Bellérophon, le guerrier chevauchant Pégase
Avant-propos
La biche avait tous les sens en éveil et se tenait face à lui, à une centaine de mètres, l’observant fixement. Doucement, Hipponoos banda son arc et retint sa respiration juste avant de décocher le trait fatal. Une légère brume l’empêchait de distinguer nettement sa proie mais le jeune prince avait confiance en sa dextérité.
La flèche parcourut une trajectoire parfaite. Au loin, il vit sa proie s’effondrer sur le champ, morte. Mais quelque chose clochait. Un doute atroce assaillit Hyponoos… Il lâcha son arc et se mit à courir, tremblant, à travers les herbes hautes du champ. Au fur et à mesure de son avancée, la réalité implacable le rattrapait… Incapable de parcourir les derniers mètres qui le séparaient du corps inerte, il tomba à genoux, se prit la tête entre les mains et poussa un cri puissant qui transperça le ciel.
Attiré par le cri, un paysan arriva sur les lieux du drame. Son regard tomba aussitôt sur la flèche plantée dans le torse de l’homme allongé au sol. À côté de lui, un autre homme, en état de choc, regardait dans le vide et semblait incapable de prononcer la moindre parole intelligible.
Il n’y a pas d’exil heureux
L’homme qui gît raide mort au milieu du champ se nomme Belléros, un notable de la ville de Corinthe. Hyponoos y gagne donc le surnom de “Bellérophon” peu glorieux, signifiant littéralement “le tueur de Belléros”. C’est sur ce malencontreux homicide que démarre l’aventure d’un des plus grands héros de la mythologie.
Devenu paria dans sa propre cité, il doit s’exiler et trouve refuge dans une cité rivale, à Tirynthe, située à une centaine de kilomètres au sud de Corinthe. Le cœur lourd de culpabilité, il se présente au roi de la ville, un certain Proetos, qui l’accueille de la meilleure des façons et l’installe dans son palais. Au fil des jours, Bellérophon reprend peu à peu goût à la vie.
La reine Sthénébée semble apprécier tout particulièrement la présence du jeune homme. Pas un jour ne passe sans qu’elle trouve un prétexte pour lui rendre visite dans ses appartements, s’arrangeant pour se retrouver en tête à tête. D’abord touché par ces attentions sans cesse renouvelées, Bellérophon, n’ayant pas encore le cœur au badinage, finit par repousser les avances de la reine.
Il n’est rien de plus dangereux qu’un coeur brisé
Furieuse, cette dernière jure de se venger. Si elle ne peut obtenir les faveurs du jeune homme, alors elle obtiendra sa perte… Telle Phèdre éconduite accusant Hippolyte de viol, Sthénébée se rend auprès de son mari pour jeter l’opprobre sur Bellérophon : il aurait, dit-elle, abusé de sa confiance en tentant de la séduire. Proétos n’a aucune raison de douter de la parole de son épouse et décide la mort du Corinthien. Mais les lois de l’hospitalité lui interdisent de porter la main sur son hôte, et encore moins de le tuer. Quiconque contreviendrait à cette loi sacrée, quelle qu’en soit la raison, devrait se confronter aux redoutables Érinyes, les déesses de la vengeance.
Alors, Proétos met au point un stratagème redoutable. Il charge Bellérophon d’une prétendue mission diplomatique : il doit remettre une tablette scellée à son ami Iobatès, roi de Lycie (et accessoirement père de Sthénébée). Bien sûr, le naïf Bellérophon ignore tout du drame qui est en train de se nouer à ses dépens… Car sur la tablette figurent les accusations de Sthénébée à son encontre et sa propre condamnation à mort que Iobatès devra exécuter !
Une fête salvatrice…
Après un long et éprouvant voyage à travers la mer Egée (la Lycie est située au sud de la péninsule turque), Bellérophon arrive enfin aux portes du palais de Iobatès. Ce dernier est réputé pour son sens de la fête… L’arrivée de l’étranger, qui plus est envoyé par le mari de sa propre fille, est l’occasion d’organiser de somptueuses festivités. Remettant la lecture de la tablette à plus tard, il offre à son hôte 7 jours et 7 nuits de réjouissances en tout genre…
Mais bientôt, c’est le retour à la réalité : Iobatès se décide enfin à décacheter le sceau de la tablette apportée par son hôte. Au fil de sa lecture, son visage se décompose, d’abord de surprise, puis de colère. Il est sur le point d’ordonner à sa garde de s’emparer du messager quand il se rappelle, à son tour, des Érinyes… Après une semaine de festivités, Bellérophon est considéré comme son hôte et il lui est interdit de lui faire le moindre mal.
