Pourquoi le père Noël est-il vêtu de rouge ?
C’est de la faute à Coca-Cola !!!!!
(si, avouez-le, vous étiez en train de penser ça à la seconde même où vous avez lu le titre de cet article!)
Eh bien, amis lecteurs, j’ai le regret de vous annoncer qu’il n’en est rien! Contrairement à cette rumeur qui s’est répandue sur les internets comme une traînée de poudre, la marque Coca-Cola n’a pas eu d’influence sur la couleur des habits de ce brave Père Noël !
Bon, j’en sens qui sont sceptiques, là-bas, à côté du radiateur.
Pour démonter cette légende urbaine, remontons aux sources du mythe…
Un certain Nicolas de Myre (270 – 345)…
Nicolas de Myre, on le connaît mieux sous le nom de Saint-Nicolas. Et il l’a bien mérité, ce « Saint » accolé à son nom! C’est bien simple, un peu comme la série des Martine (à la plage, à la montagne, à la ferme,…), on pourrait écrire des dizaines d’épisodes sur sa vie.
Saint-Nicolas et les trois vierges
(là, c’est pas ce que vous croyez…)
(en fait, il a donné trois bourses remplies d’or à un père de famille qui envisageait de prostituer ses trois filles faute de revenus suffisants pour survivre)
Saint-Nicolas à l’archevêché de Myre
(Les évêques entendirent la voix de Dieu qui les enjoignait à le nommer archevêque)
(et ils l’ont donc nommé archevêque)
Saint-Nicolas en prison
(emprisonné, torturé, il subit la politique de persécution des Chrétiens en cours dans la Rome antique)
(c’est l’arrivée au pouvoir de Constantin Ier qui le sortit de prison)
Saint-Nicolas sur un bateau
(il aide des marins en perdition en pleine tempête en apparaissant comme par magie sur le bateau et en s’emparant du gouvernail)
Saint-Nicolas à la ferme
(Jésus-Christ multiplia les petits pains. Lui, il multiplia les grains de blé.)
Saint-Nicolas à la boucherie
(il intervient pour innocenter trois officiers accusés à tort de traîtrise et menacés de la peine de mort)
(mais, dans les peintures qui représenteront la scène, le Saint sera représenté bien plus grand que les trois officiers, pour souligner sa nature divine)
(du coup, on prend les trois officiers pour des enfants et voilà qu’une légende prend naissance: Saint-Nicolas aurait ressuscité trois enfants qui avaient été tués et découpés en morceaux par un boucher)
(pfff….)
(et ça pourrait continuer comme ça sur des pages et des pages)
Par contre, j’ai eu beau fouiller sa biographie, je n’ai rien trouvé d’autre en rapport avec des enfants. Par quel miracle Saint-Nicolas devint-il, vers le XIe siècle, celui qui distribue des friandises aux enfants sages durant la journée du 6 décembre? Mystère et boule de gomme…
Toujours est-il que cette tradition est vieille de presque un millénaire, et que certaines régions d’Europe fêtent encore aujourd’hui le jour de la Saint-Nicolas.
Il est d’ailleurs parfois accompagné du père Fouettard, un personnage repoussant et couvert de poils qui distribue des coups de fouet aux petits garnements… un rajout tardif qui apparaît entre le XVIe et le XVIIIe siècle selon les régions.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Saint-Nicolas possède des similitudes troublantes avec le dieu scandinave Odin (Wotan pour les intimes): comme lui, il « voit tout » (et peut ainsi savoir si les enfants ont été sages), et le cheval à huit pattes d’Odin, capable de voler, inspirera très certainement le fameux traîneau du père Noël !
(mais bon, je vous l’accorde, cette théorie est un peu capillotractée…)
(même si j’aime beaucoup cet exemple de syncrétisme !)
Mais revenons-en à la couleur de nos moutons.
Au Moyen-Age, Saint-Nicolas est représenté soit habillé de vert, soit de violet, soit de rouge, soit même, parfois, de couleur or.
Bien avant l’invention du Coca-Cola, donc, Saint-Nicolas lui-même portait parfois des vêtements rouges…
Une question demeure néanmoins: comment est-on passés à un Saint-Nicolas distribuant des bonbons aux enfants sages le 6 décembre à un père Noël qui officie, lui, le 25 décembre?
De Saint-Nicolas à Santa-Claus
Une fois n’est pas coutume, ce sont les Américains qui façonnent l’image du père Noël telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Un écrivain américain célèbre, Washington Irving, publie en 1809 un livre parodique intitulé Histoire de New-York racontée par Dietrich Knickerbocker.
(et quand je dis « célèbre », c’est qu’il est vraiment célèbre: Washington Irving, c’est celui à qui l’on doit par exemple la Légende de Sleppy Hollow, une histoire super populaire à l’époque)
Le livre raconte notamment comment arrive la tradition de Saint-Nicolas outre-Atlantique: un navire hollandais, dont la proue s’orne de la figure de Saint Nicolas, fait naufrage sur les côtes américaines. L’équipage s’installe sur la terre ferme pour y fonder une ville placée sous la protection de Saint Nicolas. Jusque là, tout va bien. Puis, l’écrivain parle, pour la première fois, d’un Saint Nicolas se déplaçant sur son cheval volant et distribuant des cadeaux aux enfants en passant par les cheminées!
L’histoire rencontre un franc succès et sera relayée par la Presse. Bientôt, elle s’inscrit dans l’imaginaire collectif…
Treize ans plus tard, en 1822, c’est au tour d’un certain Clement Clarke Moore de s’emparer de la figure de Saint-Nicolas: il écrit un petit conte de Noël, The Night before Christmas, destiné initialement à ses seuls enfants. Moore n’y va pas de main morte: il transforme Saint-Nicolas en un « right jolly old elf » (un vieux et charmant elfe) qu’il baptise Saint-Nick.
