Flatland, un Univers impitoyable!
« J’appelle notre monde Flatland (le Plat Pays), non point parce que nous le nommons ainsi, mais pour vous aider à mieux en saisir la nature, vous, mes heureux lecteurs, qui avez le privilège de vivre dans l’Espace.
Ainsi commence Flatland, ce roman naviguant entre mathématiques, philosophie, science-fiction et humour! Oui, rien que ça…
Écrit en 1884 par un certain Edwin A. Abbott, Flatland plonge le lecteur dans un monde en deux dimensions disposant de ses règles propres. Imaginez-vous dans la peau d’une forme géométrique dessinée sur une feuille de papier. Vous pouvez vous mouvoir vers la droite, vers la gauche mais, bien sûr, vous n’avez aucune possibilité de vous élever au-dessus et au dessous de la surface!
Imaginez maintenant que vous n’êtes pas seul. En fait, votre feuille de papier constitue un univers structuré, dans lequel vos concitoyens, d’autres formes géométriques, se baladent à leur guise. La seule chose que vous pouvez voir, bien sûr, ce sont des segments… Car oui, à Flatland, il n’y a pas d’ombres, pas de perspectives… Pour voir si votre copain le carré est loin ou près de vous, vous ne pouvez vous fier qu’à la longueur de son segment!
Une véritable vie sociale se forme entre les figures géométriques, qui peuvent communiquer entre elles. C’est de ce postulat tout simple que part Edwin A. Abbott, et l’écrivain ne fait pas les choses à moitié!
Les habitants de Flatland ne peuvent voir que des segments
Maintenant, structurons un peu notre Univers… Les femmes sont représentées par des lignes droites. Les soldats et les ouvriers, ce sont de vulgaires triangles. Par contre, la classe moyenne a des formes bien plus harmonieuses: ce sont des triangles équilatéraux!
Vient ensuite la nôblesse et le clergé… Plus on est haut-placé dans la société, plus on dispose de côtés. Quant aux Ecclésiastiques, les membres les plus vénérables de la société, sont des cercles. Après tout, qu’est-ce qu’un cercle si ce n’est un polygone à une infinité de côtés…
Hérédité, génétique, gouvernement autoritaire, règles sociales,… tout est pensé et décortiqué sous la plume de l’auteur qui en profite bien sûr pour écorner au passage la société anglaise de la fin du XIXè siècle…
Une maison flatlandaise, le choix du pentagone n’est pas le fruit du hasard! (lire le livre pour comprendre…)
Le héros de notre petite histoire va très vite se voir propulser dans d’autres univers… Tout d’abord, il va atterrir dans Lineland, un pays qui ne dispose que… d’une seule dimension! C’est à dire que tous les habitants ne peuvent se déplacer que sur une simple ligne droite… Et notre héros va avoir toutes les peines du monde à faire comprendre la notion de deux dimensions aux habitants de Lineland! Alors ne parlons pas des difficultés à communiquer avec les habitants de Pointland, qui, comme vous l’avez sûrement compris, habitent un espace à 0 dimension…
L’étrange pays de la ligne, Lineland (illustration tirée du livre)
Bien sûr, le voyage initiatique de notre petit triangle va se terminer dans le monde « réel », le monde en 3 dimensions tel que nous le connaissons. Vous imaginez sa surprise lorsqu’il découvre le concept de cube ou de sphère… Dépaysement garanti!
Bon, si tout ce que je vous raconte depuis le début de cet article est un véritable charabia pour vous, je vous invite à visionner la petite vidéo ci-dessous qui met en images l’Univers de Flatland. C’est tout de suite plus clair!
Film d’animation Flatland:
Cet OBNI (Objet de Bibliothèque Non Identifié) est un pur régal. L’intelligence des démonstrations mathématiques et la logique des règles qui régissent Flatland rendent la lecture palpitante et accessible à tous, de 7 à 177 ans. Si vous aussi, vous avez toujours rêvé de comprendre la sexualité des triangles, le fonctionnement de leur armée, la place de la religion dans leur société, comprendre en quoi la couleur représente une menace pour eux et j’en passe, alors Flatland est fait pour vous!
Bien sûr, les mathématiques omni-présentes dans ce livre ne sont qu’un prétexte pour faire passer un message philosophique. Qu’est-ce que le Réel? L’Univers se limite-t-il à ce que peut percevoir l’œil et l’esprit humain? Existe-t-il une quatrième dimension, notion couramment utilisée par les mathématiciens de haute voltige mais tellement difficile à comprendre par le profane? S’amuser de la naïveté des figures inventées par Abbott implique la remise en question de nos propres connaissances.
Lire Flatland, c’est donc fatalement s’interroger sur sa propre existence, sa propre vision du Monde. Une expérience dont on ressort grandi, forcément.
