Le supplice de Tantale : l’a-t-il vraiment mérité ?
Tantale est le roi de Phrygie, une région située grosso modo au milieu de la Turquie actuelle. Il accumule les richesses grâce aux mines de métaux précieux qu’il exploite de façon intensive. Richesses, royaume, enfants… À vrai dire, Tantale aurait tout pour être heureux… mais sa vanité va le conduire tout droit à sa perte. « Vanité des vanités, tout est vanité ! » aurait dit Salomon…
Zeus, un père ingrat ?
S’il y a une chose que Tantale ne supporte pas dans la vie, c’est sa condition de simple mortel. C’est vrai quoi, après tout, n’est-il pas le fils de Zeus en personne ? Un fils bâtard, certes (sa mère est une nymphe de second plan nommée Plouto), mais un fils quand même !
Aussi riche soit-il, Tantale est condamné à mener la simple vie d’un humain ordinaire. Les rares fois où Zeus se rappelle de sa progéniture, il l’invite à la table des Dieux, sur le Mont Olympe. Pensant faire plaisir à Tantale, il ne fait qu’accroître sa frustration. Tantale simule d’ailleurs bien mal le plaisir d’être l’invité de Zeus. Prétentieux à souhait et pas aimable pour deux sous, il se met tous les dieux à dos.
Tantale, un hôte détesté de tous
C’est bien simple,tout le monde attend le premier faux pas de sa part pour lui rabaisser définitivement son caquet ! Autant dire que lorsque Tantale est surpris en train de voler un pichet d’ambroisie à la table des Dieux pour le ramener sur Terre, c’est l’euphorie : les compagnons de Zeus tiennent enfin leur revanche envers cet exécrable invité ! La sentence tombe sans appel : Tantale est définitivement exclu de l’Olympe. Bon débarras !
Humilié, Tantale rumine sa vengeance. Quelques années plus tard, il va trouver son père Zeus et, tel Claude Nougaro sous le balcon de Marie-Christine, il l’implore de lui pardonner en tentant de le convaincre qu’il a bien changé.
Je suis ron ron ron rongé d’remords
Tantale sous le balcon de Zeus (ou presque)
J’suis un salaud ho ! ho !
Je t’en prie, encore une fois montre toi magnanime
Donne moi une chance encore, dis, recommençons !
Tantale aurait donc changé, il le jure ! Comme tous les papas du monde
(ou presque)
Zeus a envie d’avoir foi en son fils et accepte de lui donner une seconde chance. Pour le remercier, Tantale organise chez lui un superbe banquet de réconciliation où il invite tous les Dieux.
Seconde chance !
Bien sûr, ce revirement soudain n’est pas très sincère. Tantale a une idée derrière la tête et, pour le moment, son stratagème fonctionne à merveille ! Il reste néanmoins encore un détail à régler… Il va en cuisine, se saisit d’un énorme couteau à la lame affûtée et appelle son fils, Pélops.
– Pélops, vient faire un câlin à papa!
Pélops ? Couic !
Peu habitué à des élans d’affection de la part de son paternel, Pélops descend de sa chambre tout joyeux (mais un peu méfiant) et s’approche prudemment. Alors qu’il serre son fils dans ses bras, Tantale se saisit du couteau et le plante sans aucune hésitation dans le dos du pauvre garçon. Puis il recommence, encore et encore. Pélops a à peine le temps de comprendre ce qui lui arrive que le voilà déjà allongé au milieu de la cuisine, baignant dans une mare de sang.
Sans sourciller, Tantale commence alors son travail : il découpe méticuleusement le corps de son fils en morceaux, membre après membre, et les place dans un énorme sac qu’il confie à son cuisinier en chef.
– Prépare-moi un succulent repas avec cette viande ! lui demande l’ignoble souverain. Et gare à toi si quiconque se rend compte de la réelle nature de la chair qu’il déguste!
Un plat trop beau pour être vrai
20h00. Les invités de marque de Tantale arrivent dans la salle de banquet du palais de Tantale. S’apprêtant à passer une exécrable soirée, les dieux maudissent intérieurement Zeus de les avoir fourrés une nouvelle fois en compagnie de ce maudit Tantale. Mais ce dernier se montre étonnamment courtois et agréable avec tout le monde… Se pourrait-il qu’il ait vraiment changer ?
Quand le cuisinier pose les plats au milieu de la table, c’est avec un petit regard plein de malice que Tantale observe ses hôtes se servir de la viande. Son fumet délicat titille délicieusement les papilles de tous les convives. Mais, allez savoir pourquoi, la plupart des convives sentent qu’un truc ne tourne pas rond avec cette viande. Le sixième sens des dieux, peut-être ?
