L’expression du jour : Donner dans le phébus
Donner dans le Phébus: c’est en parcourant un vieux dictionnaire des proverbes des années 60 que je suis tombé par hasard sur cette expression qui me semble, ma foi, fort sympathique et facile à placer lors d’une conversation mondaine!
Le dictionnaire étymologique de 1831 en donne la définition suivante: « on entend par phébus une pensée triviale et peu claire revêtue d’une image pompeuse et brillante ». Donner dans le phébus, c’est donc parler (ou écrire) dans un jargon incompréhensible et pompeux afin de masquer la vacuité de ses propos.
L’origine de l’expression
L’expression viendrait d’un certain Gaston Phébus (de son vrai nom Gaston III de Foix-Béarn, 1331-1391), prince de Béarn au XIVe siècle, qui entreprit l’écriture d’un traité sur la chasse. Ce dernier est en effet considéré par ses pairs comme l’un des plus grands chasseurs de son époque… « Il n’y a pas de plus grand bonheur pour un homme que de partir à la chasse. Il n’y a pas de plus grand bonheur que de revenir le soir bien fatigué à son logis, de manger un peu de lard de cerf, de boire, de savourer la torpeur de la vesprée et de se coucher dans de bons draps frais. Et d’ailleurs tous les chasseurs vont au paradis! », écrit-il dans la dédicace de son Livre de la chasse qu’il adresse en 1387 à Philippe le Hardi.
La première partie du traité, ma foi, est on ne peut plus classique. M. Phébus se plaît à analyser les meilleures façons de piéger une perdrix, les façons d’encercler un cerf, les avantages et inconvénients de l’utilisation de chiens de chasse ou de faucons, et tutti quanti. Dans la pure tradition aritotélicienne, il s’attache à décrire les animaux de façon scientifique: alimentation, vie sociale, comportement,… notamment sur les chiens auxquels il consacre un immense chapitre.
Extrait d’une version magnifiquement enluminée du Livre de la Chasse, de Gaston III de Foix-Béarn dit Phébus
C’est dans la deuxième partie du traité que ça se corse. M. Phébus, se prenant pour un Jean de la Fontaine avant l’heure, décide d’écrire en rimes. Surtout, il se sert du thème de la chasse pour filer la métaphore et évoquer en réalité les travers de ses contemporains. Seuls problèmes: son style est pompeux, ses propos sont vides de sens, et il devient bien vite la risée de ses pairs!
Il n’en faut pas plus pour que M. Phébus fasse une entrée fracassante au panthéon des Zéros de l’Histoire! L’expression: c’est du phébus désigne dès lors un style boursoufflé et inintelligible. C’est fort dommage, si vous voulez mon avis, car Gaston III de Foix-Béarn est par ailleurs un fin politicien et un chef de guerre redouté dans une époque marquée par la guerre de Cent ans. Comme l’Histoire peut être injuste, parfois!
Une dernière citation pour la route
« Ne remarquez-vous pas du phébus dans tout ce qu’il dit, depuis qu’il se mêle d’être poète? » (Baron, Le Coquet trompé, 1686)
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C’est génial!
Quand j’étais petit, j’avais un livre qui s’appelait: Gaston Phébus : Le lion des Pyrénées
En lisant l’article, ça m’est instantanément revenu à l’esprit! Merci pour cette madeleine de Proust!
Merci!
En effet, je viens de découvrir ce livre:
dont le résumé est le suivant:
La joie règne dans le palais des comtes de Foix où l’héritier tant attendu vient de naître à l’aube de la Saint-Nicolas. Ce fils, un ermite du voisinage en a prédit la naissance, annonçant qu’un astre frère du Soleil se lèverait avec lui et que ce Phébus arderait au point de se consumer si un astre femme levé en même temps ne gravitait autour de lui, exerçant une influence bénéfique. En l’an de grâce 1331, nul ne dédaigne les prédictions et la grâcieuse Eléonore de Comminges décide d’élever avec son fils l’enfant inconnue déposée dans la nuit du 5 au 6 décembre à l’abbaye de Saint-Volusien. Ainsi grandissent ensemble Gaston Phébus et Myriam, sa Belle Dame qu’il célébrera en chanson, qu’il épousera en partant seconder le roi Philippe VI dont Edouard d’Angleterre convoite le royaume: la guerre de Cent Ans a commencé. Et commencé aussi le drame qui va forger le destin de Gaston Phébus car, parmi les femmes que charment sa vaillance et sa beauté, il y en a une qui ose rêver de supplanter la Belle Dame tant aimée… et comment sinon en la faisant périr ? C’est tout le Moyen Age fastueux et violent, en proie aux guerres, aux révoltes, aux intrigues féodales, qui renaît au fil de l’histoire de Gaston Phébus, reconstituée ici d’après les archives de la famille de Béarn : une fresque haute en couleurs dont Le Lion des Pyrénées forme la première partie. Suivront Les Créneaux de feu et Landry des Bandouliers.
Une littérature jeunesse qui semble d’excellente qualité!
Ils l’ont adapté en film, ce bouquin…
le DVD
Je sais pas trop ce que ça vaut par contre, la jaquette fait très cheap!
A propos de Gaston Phébus, un homme politique de son époque, ne tarit pas d’éloges:
« Il avait été vaillant prince en son temps et subjugua tous ses voisins, et était bien aimé, honoré et prisé, craint et redouté. »
Il me semble que les moqueries envers lui concernant la deuxième partie de son livre de Chasse sont posthumes.
A ne pas confondre avec « donner le prépuce »!
Bar mitzvah style 🙂
Se donner le surnom de Phébus, c’est à dire soleil, c’est très prétentieux…
Je pensais que seul Louis XIV avait osé!
Ben moi, les chasseurs, je leur pisse au c**
(Z’avez vu? J’ai tendance à être cash et à ne pas donner dans le phébus!)
Et qu’on me raconte pas que c’est bon pour réguler la population du gibier, et patati et patata. La seule vraie raison pour laquelle les chasseurs pratiquent leur activité, c’est pour assouvir leur soif de tuer, un point c’est tout.
La seule vraie raison pour laquelle les chasseurs pratiquent leur activité, c’est pour assouvir leur soif, un point c’est tout.