Le suicide râté de Chamfort
Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort était un brillant esprit de la fin du XVIIIe siècle. Journaliste, poète, écrivain,… il est nommé en 1781 à l’Académie française. Il partage sa vie entre gens de lettres et gens de cour, avant que la Révolution française ne vienne bouleverser son quotidien…
À vrai dire, l’écrivain accueille avec enthousiasme la vague révolutionnaire qui déferle sur la France. Il participe aux Assemblées durant lesquelles il aime tenir des discours enflammés où il expose sa vision d’un monde meilleur. Il assiste même au serment du Jeu de Paume et applaudit la prise de la Bastille !
Mais le régime de la Terreur qui se met en place n’est pas du tout à son goût. Lui qui pensait concourir à la création d’une société meilleure, il assiste, médusé, à la mise en place d’un régime politique s’apparentant à une odieuse tyrannie. Trop, c’est trop !
Un anti-révolutionnaire au temps de la Terreur
Chamfort a le malheur de se réjouir publiquement de la mort de Marat, assassiné dans sa baignoire par Charlotte Corday le 13 juillet 1793.
L’affaire vient aux oreilles de l’effroyable Comité de sûreté générale qui ne laisse pas passer pareille « infamie »… Ni une, ni, deux, Chamfort est envoyé illico presto au fin fond d’une geôle sordide. Il est finalement libéré au bout de deux jours d’emprisonnement (au nom de ses positions pro-révolutionnaires passées, sans doute), mais n’en reste pas moins surveillé très étroitement par les autorités…
Il faut dire aussi qu’en ces temps troublés, Chamfort prend des risques que l’on peut qualifier d’inconsidéré… Ainsi publie-t-il ce genre de poème, où il exprime sa nostalgie de l’Ancien Régime :
Temps heureux où chacun ne s’occupait en France
Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, L’Heureux Temps
Que de vers, de romans, de musique, de danse,
Des prestiges des arts, des douceurs de l’amour!
Le seul soin qu’on connût était celui de plaire,
On dormait deux la nuit, on riait tout le jour,
Varier ses plaisirs était l’unique affaire.
En ces temps révolutionnaires, certains se font couper la tête pour moins que ça !
Première tentative : arme à feu
Quelques semaines après sa libération, le 14 novembre 1793, le poète nostalgique comprend qu’il est dans l’œil du cyclone et qu’il a toutes les chances de retourner rapidement en prison, son passé d’aristocrate et d’intellectuel ne plaidant pas en sa faveur. Chamfort prend dnc les devants. Plutôt que de mourir en prison, il préfère choisir sa propre mort. Il s’enferme dans son bureau, s’empare de son pistolet, le pointe à quelques centimètres de son visage…
La détonation retentit.
Hélas, la balle dévie légèrement de sa trajectoire, lui arrachant seulement le nez et la moitié de la mâchoire. Plus déterminé que jamais à rejoindre l’autre monde, ce « contretemps » ne le décourage pas.
Deuxième tentative : coupe-papier
Baignant dans son sang, il s’empare du premier objet qui lui tombe sous la main : son presse-papier. Et voilà le pauvre homme qui tente désespérément de se trancher la gorge armé de sa ridicule lame ! Il arrive seulement à s’entailler la peau, mais pas de quoi le faire trépasser.
Troisième tentative : coupe-papier (encore)
Sa détermination ne faiblit pas pour autant ! Faisant sienne la devise des Shadoks « plus ça rate, plus ça a de chances de réussir », toujours muni de son arme de fortune, il tente de s’ouvrir la poitrine, sans plus de résultats… À bout de force, il se taillade enfin les jarrets, perdant une quantité effroyable de sang.
Une heure plus tard, le malheureux est retrouvé par son valet dans une mare de sang. Est-il mort ? Non, il respire encore ! Un médecin est appelé sur le champ qui le tire d’affaire. Après trois tentatives consécutives pour se donner la mort, le pauvre Chamford est toujours de ce monde.
Et la maladie remporte la mise…
Fin janvier 1794, les charges qui pèsent sur lui sont enfin abandonnées. Le voilà libre comme l’air… À jamais défiguré (et sans doute traumatisé), mais libre !
Hélas, il ne jouira pas longtemps de sa liberté retrouvée : quelques semaines plus tard, le 13 avril de la même année, il meurt d’une vilaine maladie de peau (humeur dartreuse), conséquences vraisemblables de ses blessures qui auraient mal cicatrisées.
La mort, finalement, a bien voulu de lui.
____________________________________
Vous avez aimé cet article ? Alors j'ai besoin de vous ! Vous pouvez soutenir le blog sur Tipeee. Un beau geste, facile à faire, et qui permettra à EtaleTaCulture de garder son indépendance et d'assurer sa survie...
Objectif: 50 donateurs
Récompense: du contenu exclusif et/ou en avant-première
Je vous remercie pour tout le soutien que vous m'apportez depuis maintenant 5 ans, amis lecteurs!