Croyant l’envoyer à la mort, il demande donc à ce pauvre Bellérophon, qui n’a toujours aucune idée de ce qui se trame dans son dos, d’aller combattre la Chimère, un monstre qui ravage la région.
Une mission pour entrer dans la légende
Il est difficile de faire monstre plus étrange et terrible que la Chimère. De loin, on pourrait la confondre avec un simple lion, mais elle possède un serpent en guise de queue, une tête de chèvre dans le dos, vomit des torrents de feu et dévore tous ceux qu’elle rencontre [1La Chimère s’est unie à Orthos, le chien bicéphale de Géryon contre lequel Hercule se bat dans l’un de ses Douze Travaux, pour donner naissance à deux autres monstres célèbres de la mythologie : le Sphinx et le lion de Némée. La Chimère est elle-même née de l’union entre le Titan Typhon et d’Echidna, une femme monstrueuse au corps de serpent.].
Bellérophon a d’abord l’idée d’apprivoiser Pégase, un cheval ailé qui vit dans la région. Mais, craintif, l’animal refuse obstinément de se laisser approcher… Désemparé, il va consulter le devin Polyidos qui lui conseille de sacrifier un taureau à Poséidon et de passer une nuit dans le temple d’Athéna. Il suit ces conseils à la lettre et, la nuit venue, alors qu’il est allongé au pied de la statue de la déesse, il fait un songe prémonitoire. Athéna en personne se rend auprès de lui pour lui offrir une bride d’or qui lui servira, dit-elle, à apprivoiser Pégase [2Pégase est né du sang de Méduse tuée par Persée. Méduse est la seule des trois Gorgones à ne pas être immortelle et elle est capable de transformer en pierre quiconque croise son regard. Pégase porte donc en lui cette dualité : un symbole de pureté né de la pourriture.]. Au réveil, tandis qu’il cherche à comprendre comment interpréter ce songe, il découvre la bride d’or à ses côtés…
À ce stade de sa vie, Bellérophon n’est pas vraiment l’archétype du héros antique. Meurtrier involontaire, il est manipulé par une femme nocive et cruelle qui le conduit, sans même qu’il s’en rende compte, vers une mort certaine. Mais face à l’adversité et grâce au concours des dieux, le caractère valeureux du héros va enfin se révéler.
Pégase, le cheval ailé
Bellérophon se rend à une source où Pégase a coutume de se désaltérer. Enfin, l’animal arrive depuis les airs. Une robe blanche immaculée, des ailes majestueuses, une crinière abondante, une grâce propre aux êtres vivants qui se savent uniques au monde… Le jeune homme n’a jamais rien vu de pareil.
Tout doucement, il s’approche de l’animal. Craintif, Pégase trépigne en signe d’hostilité envers l’intrus, mais, intrigué par la bride d’or d’Athéna que Bellérophon tend devant lui, il reste sur place. À force de gestes lents et amicaux, le jeune homme parvient à glisser sa main sur son encolure et à caresser l’animal. C’est un coup de foudre amical. Dès lors, Bellérophon et Pégase ne se quitteront plus…
La Chimère n’a qu’à bien se tenir
Bellérophon ne tarde pas à lui enfiler la bride d’Athéna puis à grimper sur son dos. Pégase s’envole aussitôt dans les airs et, semblant mû par une volonté commune, se dirige aussitôt vers l’antre de la Chimère, une caverne percée dans la montagne de laquelle s’échappent des fumerolles toxiques.
Les récits antiques ne relatent pas avec précision la confrontation entre Bellérophon et le monstre. Grâce à Pégase, le héros bénéficie d’un avantage certain qui rend le combat plutôt facile : aussi effrayante soit-elle, la Chimère ne sait pas voler. Confronté à un ennemi qui l’assaille de toute part, elle se défend en crachant des gerbes de feu. Bientôt, le ciel ressemble à un immense brasier dans lequel Pégase n’a pourtant aucun mal à évoluer.
