Aller de Charybde en Scylla
La mythologie grecque refait parfois surface dans la langue français, parfois là où on s’y attend le moins! C’est le cas de l’expression « aller de Charybde en Scylla » souvent utilisée dans les discours des hommes politiques ou des économistes pour étayer leurs propos. Et la raison en est bien simple: on va de Charybde en Scylla lorsqu’on tente d’éviter un danger en prenant une route qui nous mène vers un danger plus grand encore… La conjoncture économique et politique mondiale se prête donc tout à fait à son emploi récurrent.
Mais d’où vient donc cette étrange expression?
Scylla est une gentille nymphe. Tout comme sa copine Écho, elle est dotée d’une beauté légendaire. D’innombrables hommes viennent du monde entier pour se rendre auprès d’elle et tenter d’obtenir ses faveurs, mais la belle joue les minettes effarouchées et repousse un à un tous ses prétendants. Un jour, c’est le dieu marin Glaucos qui l’aperçoit marcher le long de la plage. Subjuguée par la jeune nymphe, il sent monter en lui le désir et tente une approche subtile auprès d’elle.
– Salut, mademoiselle. T’es charmante. Sans rire, si ton plumage s’accorde avec ton ramage tu serais la plus belle ce soir pour aller danser!
– Hein?!
Hélas pour Glaucos, il faut croire qu’être un dieu n’aide pas forcément dans l’art subtil de la séduction. Comme pour tous les autres hommes ayant tenté leur chance auprès de Scylla, sa tentative échoue lamentablement. Mais le bougre n’a pas dit son dernier mot! Ne s’avouant pas vaincu, il va trouver la magicienne Circé pour lui demander de lui créer un philtre d’amour. Ce qu’il ignore, c’est que Circé est elle-même amoureuse de lui, et elle ne compte pas laisser sa rivale emporter la manche!
Elle tente d’abord de convaincre Glaucos d’abandonner son projet. Que diable! Que s’entête-t-il avec cette vierge effarouchée alors qu’il a une femme, une vraie, prête à s’offrir à lui dans l’instant! Mais, le dieu refuse les avances de la magicienne, et Circé perd la tête. Ne pouvant s’en prendre à Glaucos lui-même, c’est bien sûr sur Scylla que retombe sa colère: elle prépare un onguent magique et, employant la ruse, parvient à l’étaler sur le corps de la belle nymphe. Aussitôt, Scylla se transforme en une hideuse créature à 6 têtes! Son corps couvert d’écailles et ses douze moignons en guise de pieds l’obligent à quitter définitivement le monde des humains. Elle plonge dans la mer et se trouve un petit rocher sympa sur la côte calabraise qui devient sa nouvelle demeure. Rendue aigrie par ce destin si tragique, elle s’occupe comme elle peut dans sa nouvelle vie en effrayant les marins qui s’aventurent auprès d’elle…
Ulysse devant Scylla, Johann Heinrich Füssli, 1795
Quant à Charybde, son histoire n’est guère plus reluisante! Fille de Poséidon et de Gaia, elle commet un jour l’erreur de voler le troupeau de bœufs à Heraclès – qui l’avait lui-même volé à Géryon pour accomplir un des 12 travaux. Zeus ne pardonne pas cet affront et la punition qu’il inflige à Charybde est exemplaire: il lui impose de rester sur un rocher de Sicile, en face de la côte italienne. Trois fois par jour, elle doit ingurgiter toute l’eau du détroit et la recracher aussitôt. Les marins n’apprécient guère cette étrange manie!
C’est Ulysse, dans l’Odyssée d’Homère, qui est bien malgré lui à l’origine de l’expression « passer de Charybde en Scylla ». Car sur le chemin naval qui le ramène chez lui, il parvient à éviter de justesse d’être engloutie par Charybde… Mais se retrouve du coup nez à nez avec Scylla!
Et voilà votre vocabulaire enrichi d’une toute nouvelle expression. Elle est pas belle, la vie?
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C’st amusant, Marine Le Pen a justement employé cette expression pendant son dernier passage à la télé, devant David Pujadas (des paroles et des actes, ou un truc du genre)
Merci pour toutes ces infos intéressantes
Vous êtes la preuve qu’on peut élargir sa culture générale tout en rigolant un bon coup.
J’attends vos articles tous les jours avec impatience et je tenais à vous le dire.
Je ne connaissais pas cette expression, elle est très jolie, surtout quand on connaît l’histoire tragique qu’il y a derrière.
j’essaierais de la replacer à l’occasion!
Waouh ! Ce que c’est bon de venir ici !
Merci !!!!
Je ne l’avais plus étendue depuis le collège, et l’a réentendue dans un sketch de …Groland ! À ne pas recaser au bar de supporters du club de foot !