Vous l’avez compris, je vous incite fortement à vous plonger dans cet univers peuplé de triangles, de segments et de cercles. Et aujourd’hui est votre jour de chance, car le texte est justement tombé dans le domaine public. Vous pouvez vous le procurer gratuitement au format pdf ici: Flatland d’Edwin A. Abott sur ebooksgratuits.com ou, si vous préférez caresser du vrai papier, l’acheter sur Amazon:Flatland : Fantaisie en plusieurs dimensions
J’ai hâte de lire vos impressions dans les commentaires!
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Un article toujours aussi intéressant.
Je connaissais Flatland de nom, mais je n’ai jamais eu l’occasion de le lire. Vous m’avez donné envie de m’y mettre. Reste maintenant plus qu’à trouver le temps pour ça… 🙄
C’est pas sympa. J ai ete oblige de lire le livre en entier et j’ai rien fait de mon Dimanche, du coup.
Blague a part, le livre est captivant, c est vrai.
Plein d humour, c’est vrai.
Il fait reflechir, c’est vrai.
C’est incroyable l imagination l’auteur. On se demande vraiment ou il va chercher tout ça (la sedition chromatique, comment les formes parviennent à se reconnaitre les unes par rapport aux autres, en jouant avec la distance entre l’oeil et l extremite de la figure, la Doctrine des Pretres…)
C est tres bizarre d’en parler tellement l univers du livre est loufoque mais quand on le lit on se laisse entrainer
Merci pour la decouverte. Maintenant, je vais pouvoir me la peter au bureau, du genre : Quoi? tu connais pas Flatland? 😉
Il faut voir Flatland comme une allégorie, un approfondissement de l’allégorie de la caverne de Platon.
Pour rappel, Platon s’amuse à imaginer un monde dans lequel les hommes seraient enchaînés dans une caverne, face à un mur et sans possibilité de se retourner.
Derrière eux, la lumière du soleil projette des ombres sur la paroi. Les hommes ne connaissent donc que ce monde en deux dimensions et ne peuvent imaginer la richesse de l’Univers en dehors de leur caverne.
Un jour, un homme parvient à s’échapper. Il est tout d’abord aveuglé par la lumière du soleil, puis il est à la fois émerveillé et effrayé par ce qu’il voit.
Il rentre raconter ce qu’il a vu à ses congénères, toujours attachés et condamnés à ne voir que les ombres. Ceux-ci ne le croiront pas: comment le pourraient-ils? Cette caverne est tout ce qu’ils connaissent et personne n’aime qu’on vienne ébranler ses convictions.
Flatland, c’est l’adaptation mathématique de cette allégorie. Un livre que tout le monde devrait lire au moins une fois dans sa vie. C’est incroyable de voir comment ces textes ont su traverser les générations sans prendre une ride. Abbott est pour moi un génie trop méconnu.
Dans un autre registre, la trilogie Matrix s’est attachée à appliquer cette allégorie dans un monde post-apocalyptique. Ceux qui ne voient en cette trilogie qu’un film banal de science-fiction n’ont rien compris… Je salue Hollywood et les frères Wachowsky pour avoir osé intégrer un message philosophique puissant et à plusieurs degrés de lecture dans un film à gros budget.
Allégorie de la caverne, Flatland ou Matrix parlent de la même chose et nous amènent à gagner en humilité. L’homme intelligent, c’est celui qui a compris qu’il a une vision erronée du monde puisque limitée à ses seuls sens. Ce constat pousse certains à se réfugier dans la religion, d’autres dans la science. Moi, en attendant, je fais des commentaires à la con sur ce site 😛
N’oubliez pas: la cuillère n’existe pas.
Je l’ai lu il y a bien longtemps, pendant mes études. C’est un petit bijou, je confirme.
Oui, je connais Flatland! Je l’ai lu quand j’étais en prépa!
La deuxième moitié du livre m’a un peu gavé… une fois qu’on a compris le concept, je trouve que c’est un pu longuet. Pour moi, ça a surtout un intérêt d’un point de vue philosophique, pour illustrer les concepts de réalité…
Qu’est-ce que le réel? Uniquement des impulsions électriques interpretes par notre cerveau. Les couleurs, les formes, sont perçues par nos sens qui envoient des signaux au cerveau…
Donc, si nos sens sont imparfaits, ou si notre cerveau n’est pas performant, nous avons donc une conscience tronquée du reel.
Dans Flatland, les habitants ne peuvent pas percevoir la 3e dimension. Eux ne comprennent qu’un monde en 2 dimensions. Leur vision de la vie ne peut donc se réduire qu’a ça.
Et on peut donc extrapoler: qu’est ce qui nous garanti que nos sens nous donnent une vision complète de notre environnement? Et s’il existait des dimensions supérieures que nous ne pouvons pas percevoir, et que nous ne pouvons donc pas comprendre?
C’est cette question ô combien polémique qui est développée par Flatland, sous la forme d’une allégorie mathematique.
Aujourd’hui, on pourra regarder Matrix qui traite exactement des mêmes questions! (au format blockbuster américain of course)