Bellérophon avait attaché au bout de sa lance une masse de plomb… Dans le tumulte général, il parvient à proximité du monstre et pousse sa lance dans la gueule en feu. Le plomb fond en quelques secondes et étouffe la Chimère qui périt dans un cri effrayant, à mi-chemin entre rugissement et bêlement.
Un génocide, puis un deuxième…
Fier de son exploit et de sa nouvelle monture, le jeune guerrier se présente au palais de Iobatès. Il s’attend à être accueilli en héros, il ne trouve que mépris et colère de la part de son hôte. Il est chargé aussitôt d’une nouvelle mission qui semble, à première vue, tout aussi impossible à remplir que la première : exterminer le peuple des Solymes, une tribu guerrière vivant dans les Monts Taurus et qui, par sa simple existence, menace son royaume.
Faisant surgir en lui une rage qu’il ne soupçonnait pas, Bellérophon s’acquitte à nouveau de sa mission. Un peuple entier périt sous les flèches et le fer de sa lance. Et, le corps encore couvert du sang de ses ennemis de circonstance, il se rend de nouveau auprès de Iobatès. Une fois encore, ce dernier est en colère et, une fois encore, il lui confie une mission : cette fois-ci, c’est le peuple des Amazones qu’il va devoir affronter.
Il n’est rien de pire que d’accomplir des faits d’armes sans en connaître les raisons. Pourquoi se battre, pourquoi tuer des hommes et des femmes si ce n’est pour obéir aveuglément aux ordres d’un roi ?
Les questions existentielles n’affaiblissent cependant pas le bras du valeureux héros. Toujours perché sur le dos de son fidèle Pégase, il sème l’effroi dans le rang des guerrières amazones. Il est seul contre cent, seul contre mille. Mais il sort tout de même victorieux de la guerre qu’il a lui-même provoquée. Survolant une dernière fois le village des Amazones en proie aux flammes, la vue des corps mutilés et sans vie qui s’entassent au sol endurcit son cœur. Qu’il est loin le jeune homme chétif et innocent qui s’apitoyait sur la dépouille de Belléros ! Pégase est devenu son ami le plus cher… Bellérophon donnerait sa vie sans hésiter pour sauver la sienne mais, paradoxalement, c’est aussi lui qui fait peu à peu surgir les ténèbres de son âme.
Un retour triomphal… mais destructeur !
Après ce nouveau succès, Bellérophon se dirige vers le palais de Iobatès. Cette fois, il compte bien lui demander des explications : pourquoi le charge-t-il, encore et encore, de réussir l’impossible ? Pourquoi ses succès successifs, loin de satisfaire son hôte, semblent au contraire le plonger dans une colère de plus en plus profonde ?
Hélas, le héros corinthien n’en aura pas l’occasion. Pour reposer Pégase qu’il a mis à rude contribution ces derniers jours, il se dirige à pied vers le palais. Mais, à une dizaine kilomètres de sa destination, la garde royale arrive à sa rencontre, bien décidée, semble-t-il, à en finir avec lui. Le héros grec se réfugie sur une colline qui domine la vallée et découvre un spectacle qui le laisse sans voix : de toute part, des corps armés aux couleurs de Iobatès convergent vers lui.
Béllérophon se tourne alors vers les dieux. Poséidon prend son parti et déverse des trombes d’eau sur la plaine. La scène est terrifiante : des milliers d’hommes sont balayés par des vagues gigantesques qui s’abattent sur eux, tandis que Bellérophon, tel un Moïse avant l’heure, fend les eaux et traverse la vallée à pieds secs.
Révélations finales
Iobatès assiste, horrifié, à la débâcle de son armée. Il comprend enfin que son jeune ennemi est un protégé des dieux. Alors, se mettant à genoux devant lui, il lui explique tout : le terrible contenu de la tablette scellée que Bellérophon a lui-même ramenée, les accusations de viol contre sa fille Sthénébée et la volonté de son mari Proétos de lui donner la mort. Mais, conclut-il, il est devenu évident au fil de ses exploits qu’il était protégé des dieux et que les accusations portées contre lui étaient, par conséquent, infondées.