Djinnzz
PS: ça marche aussi en cliquant sur l'image juste en dessous ↓↓↓↓
Le pauvre mec, il a bien reçu, c’est vrai.
Il ne faisait pas bon soutenir l’Ancien Régime dans les années 1790…
Je confirme, c’est bien une VDM 😉
C’est vraiment une super initiative ce site.
J’adore lire les anecdotes que vous racontez, ça permet de s’instruire tout en douceur. SI je vous avais connu quand j’étais encore collégien ou lycéen, je suis sûr que j’aurais eu de meilleures notes parce que l’histoire et la géographie m’aurait plus intéressé.
Réviser son bac ne se limite pas à apprendre des dates par coeur pour les recracher le jour J. Mais ça, je l’ai compris que bien trop tard, hélas… Que de temps de perdu!
J’espère que j’arriverai à combler mes lacunes grâce à vous (je vois qu’il y a plus de 400 articles parus, j’ai de quoi faire. lol
Juste par curiosité, vous êtes prof? Quelle profession avez-vous? Ca vous demande du temps d’écrire sur ce site?Je sais la curiosité est un vilain défaut mais vous n’êtes pas obligés de me répondre. lol
Merci JuJu pour tous ces compliments!
Non, je ne suis pas prof! je suis ingénieur en travaux publics.
Et oui, ce site me demande beaucoup de temps (en moyenne, 2 heures par article) mais l’écriture est avant tout une passion… quand on aime, on ne compte pas! 🙂
Ah euh juste : j’ai déjà vu dans plusieurs articles l’orthographe « raté ». Ça ne serait pas plutôt « raté » sans le ^ ?
Mais super site et super article Hein 😉
Zut ! Morbleu ce correcteur ! J’ai bien entendu voulu dire « râté » 😯
alors là il serait à coté de moi je lui ferai un câlin tellement j’ai pitié de lui 😕
« S’il est un homme rendu plus célèbre par sa mort que par sa vie, c’est bien lui! » oO
Il est toujours assez triste de faire le mal en croyant faire le bien. « L’enfer est pavé etc. » Transmettre une approximation tendancieuse des faits au lieu de leur réalité pour s’attirer une piètre attention. Quelques clics un peu paresseux ne suffiront jamais à remplacer de vraies lectures.
Chamfort est un des grands révolutionnaires. Un proche ami de Mirabeau. Et même révolutionnaire un peu avant l’heure. Larguant dès les premiers signes de grand bouleversement à venir tous ses contacts aristocratiques de mondain lettré et se libérant de ses diverses pensions versées par de nobles admirateurs, pour gagner, libre de toute chaîne enfin, le combat au coeur même des Arcades du Palais-Royal, là où tout bouillonnait. Il n’était pas un noble. L’enfant naturel d’un chanoine probablement, et d’une dame de compagnie. Et s’il a tenté de se suicider, ce n’est pas par peur et lâcheté, mais avec courage, avec honneur, pour ne pas se laisser juger à mort par les traîtres de la Révolution : Robespierre et co… A la mort de Marat il s’est écrié : « Le Roi Marat est mort ! » Evidemment que ça lui a causé quelques problèmes… Il était surveillé, réputé dangereux par le nouveau pouvoir abusif. Il était dans l’ombre mais bien plus influent et puissant que Mirabeau. Il écrivait même les discours (parfois) de ce dernier. Alors dire qu’il est plus connu pour ce dernier geste… Il aura laissé cet extraordinaire livre : « Produits de la civilisation perfectionné », plus diffusé sous le nom de « Maximes et pensées, caractères et anecdotes ». Livre de chevet de beaucoup de grands philosophes : Schopenhauer, Camus, Nietzsche… Fort apprécié par Chateaubriand, Schlegel, Cioran… Certes ses vers et ses drames ne sont pas ses plus grandes réussites, mais sa pensée, ces fragments (environ 1400) qu’il nous a laissés sont, dans un style merveilleux, incisif, le summum de l’esprit français de son époque, à la fois lucides et sans pitié et à l’humour brutal et brillant. Le résultat d’une observation de premier ordre.
Et puis même avec son visage esquinté, il a continué à amuser jusqu’à la fin son entourage par son talent et sa grande aptitude à l’autodérision, qualité rare chez un penseur de cette époque. Un pessimiste mais excessivement porté par la vie. Désolé si je suis un peu dur avec vous au début, mais ne véhiculons pas, svp, une image galvaudée de cet écrivain à l’oeuvre si profonde et jubilatoire. Une VDM comme ça, je prends… SB.
Je respecte ma réponse de Stéphane B. Car le commentaire de Djinnz est du style populeux, anecdotique et fortement superficiel. Juste pour amuser la galerie.
Je respecte la réponse de Stéphane B. Car le commentaire de Djinnz est du style populeux, anecdotique et fortement superficiel. Juste pour amuser la galerie.
Je respecte la réponse de Stéphane B. Car le commentaire de Djinnz est du style populeux, anecdotique et fortement superficiel. Juste pour amuser la galerie.