Seule Démeter, la déesse de l’agriculture, sans doute perturbée par la disparition de sa fille Perséphone, mâche à pleines dents un bout de viande. Au bout de quelques instants, elle finit par recracher ce qu’elle a dans la bouche.
Tout le monde se regarde.
L’horreur de la situation peine à émerger dans l’esprit des convives.
Le supplice de Tantale : il ne l’a pas volé !
Sous la pression, Tantale finit par admettre que c’est son propre fils Pélops qui est dans les assiettes… Il voulait se venger, dit-il, de l’humiliation que l’Olympe lui a fait subir. Il voulait se venger, aussi, de Zeus, son père, qui n’a jamais daigné lui accorder la vie éternelle.
Rattrapé par la réalité de son geste infâme, Tantale éclate en sanglots.
Les Dieux sont horrifiés. Dans un premier temps, ils redonnent vie au pauvre Pélops, en remplaçant son épaule dans laquelle a croqué Déméter par une prothèse en ivoire. Pour dissuader toute personne de s’aventurer dans les chemins tortueux du cannibalisme, ils doivent trouver pour Tantale un châtiment exemplaire. C’est ainsi qu’il est envoyé sans ménagement dans le Tartare, l’endroit le plus profond du monde souterrain.
Il est immobilisé au milieu d’une rivière, de l’eau jusqu’aux épaules et une branche d’arbre fruitier à portée de bras. Mais il ne peut ni se désaltérer, ni se nourrir : dès qu’il se baisse pour boire, le niveau de l’eau baisse instantanément. Dès qu’il tend le bras pour cueillir un fruit, la branche de l’arbre se dérobe hors de portée.
Entouré de tentations, Tantale est donc condamné à souffrir de la faim et de la soif, pour l’éternité.
« Vanité des vanités, tout est vanité ! »
Note : ce récit n’est pas le reflet exact des textes mythologiques dans lesquels certains flous subsistent sur les réelles motivations de Tantale. J’ai tenté de « combler les trous » pour donner plus de cohérence au récit et, surtout, d’apporter une justification aux crimes de Tantale : sa frustration d’être un simple mortel, lui le fils du dieu des dieux. Assez ironiquement, Tantale gagne bien l’éternité à l’issue du récit, mais sans doute dans des circonstances auxquelles il ne s’attendait pas…
Texte à ne pas utiliser tel quel dans des travaux scolaires, donc !
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J’aime ce genre de défis, même si ce n’était pas très dur, j’ai eu l’impression de revenir dans le passé, comme lorsque j’étais en licence d’histoire de l’art et que, n’ayant pas eu le temps de prendre les références d’une œuvre présentée par le prof, je devais rechercher toutes les références d’un tableau avec pour seul indice, le sujet de l’œuvre en question.
Me voilà donc partie à la recherche d’informations sur cette mystérieuse œuvre. J’ouvre mon Gombrich (ma Bible) et je regarde s’il n’y aurait pas ladite représentation à l’intérieur pour m’éviter de googliennes recherches… Peine perdue. Je me doute que l’œuvre doit dater du XVIIème siècle, mais n’ayant pas tous mes livres là où j’habite, il va me falloir passer par le support virtuel.
Je vais donc sur Google Images et je tape « Tantale », je tombe rapidement sur la représentation en question et après avoir visionné quelques blogs indélicats qui ne jugeaient pas utile de citer entièrement leurs sources, je suis tombée sur un qui avait la gentillesse de donner le nom de l’auteur : Gioacchino Assereto.
Monsieur Larousse ( http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/Assereto/150915 ) me dit là, que c’est un peintre génois du XVIIème siècle dont l’œuvre se caractérise par « par un goût pour une expression violente qui se manifeste dans ses tableaux de chevalet, aux personnages lourds et aux couleurs sourdes » dans laquelle s’unissent les influences de la peinture lombarde et du Caravage (dont il a été question sur EtaleTaCulture il y a peu de temps) chez lequel il est allé chercher le naturalisme. Le naturalisme du Caravage ? Prendre une morte noyée, le ventre gonflé par l’eau et le début de la décomposition _ les morts ont des gaz_ et représenter la dormition d’une Vierge verdâtre en pleine putréfaction. D’ailleurs, on n’a pas été choqué de voir la Vierge affublée d’un ventre encore rond, c’était fréquent pour rappeler que ledit ventre avait abrité le Sauveur, le diktat du ventre plat avant l’été et la multiplication des régimes miracles n’étaient pas très en vogue encore…
Cette représentation de Tantale à été probablement peinte aux alentours de 1640 et est conservée au Auckland Art Gallery Toi et Tomaki (j’ai eu beau aller sur le site officiel du musée, je n’ai cependant pas pu trouver la représentation en question, l’information est donc à prendre avec des pincenounettes).
