Sylvestre II, le pape de l’an mille, usait-il de sorcellerie?
Que n’a-t-on pas dit sur ce pauvre Sylvestre II, le pape de l’an mille! Rares sont les souverains pontifes qui jouissent d’une si mauvaise réputation. Sa place sur le trône pontifical? Il ne la doit qu’à ses pouvoirs occultes, bien sûr! Ne l’entend-on pas régulièrement parler une étrange langue que seuls les animaux peuvent comprendre? Victor Hugo en personne le fait dialoguer avec les oiseaux dans L’Homme qui rit! Et à quoi peut bien servir cette étrange tête de bronze qu’il a lui-même façonné si ce n’est à prédire l’avenir?
Comment a-t-il acquis ses pouvoirs maléfiques? Sur ce point, les avis divergent. Certains pensent que c’est en volant le grimoire de l’émir de Cordoue, l’alchimiste Al Mansour. Pour d’autres, c’est en Inde que les Neuf Inconnus, une société secrète agissant dans l’ombre depuis plus d’un millénaire, lui ont enseigné leur savoir… C’est en tout cas ce que croit savoir Louis Pauwels dans son célèbre livre Le Matin des magiciens.
Alors que faut-il penser de tout cela? J’ai mené ma petite enquête…
Avant d’être pape, Sylvestre II s’appelait Gerbert. Fils de berger, il perd très vite ses parents et est recueilli par les moines bénédictins du monastère de Saint Géraud à Aurillac. Élève exceptionnel, il apprend et assimile si vite que bientôt ses professeurs n’ont plus aucun savoir à lui transmettre… Ne doutant pas une seconde du potentiel extraordinaire de l’enfant, l’abbé l’envoie en Espagne où il va côtoyer le gratin des intellectuels de l’époque. Son enseignement tourne maintenant autour du quadrivium: géométrie, arithmétique, musique et astronomie. Le jeune Gerbert se plonge dans les manuels de mathématiques rédigés par les plus grands scientifiques arabes de l’époque. Et en plus il aime ça, le con!
Le comte de Barcelone, qui l’a pris sous son aile, l’emmène à Rome où il fait la connaissance du souverain pontife en personne, le pape Jean XIII. Voilà ce gamin d’à peine 20 ans qui promenait des troupeaux de moutons il y a quelques années encore au chevet d’un des hommes les plus puissants d’Europe! Et comme il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin, il devient le précepteur du fils d’Othon Ier, l’empereur fondateur du Saint-Empire romain germanique. C’est sûr, il y a quand même plus dégueulasse comme carrière!
Plus tard, en 987, son action est décisive dans l’élection d’Hugues Capet comme roi de France et il devient même son secrétaire particulier. Sa connaissance des hautes sphères du pouvoir en font un allié de poids pour le fondateur de la dynastie des Capétiens… qui le charge bientôt de l’éducation de son fils, le futur Robert II de France.
Sylvestre II et le démon: illustration d’un livre datant de 1460
Bref, à seulement 40 ans, pour être intime avec les plus grands de ce monde et avoir influencé les destinées des dynasties européennes, Gerbert est déjà rentré dans l’Histoire. Mais il a des ambitions encore plus grandes et lorgne du côté du trône pontifical… Rien ne semblant pouvoir l’arrêter, c’est sans surprise qu’à la mort du pape Grégoire V, en 999, il est élu souverain pontife. Il choisit le nom de Sylvestre II en hommage à Sylvestre premier du nom, le pape régnant à l’époque du grand Constantin.
Sans surprise encore, Sylvestre II, le pape de l’an mille, sera un pape d’exception. Malgré son règne bien trop court (il meurt 4 ans après son élection), il aide à instaurer des pouvoirs forts au sein des États européens, en échange de quoi il réclame un rôle politique central. Bref, l’Église n’a jamais été aussi puissante que sous son règne…
Mais alors, d’où vient cette légende noire qui lui colle à la peau? En fait, ces accusations de sorcellerie et de pacte avec le démon sont postérieures à la mort de Sylvestre II et remontent au XIIe siècle pour les plus anciennes d’entre elles.
Comme l’explique l’abbé Axinger au XIXe siècle, « On comprend, les accusations de magie et de commerce avec les esprits infernaux que l’on a fait peser sur la mémoire de cet illustre pontife, trop grand pour pouvoir être compris par ceux qui mesurent tout à l’exiguïté de leur entendement. Être méconnu de ses semblables, c’est d’ailleurs le sort des hommes que leur génie et leurs talents élèvent au-dessus du vulgaire; on blasphème ce que l’on ne saurait ni comprendre ni atteindre. »
Axinger a tout dit, je n’ai rien à ajouter!
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La réflexion de l’abbé Axinger peut en effet s’appliquer à beaucoup de monde. Les esprits trop brillants ont toujours été mis à la marge.
Les Neuf Inconnus dont vous parlez mériterait je pense un peu plus d’explications (peut-etre meme un article à part entière?)
C’est une société secrète dont les premières mentions remontent au IIIe siècle av JC en Inde
Chacun des « Neuf » Inconnus utilise un langage propre et est en possession d’un livre renfermant un savoir séculaire.
Le premier de ces livres est consacré aux techniques de propagande et de guerre psychologique.
Le deuxième livre à la physiologie. (techniques secrètes pour tuer quelqu’un d’un simple geste, la mort survenant par inversion de l’influx nerveux)
Le troisième la microbiologie
Le quatrième la transmutation des métaux (et notamment l’alchimie – la transmutation du plomb en or).
Le cinquième étudie tous les moyens de communication.
Le sixième:les secrets de la gravitation (peur ceux qui kifferaient de voler…).
Le septième est la plus vaste cosmogonie (= histoire de la création du monde) conçue par notre humanité.
Le huitième est un traité sur la lumière.
Le neuvième traite de la sociologie et donnent les règles de l’évolution des sociétés pour prévoir leur chute.
Ca serait génial de mettre la main sur ces livres, non?
Gerbert a peut-être rencontré le pape Jean XIII, mais pas Jean XXIII.
A moins qu’il ait vraiment pratiqué la sorcellerie… comme dans les Visiteurs 😛
Corrigé!
Merci de m’avoir alerté sur cette erreur d’étourderie 🙂
Bonjour j’ai lu deux de vos articles et merci car ils sont très intéressants.
Toutefois je me permets juste de vous préciser que PAUWELS était un romancier et que le Matin des magiciens est trompeur à cet égard… (Cf. PAUWELS sur Wiki par exemple).
Je me permets car j’ai lu ce roman quand j’étais ado et j’ai été piégé lol
Peut-être pourriez-vous vérifier pour un article sur PAUWELS afin de vérifier pour le présent article la part de vrai dans ce qui relève du roman.
Continuez quoiqu’il en soit votre beau travail Monsieur !