En signe de bonne volonté, Iobatès propose la main de sa fille Philonoé à Bellérophon. Ce dernier accepte mais nourrit en secret de plus grandes ambitions… En l’espace de quelques semaines, et grâce au concours de son fidèle Pégase, il a pu révéler toute sa puissance aux yeux du monde entier. Partout son nom est prononcé avec un mélange de crainte et d’admiration, lui le vainqueur de la Chimère et des effrayantes Amazones. Peut-il seulement retourner à une vie normale ?
La vengeance est un plat qui se mange froid
Les mois puis les années passent, durant lesquelles Bellérophon fonde une famille nombreuse. Mais il n’oublie pas. Un jour, il décide de partir vers Tyrinthe pour accomplir sa vengeance. Il y trouve Sthénébée, plus belle et plus arrogante que jamais. Lorsqu’il se présente à elle sous un faux nom, elle ne le reconnaît pas. Comment le pourrait-elle ? Il était si jeune lorsqu’elle a ourdi son complot contre lui, contrairement à l’homme mûr et puissamment musclé qui se tient désormais devant elle.
Elle succombe à ses charmes… Peu de temps après, Bellérophon lui propose de faire un tour à cheval. Ils montent tous les deux sur le dos de Pégase qui ne tarde pas à s’envoler dans les cieux. Là, le cœur de Sthénébée se serre : elle se rappelle de ce que l’on raconte sur Bellérophon et de son cheval volant. Se peut-il que ce soit lui ?
Prise de panique, elle serre fort la taille de l’homme assis devant elle. Il se retourne alors et dévisage Sthénébée d’un regard terrifiant. En un instant, la reine de Tyrinthe comprend, mais un peu tard, ce qui est en train de se tramer… D’un geste puissant, il la pousse en arrière pour la déséquilibrer, tandis qu’elle se cramponne désespérément à lui. Ne pouvant résister à une telle force, elle lâche finalement prise et pousse un cri déchirant tandis qu’elle tombe dans le vide.
Sa vengeance accomplie, Bellérophon rentre sans se retourner auprès des siens.
Un dieu qui sommeille en lui ?
Sa notoriété et sa puissance, semble-t-il, lui ont monté à la tête. Il ne se considère plus comme un être humain ordinaire mais se voit plutôt comme un égal des dieux [3La vanité semble être le point commun des héros mythologiques qui parviennent à voler. Ainsi Phaéton qui veut à tout prix conduire le char volant de son père (celui qui tire le soleil d’est en ouest dans le ciel) ou Icare n’écoutant pas les conseils de son père et s’envole toujours plus près du Soleil, finissant par y perdre la vie.]. Que sa vie lui semble fade sur la terre et comme elle doit être passionnante sur l’Olympe !
Un matin, Bellérophon n’y tient plus… Il enfourche Pégase et se dirige vers la demeure des dieux. Du haut de son trône, Zeus voit d’un mauvais œil l’incursion d’un humain sur son territoire. Oh, il aurait bien des moyens pour repousser l’impudent et le renvoyer à sa condition de simple mortel ! Il pourrait le foudroyer sur place ou provoquer une tempête dantesque qui le précipiterait sur la terre. Mais ce serait lui faire beaucoup trop d’honneur. Non, Zeus préfère envoyer… un taon. Ce dernier pique la croupe de Pégase qui, sous le coup de la douleur, lance une violente ruade qui fait perdre l’équilibre à Bellérophon.
Lui, le vainqueur des Amazones, le voilà défait par un vulgaire insecte ! Le guerrier en perdition ne meurt pas de sa chute. Boiteux et à moitié aveugle, il mènera dorénavant une vie misérable et solitaire, évitant lui-même tout contact avec les humains. Il apprendra la mort de sa fille, tuée par Artémis jalouse de l’amour que lui portait Zeus, ainsi que celle de son fils tué par Arès qui en était jaloux.
Bellérophon aura désormais tout le loisir de songer au triste destin de son grand-père, Sisyphe, qui, se croyant plus malin que les dieux, fut condamné à une laborieuse éternité. Les malédictions, semble-t-il, sont souvent affaire de famille.
