« Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver »
Même si on l’entend à tout bout de champ (plus souvent à tort qu’à raison), il est difficile de comprendre le sens de cette phrase sans en connaître son contexte historique précis. Pire, la sortir à mauvais escient pourrait faire l’objet de contre-sens vous cataloguant illico presto au mieux d’ignare, au pire de nostalgique de l’époque nazie!
Car, oui, à l’origine, cette phrase est un trait d’humour douteux provenant tout droit du régime nazi. 20 avril 1933. C’est un grand jour: on fête l’anniversaire d’Adolf Hitler, aux rênes du pays depuis moins de trois mois (il est propulsé chancelier du Reich le 30 janvier 1933). Pour l’occasion, on joue la première d’une pièce de théâtre écrite spécialement par un certain Hanns Johst et sobrement intitulée Schlageter, du nom d’un certain Albert Leo Schlageter, jeune Allemand de 23 ans fusillé par l’armée française en 1923 pour s’être opposé manu militari à l’occupation étrangère de la Rühr.
Dans la première scène, on retrouve le jeune « héros » nazi en pleine discussion existentielle avec un ami. En périodes de révisions de leur examen universitaire, les deux compères se demandent s’il est bien utile de continuer à étudier tant que leur pays n’a pas retrouvé sa liberté.
Pour l’ami de Schlageter, les études sont vides de sens et seul compte le combat armé contre l' »envahisseur ». À quoi sert d’être instruit quand on n’est pas libre? Et de sortir: « quand j’entends le mot culture, j’enlève le cran d’arrêt de mon Browning ».
Grands rires dans la salle. La saillie fait mouche. Et le chef des jeunesses hitlériennes (de 1933 à 1940), Baldur von Schirach, de reprendre à son compte l’expression et de s’écrier à qui veut l’entendre (et à qui ne le veut pas également d’ailleurs…) : « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver! »
Et le parti nazi de joindre le geste à la parole en organisant des bûchers de livres et en déportant les intellectuels dans des camps de concentration.
Albert Leo Schlageter face au peloton d’exécution le 26 mai 1923
Par pitié, ne faites pas comme ces ignares qui répètent la phrase, hilare, pour tenter de justifier leur pauvreté intellectuelle (du genre fous-moi la paix, y’a Secret Story à la télé). Si vous voulez mon avis, étant donné l’odeur nauséabonde qui s’en dégage, il vaudrait bien mieux laisser tomber cette saillie à l’humour douteux dans les méandres de l’oubli. Non?
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Djinnzz
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Les autodafés de 1933 font en effet partie de ces périodes sombres qu’on aimerait oublier.
Le 10 mai 1933, soit moins d’un mois après l’anniversaire d’Hitler dont vous parlez, c’est le point culminant de la campagne contre l’esprit « non allemand ».
Entre 20h30 et 22h, au cours d’une cérémonie savamment mise en scène devant l’opéra de Berlin et dans 21 autres villes allemandes, des dizaines de milliers de livres sont publiquement jetés au bûcher par des étudiants, des enseignants et des membres des instances du parti nazi. (source Wikipedia)
Ils constituent les autodafés allemands de 1933.
Qu’est ce qu’un autodafé? C’est un clin d’oeil à une des périodes sombres de l’Histoire: Traduisible par « acte de foi », c’est une cérémonie de pénitence publique pratiquée par l’Inquisition au Moyen-Age. (Ceux qui refusaient d’avouer leurs pêchers étaient jetés sur le bûcher)
Entendre des humoristes plaisanter avec cette phrase et la porter en dérision laisse en effet un arrière goût dans la bouche
La première victime de cette blague est sans doute Schlageter lui même. Lui est mort en 1923, soit 10 ans avant l’arrivée du NSDAP au pouvoir.
Ces convictions politiques étaient nobles, loin des préoccupations fascistes et racistes du parti nazi.
Reprendre à son compte le sacrifice de cet homme pour nourrir des thèses racistes: Schlageter a certainement dû se retourner dans sa tombe (ou pas, d’ailleurs, peut-être se serait-il finalement rallier au parti nazi, personne n’en sait rien au final).
Preuve s’il en fallait que le traité de 1919 porte en lui les germes de la seconde mondiale.
C’était une bêtise d’écraser à ce point l’Allemagne et de la priver de son honneur. Cela ne pouvait que raviver un sentiment patriotique fort. La suite, on la connaît…
Il me semble que c’est Jean Yanne qui faisait des vannes en rapport avec cette expression. A vérifier cependant, je n’y mettrais pas ma main à couper.
Effectivement, assez nauséabond comme expression.
Y préférer sans aucun doute la version de Godard :
« Quand j’entends le mot culture, je sors mon carnet de chèques » pour critiquer les accès parfois onéreux et élitiste à la culture !!
PS: Ravis de vous relire Djinnzz
Un peu d’humour noir de temps à autre, voyons ! On se croirait chez Muray des fois : « attention nazi ! attention ! pas rire ! ». Lubitsch doit vous paraître nauséabond aussi alors… Je vous trouve ridicules, avec vos aspects de redresseurs de torts.
voilà;je pense pareil! ils nous emmerdent avec leur morale à la con.On le sait que c ‘est lié aux allemands.Mais ceux qui l’emploient aujourd’hui cette expression « nauseabonde » c ‘est au second degré,ce qui a l’air de manquer à nos analystes apocryphes ,et c ‘est de l’humour noir comme il est bon de le pratiquer .Bref,aujourd’hui tu peux rien dre sans qu’on tu sois tout de suite repris de volée,taxer de je ne sais quel vice horrible;Bref,pour terminer je préfère pour ma part,dire à l’occasion, »quand j’entends parler de flingues je sors ma culture ».allez salut.Et merci le Nabot.