(le respect est mort)
Saint-Nick possède un traîneau tiré par des rennes et distribue des cadeaux la nuit du 25 décembre (et non plus le 6 décembre!). Sa petite taille lui permet de se glisser facilement dans les cheminées… et il perd ses vêtements d’évêque pour ne garder qu’une espèce de manteau de fourrure.
Le conte est accueilli avec beaucoup d’enthousiasme et devient un énorme succès de librairie.
Dernière étape dans la transformation de Saint-Nicolas en père Noël: le dessinateur Robert Weir, en 1838, qui le dessine pour la première fois avec les vêtements qu’on lui connaît.
Bon, il est moche et il fait peur, mais il plaît étonnamment aux petits comme aux grands… Surtout, il est l’emblème d’une certaine mixité, se rendant indifféremment dans les familles riches et les familles pauvres.
Le premier père Noël ressemblant trait pour trait à celui qu’on connaît aujourd’hui est finalement dessiné par Thomas Nast, en janvier 1863. On y voit un père Noël aux vêtements rappelant le drapeau américain, assis sur un traîneau rempli de cadeaux et tiré par des rennes!
Le 1er janvier 1881, dans le Harper’s Weekly, ce même dessinateur publie un père Noël possédant déjà tous les attributs qu’on lui connaît aujourd’hui: la barbe blanche, la hotte et le gros ventre.
D’abord en noir et blanc, le dessin sera colorisé plus tard donnant au père Noël des vêtements de couleur… rouge!
(et la marque Coca-Cola ne sera déposée que 5 ans plus tard, en 1886!)
(et toc !)
Puis, c’est le célébrissime Norman Rockwell qui produit SA version du père Noël en 1921, en couverture du magazine The Country Gentleman.
Pour être totalement honnête, notons bien que la couleur rouge attribuée au père Noël, même si elle se développe de plus en plus aux États-Unis, n’est pas encore définitive. Certains illustrateurs le représentent sous différentes couleurs, du bleu au vert en passant par le violet…
Coca-Cola entre en scène !
Le père Noël est régulièrement utilisé par les marques pour leurs campagnes de publicité. Que ce soit Michelin, Colgate, Marlboro et bien d’autres, toutes font vanter les mérites de leur produit par ce brave Monsieur en costume rouge!
Concernant Coca-Cola, leur toute première pub mettant en scène le père Noël date de 1931. C’est une illustration en couleurs qui paraît dans le Saturday Evening Post, un magazine américain séculaire. Le dessin de ce coup de comm’ est confié à un illustrateur du nom Haddon Sundblom (1899 – 1976) – cf. la première illustration de l’article, un peu plus haut.
Le succès de la campagne de publicité est immédiat!
À tel point qu’une idée reçue – bien que totalement fausse – devient de plus en plus tenace: c’est Coca-Cola qui aurait détourné l’image du père Noël à son profit, l’affublant de vêtements aux couleurs de la marque. On l’a vu, ceci est tout à fait inexact…
(et profitez-en, car c’est la seule et unique fois que je prendrais la défense d’une multi-nationale…)
L’année suivante, en 1932, Coca-Cola publie une deuxième illustration. Cette fois, la marque fait le choix de faire un clin d’œil à Norman Rockwell! Je ne suis pas sûr que beaucoup de consommateurs aient compris la référence, mais je trouve personnellement l’idée particulièrement brillante!
Bibliographie:
Faut-il croire au Père Noël ?, Martine Perro
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Encore une découverte ! Pas pour Coca-Cola mais pour Nicolas de Myre !!
Je connais Saint Nicolas mais je n’ai jamais rencontré ce Nicolas de Myre, je suis né unpeu trop tard !!
Merci, encore une fois, de ma permettre d’avancer dans la connaissance !
Merci surtout à vous pour votre gentillesse, Eurosix !
Bonsoir,
Tu dis « Pour être totalement honnête, notons bien que la couleur rouge attribuée au père Noël, même si elle se développe de plus en plus aux États-Unis, n’est pas encore définitive. Certains illustrateurs le représentent sous différentes couleurs, du bleu au vert en passant par le violet… »
Et juste après « Coca-Cola entre en scène ! » où tu parles de cette publicité dont « Le succès [de la campagne de publicité] est immédiat! »
C’est donc bien Coca-Cola qui a fait en sorte que le rouge devienne la couleur définitive du père-noël, ou j’ai pas tout compris à ton explication ?
Désolé, ce passage n’est pas suffisamment clair en effet…
En fait, Coca-Cola n’a rien fait en sorte du tout !
La couleur rouge était déjà prédominante avant que la marque s’en empare (cf. les différentes illustrations mentionnées dans l’article). Néanmoins, on trouvait encore quelques représentations du père Noël en vert ou en bleu, par exemple.
Bravo pour cet impressionnant travail de recherche.
Cela a le mérite de laisser la place à la vérité lorsque celle-ci doit faire face à la légende urbaine, maintes fois partagée et jamais vérifiée.
…
L’année se termine, je compte bien vous lire encore l’année prochaine : « Je vous ordonne de continuer » aurait pu dire un double menton célèbre
Bonne continuation donc.
A noter que au nord (Belgique, Pays-Bas et peut etre Nord de la France) père
Fouettard n’est pas couvert de poils mais de suie (a cause du charbon)
Très bon article sinon merci 🙂
Merci à vous pour l’info ! 🙂
Bravo, toujours un plaisir de venir lire vos articles.
Merci 🙂
Merci pour cet article !