Épilogue
Délesté de son encombrant cavalier, Pégase poursuivit seul sa route vers l’Olympe. Zeus l’y accueillit avec plaisir, faisant de lui son serviteur pour diverses tâches subalternes [4La tradition artistique associe Persée au cheval Pégase, notamment durant l’épisode où le héros vient délivrer Andromède enchaînée à un rocher. Il s’agit là d’une simple licence artistique : aucun texte antique n’en fait mention. Persée a, certes, le pouvoir de s’élever dans les airs, mais uniquement grâce à des souliers ailés que lui offre Athéna.]. Zeus, en signe de reconnaissance pour sa fidélité, le transforma en constellation. Le cheval ailé n’eut jamais le moindre regard vers la terre et ne chercha jamais à obtenir des nouvelles de son ancien cavalier.
Notes
1. | ↑ | La Chimère s’est unie à Orthos, le chien bicéphale de Géryon contre lequel Hercule se bat dans l’un de ses Douze Travaux, pour donner naissance à deux autres monstres célèbres de la mythologie : le Sphinx et le lion de Némée. La Chimère est elle-même née de l’union entre le Titan Typhon et d’Echidna, une femme monstrueuse au corps de serpent. |
2. | ↑ | Pégase est né du sang de Méduse tuée par Persée. Méduse est la seule des trois Gorgones à ne pas être immortelle et elle est capable de transformer en pierre quiconque croise son regard. Pégase porte donc en lui cette dualité : un symbole de pureté né de la pourriture. |
3. | ↑ | La vanité semble être le point commun des héros mythologiques qui parviennent à voler. Ainsi Phaéton qui veut à tout prix conduire le char volant de son père (celui qui tire le soleil d’est en ouest dans le ciel) ou Icare n’écoutant pas les conseils de son père et s’envole toujours plus près du Soleil, finissant par y perdre la vie. |
4. | ↑ | La tradition artistique associe Persée au cheval Pégase, notamment durant l’épisode où le héros vient délivrer Andromède enchaînée à un rocher. Il s’agit là d’une simple licence artistique : aucun texte antique n’en fait mention. Persée a, certes, le pouvoir de s’élever dans les airs, mais uniquement grâce à des souliers ailés que lui offre Athéna. |
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Djinnzz
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Je connaissais Pégase, mais pas son cavalier… Merci pour la découverte et ce récit fort intéressant !
Texte brillant qui mériterait une large audience !
Vous avez un sens du récit propre aux écrivains… Bravo pour ça !
Sur Facebook, un commentaire m’a fait mourir de rire. Je le partage sans m’en attribuer le mérite :
« Bellérophon l’oublié. Un peu l’Actarus de la mythologie: plus facile de se souvenir de Goldorak ! »
Référence que seuls ceux nés dans les années 80 comprendront. je crois que c’est ton cas, Djinnzz 🙂
Un pote à lui lui a répondu : Bellérophon c’est aussi le nom utilisé pour l’antidote du virus « chimère » dans Mission impossible 2
Les génies mdr 🙂
Un bel article au cœur de l’été, c’est cool !
Vive Bellerophon, vive la mythologie !
L’histoire comme la mythologie sont injustes : elles retiennent certains noms et pas d’autres, heroïsent certaines personnes et font tomber dans l’oubli d’autres, indépendamment de leurs faits d’armes ou de leur apport à la société.
C’est un peu comme les réseaux sociaux : certains font le buzz sans qu’on sache pourquoi alors qu’ils produisent de la merde, alors que d’autres qui sont de meilleure qualité restent dans l’anonymat.
Mais bon, l’injustice est partout, ce n’est pas nouveau. Comme on ne peut pas retenir des centaines de noms différents, seuls certains sont qualifiés pour la postérité, dans que personne n’en sache vraiment les critères. Le hasard, à mon avis, y tient un grand rôle.
Ce que tu dis est sans doute très juste, mais quel est le rapport avec l’article ?
Désolé d’avoir été sybillin, je suivais ma pensée sans m’assurer qu’elle était clairement écrite.
Je pensais surtout au fait que, contrairement à Persee, Thesee, Hercule et d’autres stars de la mythologie, Bellerophon était tombé dans l’oubli alors que son récit est au moins aussi intéressant que ceux sus-mentionnés.
D’où ma petit digression plus haut.
Yes, je comprends mieux maintenant.
Une autre explication pour Bellerophon c’est, comme l’a mentionné un autre commentaire, son nom ait été oublié au profit de celui de sa monture, Pégase.
