions du bonhomme, cette restriction va bien sûr être au cœur des enjeux politiques des prochaines années.
Napoléon soigne son image et voyage de villes en villes, à la faveur des premiers chemins de fer, où il aime prendre des bains de foule. Mais ce statut de Président ne lui suffit pas ! La IIè République favorise grandement l’Assemblée nationale. Au fond, le Président de la République et son gouvernement ne sont là que pour appliquer ou faire appliquer des lois votées par elle. Au fil des mois, cela agace de plus en plus Louis-Napoléon… Le sentez-vous venir, le coup d’Etat qui se prépare?
Il est amusant de noter que l’une des causes principales du conflit avec l’Assemblée provient de son traitement annuel. Initialement prévu à 600.000 francs, le futur Napoléon III demandera à doubler cette somme par deux fois… Son « salaire » de fin de mandat atteignant finalement plus de 2 millions de francs.
#CesPolitiquesTousLesMêmes
Le retour de l’Empire
Fort de sa grande popularité parmi l’armée et le peuple, Louis-Napoléon joue son va-tout… Le 2 décembre 1851, soit moins de deux ans après avoir été démocratiquement élu, il dénonce l’Assemblée nationale et ordonne de multiples arrestations politiques : les chefs de partis mais aussi près de 200 députés ! La France rentre dans un nouveau chaos politique et populaire. Barricades, soulèvement du peuple contre l’apprenti dictateur… Ce n’est pas beau à voir ! Mais Louis-Napoléon n’en a cure… En deux jours seulement, il parvient à mater la rébellion populaire et à bâillonner l’Assemblée nationale. Il a gagné la partie.
En novembre 1852, il adopte un stratagème pour rétablir « officiellement » l’Empire. Ressortant du grenier une vieille procédure dite du
Sénatus-consultes (un nom qui fleure bon l’Empire romain), il pose la question du rétablissement de l’Empire aux sénateurs. Le « pour » l’emporte à plus de 97%, un score digne d’une république bananière…
Le 2 décembre 1852, Louis-Napoléon, président de la République, devient officiellement Napoléon III, Empereur des Français. Le jour n’est pas choisi au hasard: il s’agit de l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz, gagnée avec maestria par son oncle le 2 décembre 1805… À moins qu’il ne s’agisse de l’anniversaire du 2 Décembre 1804, date à laquelle Napoléon Ier se fait sacrer empereur à Notre-Dame-de-Paris devant le pape ? En tous les cas, le symbole est puissant !
Après une succession déchecs retentissants, tout semble désormais sourire au nouvel empereur… Qui imagine alors que Napoléon III sera bientôt fait prisonnier et (encore !) condamné à l’exil ? Mais ça, c’est une autre histoire…
____________________________________
Vous avez aimé cet article ? Alors j'ai besoin de vous ! Vous pouvez soutenir le blog sur Tipeee. Un beau geste, facile à faire, et qui permettra à EtaleTaCulture de garder son indépendance et d'assurer sa survie...
Objectif: 50 donateurs
Récompense: du contenu exclusif et/ou en avant-première
Je vous remercie pour tout le soutien que vous m'apportez depuis maintenant 5 ans, amis lecteurs!
Djinnzz
PS: ça marche aussi en cliquant sur l'image juste en dessous ↓↓↓↓
Hey! Un super article pour un super site! J’espère que les explications du règne de Napoléon III viendront bientôt parce que je suis resté sur ma faim…
Bonne continuation en tout cas
Merci 🙂 Pour le règne de Napoléon III, il y aura un article… un jour… Tellement de sujets à aborder!
Superbe article, as usual.
Superbe article ! Par contre, le 2 Décembre n’a pas été choisi pour l’anniversaire de la bataille d’Austerlitz ! Mais le 2 Décembre 1804, un an jour pour jour avant Austerlitz c’était le sacre de Napoléon Ier à Notre-Dame de Paris devant Pie VII où il se couronne lui même pour montrer qu’il est au dessus de l’Eglise (La religion étant bien plus présente dans la société que maintenant). En choisissant le 2 Décembre, que voulez Napoléon III ? Qu’il est au dessus de l’Assemblé National. 🙂 C’était la petite précision ^^ 😉
En effet, vous avez raison…
Merci pour cette précision!