Je vais en profiter pour rappeler les informations qu’il faut donner quand on site une œuvre, car, et ça me tape sur le système de voir que même les manuels scolaires ne le font pas parfois, ces informations sont tout aussi cruciales que l’œuvre en elle-même. Après avoir donné les informations basiques (Titre de l’œuvre, date, auteur) on rappelle qu’elle est la technique employée, ici c’est une huile sur toile, une technique très répandue. Pourquoi dire la technique ? Parce que le rendu va en dépendre, parce qu’elle ne va pas se patiner pareil, parce qu’elle rend compte bien souvent d’une école ou d’une école. Après avoir donné la technique, on donne ses dimensions : 117 x 101 cm (toujours sous cette forme, et souvent en cm et au millimètre près). Donner la dimension d’une œuvre peut donner une idée à celui qui voit une ridicule et minuscule représentation de ce à quoi elle ressemble réellement, mais pas seulement. Les dimensions d’un tableau sont assujetties à des règles et des normes et les grands modèles sont réservés aux sujets d’histoire et mythologique (d’où le grabuge autour de l’Enterrement à Ornans de Courbet conservé au Musée d’Orsay…), les sujets non nobles, natures mortes (bien que naturaliste et représentant un truc pas vivant, La mort de la Vierge du Caravage qu’on peut reluquer au musée du Louvre n’en est pas une), scènes de la vie quotidienne, paysages, ne pouvant bénéficier d’une œuvre monumentale normalement, la taille est une question de taille, et « plus c’est gros plus c’est… ». La taille et la forme du tableau peuvent également tenir son origine dans l’emplacement pour lequel il était créé, car jusqu’au XIXème siècle, la majorité des œuvres étaient des commandes qui avaient leur place avant même d’être produites. Enfin, pourquoi donner une référence aussi matérielle ? C’est parce qu’il y eut des faussaires tellement géniaux et bêtes en même temps, que leur contrefaçon ne fût démasquée qu’après examen des dites mesures… Faut quand même avouer que c’est ballot de se faire pincer pour une si petite imperfection quand l’expert en venait à douter… C’est d’ailleurs pour cela que tous ceux que l’on voit reproduire des œuvres célèbres, comme au Louvre par exemple, n’utilisent jamais des toiles de la même dimension que l’original … Enfin, on dit, lorsque c’est possible, où se trouve l’œuvre en question des fois qu’il viendrait l’idée à quelqu’un d’aller voir l’œuvre en vrai.
Donc voilou, La punition de Tantale est une œuvre de Goacchino Assereto (1600-1649 ?) peinte aux alentours de 1640. Conservée depuis 1978 au Auckland Art Gallery Toi et Tomaki, c’est une huile sur toile de 117cm par 101 cm.
Un enterrement à Ornans : http://www.musee-orsay.fr/index.php?id=851&L=0&tx_commentaire_pi1%5BshowUid%5D=130&no_cache=1
La Mort de la Vierge : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/la-mort-de-la-vierge
Il dure 3 heures ton texte
Quand on pense à tantale, on pense á son supplice et je n’avais jamais pensé à réfléchir à la raison de ce supplice !
C’est vrai qu’il ne l’a pas volé, il n’y a rien de pire que les histoires d’infanterie. La mythologie grecque est décidément pleine de surprises !
Vous auriez pas confondu Zeus avec Marie-Christine, des fois? 😉
J’ai mis du temps à comprendre!
Mais j’ai fini par faire le rapprochement avec la chanson de Nougaro « Je suis sous ton balcon »!
« – Oh, oh! Zeus! Je t´en prie, encore une fois, montre-toi magnanime. Donne-moi une chance encore, dis! Recommençons! »
😛
Oui, Tantale l’a vraiment mérité son supplice.
Tuer son enfant et le donner à manger à ses invités, c’est mal.
Un point c’est tout.
Bah non il a pas mérité x) C’est ces débile s de Dieux qui doivent allez en Enfers mdr genre qui sont trop parfaits les dieux :’) 😆 👿
C’est vrai que l’on ne donne pas de vacheries à ses convives…!
tantale mériter largement sa penne