Et puis quand on a un nom à coucher dehors avec un billet de logement, faut pas s’étonner que les gens ne vous calculent pas ! Haha
Euh… Pour moi, Pégase c’était un nom des Chevaliers du Zodiaque…
J’ai un peu de retard culturel à rattraper apparemment mdr
Bel article, bien illustré et bien écrit sur un personnage très intéressant !
La dualité de Pégase que vous mentionnez est intéressante. j’ignorais qu’il était né à partir des gouttes de sang de Méduse. Du plus laid peut naître le beau, la symbolique est forte. Mais peut-on vraiment dire que c’est Pégase qui fait ressortir les mauvais côtés de Bellérophon ? Son innocence perdue, il la doit à Sthénébée : c’est à cause d’elle qu’il est dans une situation pareille.
Son meurtre par vengeance, d’ailleurs, n’est pas très glorieux : un vrai héros aurait su pardonner…
J’ai du mal aussi à interpréter le fait que Pégase se détourne totalement de Bellérophon à la fin du récit. Est-ce que son comportement a déçu le cheval ? Si c’était le cas, il aurait dû se détourner de lui à partir du moment où il massacre des peuples entiers. Peut-être, au fond, que Pégase ne fait qu’obéir aux ordres de Zeus.
Par ailleurs, j’ai lu aussi que la mort de Belléros, au tout début du récit, n’était pas accidentelle dans certaines versions. Bellérophon n’est donc pas si pur que ça, il porte déjà en lui les germes de la férocité, que les circonstances futures ne feront que cultiver.
Ce récit fait poser mille questions morales sur les agissements des uns et des autres, et sa finalité n’est pas aussi claire que celle d’autres héros mythologiques.
Merci de m’avoir lu, j’espère ne pas vous avoir soulé avec mes questionnements 🙂
Merci pour cet article sur le héros que, pour ma part, je connaissais bien : (mes études en lettres anciennes sont loin mais j’ai quelques restes 🙂
Il existe différentes versions de la vie de Bellérophon, selon les auteurs, qui donne un éclairage « moral » (pour reprendre le mot du précédent commentaire plus haut.
Certains font de lui le fils de Poséidon, ce qui n’est pas illogique puisque c’est ce dieu qui l’aide face à l’armée d’Iobatès. On peut d’ailleurs s’interroger sur la raison pour laquelle Poséidon ne lui vient pas en aide à la fin de sa vie. Il semblerait bien que c’est sa volonté de se rendre sur l’Olympe qui ne passe : aucun dieu ne peut supporter que quelqu’un (même si c’est un de leur fils bâtard !) se croit leur égal.
D’autres héros ont fait les frais de cette tentation comme Orion (qui se disait meilleur chasseur qu’Artémis elle-même) ou Cassiopée (qui affirmait que sa fille était plus belle que les nymphes et les déesses) et ont mal fini…
Palaiphatos est un auteur du Ve siècle avant Jésus-Christ qui a une démarche originale : il tente de donner des versions plausibles et rationnelles des mythes, dans un recueil de 52 histoires appelé Histoires incroyables.
Concernant Bellérophon, voilà comment il interprète la chose :
Bellérophon était un exilé, noble et courageux qui dévastait les villages côtiers dans une nef rapide, et Pégase était le nom de son navire.
Amisodaros, un roi voisin du fleuve Xanthos et de la forêt, habitait entre des escarpements sur une montagne du nom de Chimère, le long d’une route et une cité le long d’une autre route. D’un côté se trouve un vaste ravin, où de la terre jaillissent des flammes. Un lion vivait près de l’accès principal, et un serpent non loin de là, dévorant les bûcherons et les bergers.
Bellérophon mit le feu à la forêt de Telmissa, qui brûla ; les deux bêtes féroces périrent.
[On ne connaît pas la fin de l’histoire car on ne dispose que de fragments de textes]
Mais cela peut répondre à la question de savoir si Bellérophon a un cœur pur qui est « contaminé » par ses actions (et l’aide de Pégase qui lui donne de la puissance) ou si au contraire il est quelqu’un de « mauvais » de naissance.
Palaiphatos semble se ranger à cette deuxième hypothèse, faisant du héros un simple pirate qui ravage tout sur son passage, à bord de son bateau nommé Pégase.
Il n’y a que moi que ça choque, la statue de Pégase et de Bellérophon dans le mémorial d’Airborne en Angleterre dédié aux parachutistes ?