Toujours pareil, la bien pensence fait des ravages ! Moi je trouve ça drôle ! Et que dire de Deproge alors ? Il a dit bien pire !
Bien placée, la citation pouvait faire mouche au bac de philo (série S) cette année : je crois que le devoir de mémoire prévaut sur l’aspect dérangeant de la formule (et de son contexte historique a fortiori !). Alors pourquoi donc s’enterrer la tête dans le sable ?
moi je sors mon revolver quand j’entends parler de culture concernant la corrida, Macron a dit : « la corrida fait partie intégrante de la culture et de l’économie,bla, bla…… » peut on employer ce mot de culture pour justifier un bain de sang ?
Pour ma part j’essaye de comprendre l’autre, et cette phrase veut simplement dire qu’il y a un temps pour étudier, mais lorsque son propre pays est occupé par l’ennemi, ce temps n’est plus (surtout lorsqu’on est un jeune homme de 23 ans en âge de combattre).
Ironie du sort, notre pays sera occupé quelques décennies plus tard par les mêmes que nous avions occupés (avec la Belgique), et nombreux seront nos jeunes qui prendront le maquis plutôt que le chemin des écoles ou des universités où la propagande faisait loi.
Il peut ensuite y avoir une deuxième grille de lecture de cette phrase, qui consisterait à vouloir embrigader la jeunesse et lui ôter tout esprit critique, ce ne sont d’ailleurs pas les nazis qui ont inventé la propagande, mais ils passèrent maitre en la demeure.
Quant à l’autodafé, je le vois plus dans la continuité des lois raciales de Nuremberg, purger l’Allemagne de tous les indésirables, juifs et communistes avant tout, et d’une pierre deux coups K. Marx et S. Freud se retrouvent dans les flammes.
Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte, et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence. Sans aliénation, vivez autant que possible en bons termes avec toute personne. Dites doucement et clairement votre vérité et écoutez les autres, même le simple d’esprit et l’ignorant ; ils ont eux aussi leur histoire. Evitez les individus bruyants et agressifs, ils sont une vexation pour l’esprit. Ne vous comparez avec personne : vous risqueriez de devenir vain ou vaniteux. Il y a toujours plus grand et plus petit que vous. Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements. Soyez toujours intéressé à votre carrière, si modeste soit-elle ; c’est une véritable possession dans les prospérités changeantes du temps. Soyez prudent dans vos affaires, car le monde est plein de fourberies. Mais ne soyez pas aveugle en ce qui concerne la vertu qui existe ; plusieurs individus recherchent les grands idéaux ; et partout la vie est remplie d’héroïsme. Soyez vous-même. Surtout n’affectez pas l’amitié. Non plus ne soyez cynique en amour, car il est en face de toute stérilité et de tout désenchantement aussi éternel que l’herbe. Prenez avec bonté le conseil des années, en renonçant avec grâce à votre jeunesse. Fortifiez une puissance d’esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain. Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères. De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude. Au-delà d’une discipline saine, soyez doux avec vous-même. Vous êtes un enfant de l’univers ; pas moins que les arbres et les étoiles, vous avez le droit d’être ici. Et qu’il vous soit clair ou non, l’univers se déroule sans doute comme il le devrait. Soyez en paix avec Dieu, quelle que soit votre conception de lui, et quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez dans le désarroi bruyant de la vie, la paix dans votre âme. Avec toutes ses perfidies, ses besognes fastidieuses et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau. Prenez attention. Tâchez d’être heureux.
Extrait de « Desiderata », qui fut trouvé dans l’église Saint-Paul de Baltimore en 1693 ?
Les crimes contre l’humanité ne sont pas ceux d’un peuple . La cruauté , le goût de la violence , la religion de la force , le racisme féroce ne sont l’apanage ni d’une époque ni d’une nation . ils sont de tous les temps et de tous les pays . ils ont des bases biologiques et psychologiques qui , pour nous échapper encore , n’en sont pas moins certaines . L’être humain est un fauve dangereux . En période normal , ses instincts mauvais demeurent à l’arrière plan , jugulés par les conventions , les habitudes , les lois , les critères d’une civilisation . Mais , que vienne un régime qui non seulement libère ses impulsions terribles , mais en face des vertus , alors du fond des temps , le mufle de la bête réapparaît sous le masque fragile du civilisé , déchire cette mince écorce et pousse le hurlement de mort des temps oubliés .
Texte issu d’un livre intitulé histoire de la gestapo ;
Bonjour,
Il est indiqué dans l’article qu' »Albert Leo Schlageter, jeune Allemand de 23 ans [a été] fusillé par l’armée française en 1923″.
Or dans la page Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Leo_Schlageter qui lui est consacrée, il est indiqué qu’il était âgé de 28 ans lorsqu’il a été fusillé : peut-être un erreur typographique à rectifier ?
Cordialement,
Ben