Quel coeur d’artichaud, ce Louis XII!
Dans sa chambre froide et austère, la douleur tenaille les reins de la reine Anne de Bretagne. À seulement 38 ans, la voilà déjà aux portes de la mort, souffrant depuis quelques mois de la gravelle (c’est-à-dire de calculs rénaux) qui la font hurler de douleur.
Dame Nature n’a pas été très clémente avec elle. Alors qu’elle vient à peine de souffler ses 21 bougies, son mari le roi Charles VIII meurt. Elle aurait tant aimé lui offrir un héritier mâle! Malgré son jeune âge, elle a déjà enchaîné les fausses couches à un rythme effréné…
Reine de France un jour, reine de France toujours! Il est décidé qu’elle épouse en seconde noce le successeur de son premier mari, Louis XII. Avant cela, encore faut-il que ce dernier se débarrasse de sa propre épouse, Jeanne la boîteuse, sœur de Charles VIII!
(Si, à ce moment de votre lecture, vous ne comprenez déjà plus rien aux liens de parenté, c’est normal!)
Charles VIII qui fait le beau sur son cheval à l’entrée de Florence. La classe!
Obtenir l’annulation d’un mariage est chose aisée à l’époque, encore faut-il avoir les bons arguments… Louis XII ne s’embarrasse pas avec la vérité et jure solennellement qu’il n’a jamais consommé son mariage avec Jeanne! Et cette dernière en prend pour son grade: « viciée de corps », « inapte à recevoir la semence virile »,… rien ne lui est épargnée! Ni une, ni deux, le mariage est annulé par le Pape et notre tourtereau peut enfin épouser la veuve de son ancien beau-frère.
Hélas, Anne de Bretagne n’est pas plus productive avec Louis XII qu’elle ne l’était avec Charles VIII… De fausses couches en nourrissons morts-nés, elle n’arrive à mettre au monde que deux filles: Claude de France et Renée.
Elle meurt dans la souffrance en cette matinée pluvieuse du 9 janvier 1514. Tandis qu’elle comprend que la mort vient la chercher, se tordant de douleur sur son lit de mort, est-elle rongée par le regret de ne point avoir réussi la seule chose que l’on attendait d’elle – donner un héritier à la Couronne de France? Nul ne le sait. Ce qu’on sait mieux, par contre, c’est qu’un prince du royaume jubile! François d’Angoulême, cousin de Louis XII sait qu’en l’absence de descendance il héritera du royaume. La mort d’Anne de Bretagne est une véritable aubaine pour lui qui tremblait à chacune de ses grossesses de peur de voir un marmot pointer le bout se son nez!
Anne de Bretagne
Pour marquer le coup et se donner encore plus de légitimité, François n’hésite pas, alors que le cadavre d’Anne est encore chaud, à se marier à Claude de France… Mais si rappelez-vous, c’est la fille aînée du roi et d’Anne de Bretagne!
Louis XII est très affecté par la disparition de sa compagne. « Il était si affligé que huit jours durant ne faisait que larmoyer », nous apprennent les chroniqueurs de l’époque. C’est donc la mort dans l’âme qu’il consent au mariage de sa fille et de son cousin. Il a par contre des exigences particulières: la cérémonie devra se dérouler sans musique ni cérémonie, et, surtout, la mariée sera habillée en noir!
Ce François d’Angoulême, Louis ne le porte pas vraiment dans son cœur… Il ne peut se résoudre à lui laisser le trône sans mener un dernier combat. Un fils! Que ne donnerait-il pour enfin avoir un fils! Que diable, il n’a que 52 ans après tout! Bon, OK, il en paraît au moins 15 de plus et sa santé est très précaire… Mais lorsqu’il songe que son propre père avait 67 ans lors de sa conception, il s’en retrouve tout ragaillardi.
– Une nouvelle femme, voilà ce qu’il me faut!
Le regard du roi se porte sur l’Angleterre, plus particulièrement sur la ravissante Mary Tudor, la plus jeune sœur du roi Henri VIII. Ce choix fait bien les affaires du pape Léon X qui voit en ce futur mariage un espoir inespéré d’une alliance franco-anglaise pour contrer l’influence grandissante et menaçante de l’Autriche et de l’Espagne. Usant de stratagèmes politiques pour approcher le roi d’Angleterre et lui proposer ce mariage, Louis XII obtient bientôt ce qu’il désire plus que tout. Et la rumeur de se répandre dans tout le Royaume… Notre bon vieux roi veut encore tremper son biscuit! Il voudrait pas crever avant d’avoir mis une nouvelle fois son zob dans des coinstots bizarres, serait-on tenté d’ajouter…
Louis XII, roi de France qui avait, osons le mot, une sale gueule
Bien sûr, quand il apprend la nouvelle, François d’Angoulême a le souffle coupé et n’en croit pas ses oreilles.