Se servir d’un héros qui est tombé du ciel (sans parachute !) pour rendre hommage aux parachutistes… J’hésite entre coup de génie et blague de mauvais goût !!
Haha ! J’avoue, c’est cocasse !
Commentaires sous l’article très intéressants ! Pour une fois…
Voici la description que fait Homère du mythe de Bellérophon, dans l’Iliade :
D’abord, concernant la Chimère :
« Elle était de race, non point humaine, mais divine : lion par-devant, serpent par-derrière, et chèvre au milieu, son souffle avait l’effroyable jaillissement d’une flamme flamboyante. Il sut la tuer pourtant, en s’assurant aux présages des dieux. » (Iliade, VI, 180-183).
Puis de la deuxième et de la troisième :
«En deuxième lieu {deuteron au), il eut à se battre contre les fameux Solymes et ce fut, pensa-t-il, le plus rude combat dans lequel il fut jamais engagé parmi les hommes. En troisième lieu (to triton au), il massacra les Amazones, guerrières égales de l’homme.» (Iliade, VI, 184-186).
Symbolique du chiffre 3 présente dans ce mythe. A noter que souvent, dans les mythes, la difficulté des épreuves du hérs va croissante (principe repris dans l’univers du jeu vidéo). Ici, c’est l’inverse, les texte indiquent que l’épreuve la plus difficile était bien la Chimère et la moins difficile celle des Amazones. Un peu comme si dans Mario, on devait affronter Bowser dès le premier level !
L’embuscade du roi de Lycie est la quatrième épreuve, sorte « d’épreuve après l’épreuve » :
«Mais à peine était-il de retour, que le roi contre lui ourdissait une habile ruse. Choisissant les guerriers les plus braves qui fussent dans la vaste Lycie, il les postait en aguet. Mais aucun ne rentra chez lui : tous furent massacrés par Bellérophon sans reproche.» (Iliade, VI, 187-190).
Bellérophon ayant surmonté toutes les épreuves destinées à le tuer, son caractère exceptionnel est enfin reconnu par le roi de Lycie : ainsi s’achève le renversement positif de la fortune du héros. Voici comment le poète décrit ce changement radical de statut : « Le roi comprit alors que c’était là le noble fils d’un dieu; voulant le retenir, il lui donna sa fille. Il lui confiait en même temps la moitié de tous ses honneurs royaux. Les Lyciens, de leur côté, lui taillèrent un domaine supérieur à tous les autres, aussi propre aux vergers qu’aux terres à blé.» (Iliade, VI, 191-195).
Bref, votre récit colle en tout point à celui qu’en fait Homère. reste que la construction étrange de la succession des épreuves (de la plus difficile à la moins difficile) est difficile à interpréter… Si quelqu’un a une idée.
Ah ! Enfin, j’ai la possibilité d’étaler ma culture sur ce site, moi qui ne connais jamais rien aux sujets traités 🙂
Le mythe de Bellérophon est à mettre en parallèle avec celui de Tydée, le père de Diomède, un des héros de la guerre de Troie (rien à voir avec celui qui nourrissait ses chevaux avec de la viande humaine !)
Comme Bellérophon, Tydée, fils de roi, commet un meurtre dans sa jeunesse et doit quitter sa ville. Là aussi, on ne sait pas bien les raisons de ce meurtre, ni s’il était intentionnel ou pas.
Il rejoint ensuite la cour d’une autre ville où il est purifié de son crime. Le roi lui donne même la main de sa fille. Il participe à une guerre avec le roi durant laquelle il est blessé mortellement. La déesse Athéna (comme pour Bellérophon !) lui apparaît pour lui redonner la vie, mais elle se ravise quand elle s’aperçoit que Diomède a mangé de la chair humaine (il ignorait l’origine de cette viande qui lui a été servie par son ennemi).
Athéna, peut-être échaudée par l’expérience de Tantale, se détourne donc de Diomède et le laisse à sa condition misérable.
Et je dois ajouter que ce parallèle entre Bellérophon et Tydée, ce n’est pas moi qui l’invente, mais c’est Homère qui le fait dans l’Iliade lorsque Glaucos (petit-fils de Bellérophon) et Diomède (fils de Tydée) discutent entre eux (Chant IV et XIV de l’Iliade)
Voilà, je peux refermer mes bouquins, fière de moi 🙂