– Ah ben ça alors! Je n’en crois pas mes oreilles!
Se pourrait-il que le trône sur lequel il se voyait bien poser les fesses dans quelques années lui passe sous le nez en l’espace d’un instant? Quand Mary, alors âgée de 16 ans, se rend en France pour y rencontrer le roi, c’est le coup de grâce pour François… Et quand elle sort de sa litière, illuminant la France entière de ses boucles dorées, de son regard pétillant et de son rire malicieux, il sent la Terre s’arrêter de tourner… Cette ravissante jeune fille a tout pour ranimer les ardeurs du vieillard croulant qu’est devenu Louis XII!
Le mariage est fêté en grande pompe à la fin de l’année 1514. Vient le moment attendu de la nuit de noces où, dit-on, Louis XII fait des merveilles! Mais la puissance de l’Amour a ses limites… Même s’il retrouve une seconde jeunesse durant quelques jours, la triste réalité rattrape le roi. Ses crises de goutte se font de moins en moins espacées, il maigrit à vue d’œil… Bref, le pauvre n’en a plus pour bien longtemps… Mais avant la mort de son royal époux, Mary se serait bien vue enceinte: avec un héritier, quand Louis XII mourra, la voilà propulsée au rang de régente de France… Une princesse anglaise à la tête du Royaume de France, voilà une bien belle perspective pour Henri VIII, 50 ans à peine après la fin de la guerre de Cent Ans!
Après tout, au diable la fidélité, se dit Mary. Du moment qu’elle est enceinte, qui oserait remettre en doute que le père est bien son mari? Et voilà Mary en train de minauder autour de François d’Angoulême qui se verrait bien, lui aussi, dans les bras de l’intrigante Anglaise… Heureusement, la mère de François est là pour remettre dans le droit chemin et lui ouvrir les yeux…
– Mais réveille-toi, François! Si tu as la faiblesse de succomber aux charmes de la Perfide Albion et que celle-ci, par malheur, tombe enceinte, tu peux dire adieu à tes rêves de couronne!
François Ier, dont la gueule n’était pas terrible non plus…
Ironie du calendrier, Louis XII a le bon goût de passer de vie à trépas le 1er janvier 1515, moins d’une année après la mort du véritable amour de sa vie, Anne de Bretagne. Ouf, François d’Angoulême peut maintenant dormir sur ses deux oreilles. En l’absence d’héritier, il accède finalement au titre suprême… C’est d’ailleurs un grand bien pour la France! Eh oui, les lecteurs les plus avertis auront reconnus François Ier, l’un des plus grands rois de l’Histoire de France, qui réussit à faire rentrer le Royaume dans l’âge d’or de la Renaissance. Mais ça, c’est une autre histoire…
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Une belle histoire bien racontée 🙂
Avant, je croyais que l’Histoire, c’était apprendre par coeur des dates de règne et de batailles.
Mais ça, c’était avant.
(Si, à ce moment de votre lecture, vous ne comprenez déjà plus rien aux liens de parenté, c’est normal!)
Me voilà rassuré! ^^
« Il voudrait pas crever avant d’avoir mis une nouvelle fois son zob dans des coinstots bizarres, serait-on tenté d’ajouter… »
Ca serait pas une chanson qui dit par hasard???
Toujours aussi intéressants tes articles sur l’Histoire de France, on sent une vrai passion !
Oui, c’est vrai, la passion transpire de ce blog… C’est très plaisant à lire!
J’ai découvert ce site il y a quelques jours et je suis scotchée devant la qualité des articles. Ca me réconcilierait presque avec l’Histoire de France!
Votre démarche est la seule qui me convienne en tout cas: vous gommez l’austérité propre à l’Histoire, vous employer un ton moderne et dynamique, vous gommez les trucs chiants pour ne sélectionner que les péripéties amusantes et intéressantes,… Bref, vous donnez goût à l’Histoire à ceux qui n’aiment pas ça.
Et on en redemande!
Il y a quelques jours encore, je n’aurais jamais cru que je serai venu au bout de la lecture d’un gros pavé sur Louis XII (et on m’aurait demandé qui c’était, j’aurais juste pu dire que c’était le Roi entre Louis XI et Louis XIII – oui, j’avais prévenu que l’Histoire et moi ça fait deux)